Senghor, le penseur, a été essentiel dans la formation intellectuelle de générations entières de sénégalais par la recherche qu'il suscitait d'une esthétique de la pensée, à la lisière des cultures, entre individus et communauté. Une pensée entre émotion et raison, les lieux même de sa perception des deux mondes auxquels il adhérait pour mieux construire ou retrouver un absolu, un universel enfoui au plus profond de sa localisation sérère et chrétienne dans un espace dominé par l'islam.
Senghor était à la recherche d'invariants; ce qui restait inchangé tout au long de sa trajectoire, quand il traversait les pays Diogaye et de Voltaire. Quand de son émotion nègre, il réglait, organisait son monde fait de raison. Sa méthode, rompre la perfection du regard pour mieux voir les invariants, ceux là même qui ne changent pas avec la perspective. La Vérité qui s'inscrit hors de la Certitude. L'Absolu qui reflète le Divin.
Il chercha d'abord dans les logiques du Marché et de la Foi qui semblaient s'affronter. En tout, il percevait cet affrontement violent qui marquait son univers.
Le monde chrétien est certes le berceau qui a vu naître et qui a nourri jusqu’à exacerber la notion de Marché, c'est-à-dire l’espace de la concurrence et de la négociation entre les êtres et les groupes humains, tels que nous le connaissons aujourd’hui. Mais, il a cessé d’en être la seule source d’inspiration, le seul cadre philosophique ou le principe d’orientation.
Le Marché s’auto régule et se stabilise parfois sur des solutