Un ancien chef d’Etat en fin de mandat dont je tairais le nom disais à ses seconds couteaux : « Je serais le dernier des grands Présidents car après moi vous n’aurez que des financiers et des experts comptables ». Frappant. Actuel. Réel.
Aujourd’hui notre état de cécité politique morale et idéologique dont le débat public est le reflet (coups de feu, insultes, personnification du débat, billets de 10.000 etc..), implique la nécessité de comprendre un nouveau fait. On ne peut plus se payer le luxe de se passer de courage politique ou de radicalité. La radicalité bien comprise, celle qui traite les problèmes à leur racine, loin des discussions sophistiques interminables sans intérêt dont le seul but est de plaire au monarque républicain dont la main si généreuse pourrait bien faire basculer un destin en signant un décret de nomination sous le regard jamais habitué d’un par terre de « Monsieur les Ministres », excusez du peu.
Si l'on veut se convaincre encore davantage de cette vérité, on n'a qu'à voir le rôle immense que jouent aujourd'hui, dans l'existence des peuples comme dans celle des individus, les éléments d'ordre économique :croissance, commerce, finances, il semble qu'il n'y ait que cela qui compte. Il semble que le pouvoir financier domine toute politique peut-être n’est-ce là qu'une apparence, et ces choses sont-elles ici moins de véritables causes que de simples moyens d'action mais le choix de tels moyens indique bien le caractère de l'époque à laquelle ils conviennent. D'ailleurs, nos contemporains sont persuadés que les circonstances économiques sont à peu près les uniques facteurs des événements historiques, et ils s'imaginent même qu'il en a toujours été ainsi. On est allé en ce sens jusqu'à inventer une théorie qui veut tout expliquer par là exclusivement, et qui a reçu l'appellation significative de « matérialisme historique ».
Dans les propos de notre ancien chef d’état, il ne faut pas comprendre le mot « financier » dans le sens de son acception commune mais il faut l’appréhender sous un autre angle. Il s’agit ici de « l’esprit financier ». Ce matérialismeintégraldestructeur, castrateur, petit, sans issuedans lequel nous plongent le pouvoir en placeet qui est censé tout expliquer ou tout au moins une grande partie. Seulement il n’explique et n’expliquera jamais rien car il est fondamentalement descriptif. Bien évidemment les sujets économiques sont centraux dans notre monde où l’évolution du capitalisme l’a mené là ou il en est. Apporter une réponse forte et surtout orientée (par nous même selon notre système de valeurs) sur le terrain économique est indispensable mais pas suffisant. Le capitalisme a muté. Il estdevenu financier, dominateur, permissif, libertaire, sauvage et aveugle. Par ailleurs il est devenu un fait social total, comme tout un chacun il marche sur deux jambes.
L’une est purement matérialiste et relève de l’organisation des échanges et du droit de propriété et l’autre (la plus dissimulée et importante) procède de l’esprit et de la préparation perpétuelle des pensées et mœurs, afin que celle ci soient constamment en cohérence avec l’idée que les penseurs modernistes et libéraux se font du contemporain idéal (indispensable aux logiques de marché et de désir les piliers de sa forme moderne). Je ne remets pas en cause le droit de propriété et ne crois pas que l’avènement d’une société égalitaire sur le plan matériel soit le sens de l’histoire, mais « l’esprit moderne » indispensable à la mutation du capitalisme vertueux en bête sauvage (milieu 20ème siècle) je jette. C’est la matrice originelle de nos maux les plus profonds, j’en suis convaincu. Nous devons apporter une réponse claire en brisant cette deuxième jambe car elle tend à détruire ce que nous avons de plus profond, ce qui est fondamentalement constitutif de notre identité, la voix de nos morts.
Nos dirigeants actuelsle savent pertinemment (enfin j’espère) mais refusent de se poser les bonnes questions car ils savent que les réponses qu’appellent les interrogations qui s’imposentréclament un supplément d’âme et surtout une vision politique qui ne peut émerger que d’un corpus idéologique qui leur fait cruellement défaut. Le récit national, la note du cœur, l’idéal, voilà des mots qui leurs sont totalement étrangers, très loin de leurs préoccupations politiciennes. La plupart des hommes aux manettes, en ce jour, conçoivent la politique comme un moyen de parvenir socialement, on le sait parfaitement. Comment pourrait-il en être autrement, ces hommes ne croient en rien, ne lisent rien et donc ne changeront jamais rien. Ils traitent les conséquences visibles d’un problème dont ils sont un substrat moins visible. Ils ne font pas de politique car ce dernier est absolu ou n’est pas.Il doit primer sur le reste, l’économique ne peutsurdéterminer la chose à travers laquelle on se détermine, on fait société, c’est insensé. Une logique constitutive ne peut être subordonnée à une logique régulatrice ou organisationnelle.Je peux comprendre que lorsque l’on a trop longtemps macéré dans les eaux troubles du pragmatisme c’est naturellement que l’on a tendance à oublier que ce sont les idées qui gouvernent les hommes et leurs contenants. Le reste ne sont que des applications conditionnées par ces idéaux.
Ces hommes totalement soumis à l’idéologie dominante, monomaniaque et économiquement centrée parfois même sans le savoir, sont les agents de l’esprit moderne et les relais de l’idéologie du progrèsindispensable à l’épopée bourgeoise mère de la démocratie parlementaire à l’occidentale. Démocratie parlementaire qui n’est que la matérialisation du coup d’état réalisé par la richesse mobilière sur la monarchie, ses ordres et ses folles volontés d’assurer au peuple ses subsistances. Ces hommes peuvent ils seulement essayer de m’expliquer leur façon de penser quand on sait la charte de Kouroukan Fouga solennellement proclamée le jour de l'intronisation de Soundiata Keita comme empereur du Mali en 1236 ce qui en fait l'une des plus anciennes références en matière les droits fondamentaux. Ceci me conforte dans l’idée que ce qui est nouveau n’est pas nécessairement bon pour nous .Le passé est forcément dépassé et obsolète car c’est le progrès et le sens de l‘histoire qui le veut. Ne nous méprenons pas, nous somme là en face d’une arme idéologique redoutable.
A contre courant de ce qu’ils doivent être, sans quoi ils ne sont plus rien, ils valident ce dangereux principe qui veut que l’Etat doit être non-axiologique. Cet esprit nauséabond qui ne dit pas son nom mais qui est un relativisme absolu au sein duquel tout se vaut. Toute représentation du vrai, du bien est arbitraire car tout est ramené à l’individu et à ses libertés absolues et sacrées, notre intelligence avec, car réduite à ce qu’elle a de plus inférieure à partir du moment où tout principe supérieur est nié ou minimisé jusqu'à son extinction même.
Ces hommes dont l’incurie n’a d’égal que l’incompétence sur le plan politique, sont dépourvus de culture historique et sont très peu habités par l’histoire des idées par conséquent ils ne peuvent rien pour nous. Ils veulent combattre l’ennemi avec ses propres armes. Chimère. Tellement fiers de leurs spécialisations, qui pourtant les empêche de saisir les problèmes à la source et dans leur totalité dialectique, ils reportent sur le champ politique les lois qui régissent leurs domaines de compétence respectifs sans passer par les médiations qui s’imposent Ils veulent penser la société sous le seul angle de l’économico social tout en niant le psychologico affectif. Cette pensée ne sera jamais sérieuse ne changera jamais la vie des gens car elle ne s’appuie sur aucune visée idéologique claire et précise qui emporte l’adhésion des sénégalais.
Ils ne conçoivent les hommes qu’a travers le prisme économique. Ils ne le contemplent que depuis cet angle tellement réducteur et trompeur. Il ne saurait être autre chose qu’un consommateur ou un producteur, obnubilé par la réalisation de ses ambitions personnelles, seul but, seul sens raisonnable de sa vie. La somme de ces égoïsmes seuls suffirait à constituer le corps de l’intérêt général comme par magie. Plus que les concevoir comme tel, les meilleurs d’entre eux, ceux qui savent que les idées gouvernent les hommes et que les fruits politiques ne se récoltent qu’après avoir semé dans les cerveaux les graines qui vous feront gagner la guerre de l’hégémonie culturelle, manipulent façonnent cet esprit public (ou essayent car ça s’effondre toujours) afin de le dépolitiser, le rendre réceptif à la corruption, à l’achat de conscience et de votes. En dernière instance ce qui détruit structurellement et systémiquement le pays, ne les dérange pas plus que cela.
Il s’agit de crier l’absolu nécessité d'une « restauration héroïque » de la civilisation traditionnelle en opposition à cette civilisation moderne en phase de devenir mondiale qui ne reconnaît aucun principe supérieur, qui n'est même fondée en réalité que sur une négation des principes constitutifs historiques, est par là même dépourvue de tout moyen d'entente avec les autres, car cette entente, pour être vraiment profonde et efficace, ne peut s'établir que par en haut, c'est-à-dire précisément par ce qui manque à cette civilisation anormale et déviée.
Aujourd'hui, il est des sénégalais qui se sont plus ou moins complètement « matérialistes », qui ont abandonné leur tradition (je ne parle pas de khaftanes ou autres Tchebou djeune.) pour adopter toutes les aberrations de l'esprit moderne, et ces éléments dévoyés, grâce à l'enseignement des Universités européennes et américaines, deviennent dans leur propre pays une cause de trouble et d'agitation. Il ne convient pas, d'ailleurs, d’en exagérer l'importance, pour le moment tout au moins, mais il s’agit de préciser à quel point saisir la ligne de fracture qui naîtrécemment dans le marbre est difficile à distinguer des nervures visuelles naturelles de la roche. En effet, la distinction réelle et profonde ne se joue par sur le terrain de la dichotomie noir/blanc, nord/sud, mais relève de l’esprit. L’opposition fondamentale est celle qui existe depuis quelques siècles et l’avènement de l’esprit moderne qui justement se heurte à l’esprit traditionnel dernièrement incarné par Touba.
En Occident, on s'imagine volontiers que ces individualités bruyantes, mais peu nombreuses, représentent le Sénégal actuel, alors que, en réalité, leur action n'est ni très étendue ni très profonde. Cette illusion s'explique aisément, car on ne connaît pas tellement les vrais sénégalais en dehors des cercles d’initiés, qui du reste ne cherchent nullement à se faire connaître, et les « modernistes », si l'on peut les appeler ainsi, qui sont les seuls à se montrer au dehors, à parler, à écrire et à s’agiter de toutes façons. Je pense ici à Cheikh Anta Diop, Cheikh AHMADOUBAMBA, Koch Barma Fall, Cheikh OMARTALL et autres, ces patriotes qui pensent par et pour eux mêmes, qui portent en eux le souci de la vérité, de la métaphysique pure et dont l’objectif n’est pas d’avoir raison aux yeux de la minorité arrogante et agissante.
Il n'en est pas moins vrai que ce mouvement anti traditionnel gagne du terrain, c’est pourquoi l’esprit traditionnel sénégalais se replie en quelque sorte sur lui-même, les centres où il se conserve intégralement deviennent de plus en plus fermés et difficilement prenables pour des politiques devenus les alliés objectifs ou les idiots utiles de ce que nous déclarons comme étant nuisible et contre-productif pour nous même. D’où le taux de participation si faible ou le NON retentissant de Touba qui ne fait que précéder le futur rejet de la classe dirigeante, la crypto-élite par les autres villes saintes garantes de la « tradition » comprise dans son acception la plus noble c’est à dire celle qui dépasse les simples coutumes, postures, mets ou vêtements. Cependant ce qui se recroqueville dans le but se protéger, peut si les circonstances le commandent ou s’y prêtent, se rouvrir très vite. Cette seconde phase peut sonner l’heure de la révolution idéologique et de la restauration de nos grandeurs Si je ne suis pas sûr que ceci se produise dans un avenir proche, je suis certain que cela ne peut provenir que des enseignements de ces hommes porteurs de la connaissance intégrale, de l’intellectualité pure et instinctive.
Pendant que nous en sommes à parler de l’importance exagérée prise par les éléments d’ordre économiques, nous en profiterons pour souligner une illusion bien trop répandue à ce sujet, et qui consiste à s'imaginer que les relations établies sur le terrain des échanges commerciaux peuvent servir à un rapprochement et à une entente entre les peuples, alors que, en réalité, elles ont exactement l'effet contraire. La matière produit essentiellement de la multiplicité et de la division, donc source de luttes et de conflits. Le domaine économique n'est-il et ne peut-il être que celui des rivalités d'intérêts.
Déclarons-le très clairement : l'esprit moderne étant chose purement occidentale, ceux qui en sont affectés, même s'ils sont des africains de naissance, doivent être considérés, sous le rapport de la mentalité, comme des occidentaux, car toute idée sénégalaise leur est entièrement étrangère, et leur ignorance à l'égard des doctrines traditionnelles est la seule excuse de leur hostilité. Ce qui peut sembler assez singulier et même contradictoire, c'est que ces mêmes hommes, qui se font les auxiliaires de l'occidentalisme, du matérialisme intégral au point de vue intellectuel, ou plus précisément contre toute véritable intellectualité, apparaissent parfois comme ses adversaires dans le domaine politique ; et pourtant, au fond, il n'y a là rien dont on doive s'étonner.
Le mépris de classe de nos dirigeants actuels les pousse à croire que le faible taux de participation avec lequel joue le Ministre de l’intérieur, s’explique principalement par le fait que les gens n’ont pas compris. Au contraire, ils ont tellement compris qu’ils n’ont pas jugés utile d’y prendre part, à juste titre, des lors qu’ils considèrent la mascarade pour ce qu’elle est. Ce referendum sentait l’esprit moderne à des kilomètres pour qui sait le détecter et rien d’autre.
Sans doute, la masse a toujours été menée d'une façon ou d'une autre, et l'on pourrait dire que son rôle historique consiste surtout à se laisser mener, parce qu'elle ne représente qu'un élément passif, une matière au sens aristotélicien. Aujourd'hui il suffit, pour la mener, de disposer de moyens purement matériels, cette fois au sens ordinaire du mot, ce qui montre bien le degré d'abaissement de notre époque.
Le NON de Touba est très loin d’être un banal revers pour le chef de l’état. Il est symptomatique d’une évolution attendue de la ligne de fracture politique des bases qui dans leur très grande majorité sont totalement acquises à l’esprit traditionnel. Cette majorité silencieuse qui n’est pas allé voter en connaissance de cause ou qui parfois a dit NON pour d’autres raisons, s’oppose frontalement sur ce point aux pseudo élites. Le Président doit susciter et entretenir la disposition de l'individu à penser, à agir, à vivre, lutter et éventuellement, mourir, en fonction d'un principe supérieur qui dépasse sa simple individualité et qui se rattache profondément aux grandes traditions et au système de valeur du Sénégal majoritaire et silencieux.
Elimane Mamadou Wane.
elimawane@gmail.com
Aujourd’hui notre état de cécité politique morale et idéologique dont le débat public est le reflet (coups de feu, insultes, personnification du débat, billets de 10.000 etc..), implique la nécessité de comprendre un nouveau fait. On ne peut plus se payer le luxe de se passer de courage politique ou de radicalité. La radicalité bien comprise, celle qui traite les problèmes à leur racine, loin des discussions sophistiques interminables sans intérêt dont le seul but est de plaire au monarque républicain dont la main si généreuse pourrait bien faire basculer un destin en signant un décret de nomination sous le regard jamais habitué d’un par terre de « Monsieur les Ministres », excusez du peu.
Si l'on veut se convaincre encore davantage de cette vérité, on n'a qu'à voir le rôle immense que jouent aujourd'hui, dans l'existence des peuples comme dans celle des individus, les éléments d'ordre économique :croissance, commerce, finances, il semble qu'il n'y ait que cela qui compte. Il semble que le pouvoir financier domine toute politique peut-être n’est-ce là qu'une apparence, et ces choses sont-elles ici moins de véritables causes que de simples moyens d'action mais le choix de tels moyens indique bien le caractère de l'époque à laquelle ils conviennent. D'ailleurs, nos contemporains sont persuadés que les circonstances économiques sont à peu près les uniques facteurs des événements historiques, et ils s'imaginent même qu'il en a toujours été ainsi. On est allé en ce sens jusqu'à inventer une théorie qui veut tout expliquer par là exclusivement, et qui a reçu l'appellation significative de « matérialisme historique ».
Dans les propos de notre ancien chef d’état, il ne faut pas comprendre le mot « financier » dans le sens de son acception commune mais il faut l’appréhender sous un autre angle. Il s’agit ici de « l’esprit financier ». Ce matérialismeintégraldestructeur, castrateur, petit, sans issuedans lequel nous plongent le pouvoir en placeet qui est censé tout expliquer ou tout au moins une grande partie. Seulement il n’explique et n’expliquera jamais rien car il est fondamentalement descriptif. Bien évidemment les sujets économiques sont centraux dans notre monde où l’évolution du capitalisme l’a mené là ou il en est. Apporter une réponse forte et surtout orientée (par nous même selon notre système de valeurs) sur le terrain économique est indispensable mais pas suffisant. Le capitalisme a muté. Il estdevenu financier, dominateur, permissif, libertaire, sauvage et aveugle. Par ailleurs il est devenu un fait social total, comme tout un chacun il marche sur deux jambes.
L’une est purement matérialiste et relève de l’organisation des échanges et du droit de propriété et l’autre (la plus dissimulée et importante) procède de l’esprit et de la préparation perpétuelle des pensées et mœurs, afin que celle ci soient constamment en cohérence avec l’idée que les penseurs modernistes et libéraux se font du contemporain idéal (indispensable aux logiques de marché et de désir les piliers de sa forme moderne). Je ne remets pas en cause le droit de propriété et ne crois pas que l’avènement d’une société égalitaire sur le plan matériel soit le sens de l’histoire, mais « l’esprit moderne » indispensable à la mutation du capitalisme vertueux en bête sauvage (milieu 20ème siècle) je jette. C’est la matrice originelle de nos maux les plus profonds, j’en suis convaincu. Nous devons apporter une réponse claire en brisant cette deuxième jambe car elle tend à détruire ce que nous avons de plus profond, ce qui est fondamentalement constitutif de notre identité, la voix de nos morts.
Nos dirigeants actuelsle savent pertinemment (enfin j’espère) mais refusent de se poser les bonnes questions car ils savent que les réponses qu’appellent les interrogations qui s’imposentréclament un supplément d’âme et surtout une vision politique qui ne peut émerger que d’un corpus idéologique qui leur fait cruellement défaut. Le récit national, la note du cœur, l’idéal, voilà des mots qui leurs sont totalement étrangers, très loin de leurs préoccupations politiciennes. La plupart des hommes aux manettes, en ce jour, conçoivent la politique comme un moyen de parvenir socialement, on le sait parfaitement. Comment pourrait-il en être autrement, ces hommes ne croient en rien, ne lisent rien et donc ne changeront jamais rien. Ils traitent les conséquences visibles d’un problème dont ils sont un substrat moins visible. Ils ne font pas de politique car ce dernier est absolu ou n’est pas.Il doit primer sur le reste, l’économique ne peutsurdéterminer la chose à travers laquelle on se détermine, on fait société, c’est insensé. Une logique constitutive ne peut être subordonnée à une logique régulatrice ou organisationnelle.Je peux comprendre que lorsque l’on a trop longtemps macéré dans les eaux troubles du pragmatisme c’est naturellement que l’on a tendance à oublier que ce sont les idées qui gouvernent les hommes et leurs contenants. Le reste ne sont que des applications conditionnées par ces idéaux.
Ces hommes totalement soumis à l’idéologie dominante, monomaniaque et économiquement centrée parfois même sans le savoir, sont les agents de l’esprit moderne et les relais de l’idéologie du progrèsindispensable à l’épopée bourgeoise mère de la démocratie parlementaire à l’occidentale. Démocratie parlementaire qui n’est que la matérialisation du coup d’état réalisé par la richesse mobilière sur la monarchie, ses ordres et ses folles volontés d’assurer au peuple ses subsistances. Ces hommes peuvent ils seulement essayer de m’expliquer leur façon de penser quand on sait la charte de Kouroukan Fouga solennellement proclamée le jour de l'intronisation de Soundiata Keita comme empereur du Mali en 1236 ce qui en fait l'une des plus anciennes références en matière les droits fondamentaux. Ceci me conforte dans l’idée que ce qui est nouveau n’est pas nécessairement bon pour nous .Le passé est forcément dépassé et obsolète car c’est le progrès et le sens de l‘histoire qui le veut. Ne nous méprenons pas, nous somme là en face d’une arme idéologique redoutable.
A contre courant de ce qu’ils doivent être, sans quoi ils ne sont plus rien, ils valident ce dangereux principe qui veut que l’Etat doit être non-axiologique. Cet esprit nauséabond qui ne dit pas son nom mais qui est un relativisme absolu au sein duquel tout se vaut. Toute représentation du vrai, du bien est arbitraire car tout est ramené à l’individu et à ses libertés absolues et sacrées, notre intelligence avec, car réduite à ce qu’elle a de plus inférieure à partir du moment où tout principe supérieur est nié ou minimisé jusqu'à son extinction même.
Ces hommes dont l’incurie n’a d’égal que l’incompétence sur le plan politique, sont dépourvus de culture historique et sont très peu habités par l’histoire des idées par conséquent ils ne peuvent rien pour nous. Ils veulent combattre l’ennemi avec ses propres armes. Chimère. Tellement fiers de leurs spécialisations, qui pourtant les empêche de saisir les problèmes à la source et dans leur totalité dialectique, ils reportent sur le champ politique les lois qui régissent leurs domaines de compétence respectifs sans passer par les médiations qui s’imposent Ils veulent penser la société sous le seul angle de l’économico social tout en niant le psychologico affectif. Cette pensée ne sera jamais sérieuse ne changera jamais la vie des gens car elle ne s’appuie sur aucune visée idéologique claire et précise qui emporte l’adhésion des sénégalais.
Ils ne conçoivent les hommes qu’a travers le prisme économique. Ils ne le contemplent que depuis cet angle tellement réducteur et trompeur. Il ne saurait être autre chose qu’un consommateur ou un producteur, obnubilé par la réalisation de ses ambitions personnelles, seul but, seul sens raisonnable de sa vie. La somme de ces égoïsmes seuls suffirait à constituer le corps de l’intérêt général comme par magie. Plus que les concevoir comme tel, les meilleurs d’entre eux, ceux qui savent que les idées gouvernent les hommes et que les fruits politiques ne se récoltent qu’après avoir semé dans les cerveaux les graines qui vous feront gagner la guerre de l’hégémonie culturelle, manipulent façonnent cet esprit public (ou essayent car ça s’effondre toujours) afin de le dépolitiser, le rendre réceptif à la corruption, à l’achat de conscience et de votes. En dernière instance ce qui détruit structurellement et systémiquement le pays, ne les dérange pas plus que cela.
Il s’agit de crier l’absolu nécessité d'une « restauration héroïque » de la civilisation traditionnelle en opposition à cette civilisation moderne en phase de devenir mondiale qui ne reconnaît aucun principe supérieur, qui n'est même fondée en réalité que sur une négation des principes constitutifs historiques, est par là même dépourvue de tout moyen d'entente avec les autres, car cette entente, pour être vraiment profonde et efficace, ne peut s'établir que par en haut, c'est-à-dire précisément par ce qui manque à cette civilisation anormale et déviée.
Aujourd'hui, il est des sénégalais qui se sont plus ou moins complètement « matérialistes », qui ont abandonné leur tradition (je ne parle pas de khaftanes ou autres Tchebou djeune.) pour adopter toutes les aberrations de l'esprit moderne, et ces éléments dévoyés, grâce à l'enseignement des Universités européennes et américaines, deviennent dans leur propre pays une cause de trouble et d'agitation. Il ne convient pas, d'ailleurs, d’en exagérer l'importance, pour le moment tout au moins, mais il s’agit de préciser à quel point saisir la ligne de fracture qui naîtrécemment dans le marbre est difficile à distinguer des nervures visuelles naturelles de la roche. En effet, la distinction réelle et profonde ne se joue par sur le terrain de la dichotomie noir/blanc, nord/sud, mais relève de l’esprit. L’opposition fondamentale est celle qui existe depuis quelques siècles et l’avènement de l’esprit moderne qui justement se heurte à l’esprit traditionnel dernièrement incarné par Touba.
En Occident, on s'imagine volontiers que ces individualités bruyantes, mais peu nombreuses, représentent le Sénégal actuel, alors que, en réalité, leur action n'est ni très étendue ni très profonde. Cette illusion s'explique aisément, car on ne connaît pas tellement les vrais sénégalais en dehors des cercles d’initiés, qui du reste ne cherchent nullement à se faire connaître, et les « modernistes », si l'on peut les appeler ainsi, qui sont les seuls à se montrer au dehors, à parler, à écrire et à s’agiter de toutes façons. Je pense ici à Cheikh Anta Diop, Cheikh AHMADOUBAMBA, Koch Barma Fall, Cheikh OMARTALL et autres, ces patriotes qui pensent par et pour eux mêmes, qui portent en eux le souci de la vérité, de la métaphysique pure et dont l’objectif n’est pas d’avoir raison aux yeux de la minorité arrogante et agissante.
Il n'en est pas moins vrai que ce mouvement anti traditionnel gagne du terrain, c’est pourquoi l’esprit traditionnel sénégalais se replie en quelque sorte sur lui-même, les centres où il se conserve intégralement deviennent de plus en plus fermés et difficilement prenables pour des politiques devenus les alliés objectifs ou les idiots utiles de ce que nous déclarons comme étant nuisible et contre-productif pour nous même. D’où le taux de participation si faible ou le NON retentissant de Touba qui ne fait que précéder le futur rejet de la classe dirigeante, la crypto-élite par les autres villes saintes garantes de la « tradition » comprise dans son acception la plus noble c’est à dire celle qui dépasse les simples coutumes, postures, mets ou vêtements. Cependant ce qui se recroqueville dans le but se protéger, peut si les circonstances le commandent ou s’y prêtent, se rouvrir très vite. Cette seconde phase peut sonner l’heure de la révolution idéologique et de la restauration de nos grandeurs Si je ne suis pas sûr que ceci se produise dans un avenir proche, je suis certain que cela ne peut provenir que des enseignements de ces hommes porteurs de la connaissance intégrale, de l’intellectualité pure et instinctive.
Pendant que nous en sommes à parler de l’importance exagérée prise par les éléments d’ordre économiques, nous en profiterons pour souligner une illusion bien trop répandue à ce sujet, et qui consiste à s'imaginer que les relations établies sur le terrain des échanges commerciaux peuvent servir à un rapprochement et à une entente entre les peuples, alors que, en réalité, elles ont exactement l'effet contraire. La matière produit essentiellement de la multiplicité et de la division, donc source de luttes et de conflits. Le domaine économique n'est-il et ne peut-il être que celui des rivalités d'intérêts.
Déclarons-le très clairement : l'esprit moderne étant chose purement occidentale, ceux qui en sont affectés, même s'ils sont des africains de naissance, doivent être considérés, sous le rapport de la mentalité, comme des occidentaux, car toute idée sénégalaise leur est entièrement étrangère, et leur ignorance à l'égard des doctrines traditionnelles est la seule excuse de leur hostilité. Ce qui peut sembler assez singulier et même contradictoire, c'est que ces mêmes hommes, qui se font les auxiliaires de l'occidentalisme, du matérialisme intégral au point de vue intellectuel, ou plus précisément contre toute véritable intellectualité, apparaissent parfois comme ses adversaires dans le domaine politique ; et pourtant, au fond, il n'y a là rien dont on doive s'étonner.
Le mépris de classe de nos dirigeants actuels les pousse à croire que le faible taux de participation avec lequel joue le Ministre de l’intérieur, s’explique principalement par le fait que les gens n’ont pas compris. Au contraire, ils ont tellement compris qu’ils n’ont pas jugés utile d’y prendre part, à juste titre, des lors qu’ils considèrent la mascarade pour ce qu’elle est. Ce referendum sentait l’esprit moderne à des kilomètres pour qui sait le détecter et rien d’autre.
Sans doute, la masse a toujours été menée d'une façon ou d'une autre, et l'on pourrait dire que son rôle historique consiste surtout à se laisser mener, parce qu'elle ne représente qu'un élément passif, une matière au sens aristotélicien. Aujourd'hui il suffit, pour la mener, de disposer de moyens purement matériels, cette fois au sens ordinaire du mot, ce qui montre bien le degré d'abaissement de notre époque.
Le NON de Touba est très loin d’être un banal revers pour le chef de l’état. Il est symptomatique d’une évolution attendue de la ligne de fracture politique des bases qui dans leur très grande majorité sont totalement acquises à l’esprit traditionnel. Cette majorité silencieuse qui n’est pas allé voter en connaissance de cause ou qui parfois a dit NON pour d’autres raisons, s’oppose frontalement sur ce point aux pseudo élites. Le Président doit susciter et entretenir la disposition de l'individu à penser, à agir, à vivre, lutter et éventuellement, mourir, en fonction d'un principe supérieur qui dépasse sa simple individualité et qui se rattache profondément aux grandes traditions et au système de valeur du Sénégal majoritaire et silencieux.
Elimane Mamadou Wane.
elimawane@gmail.com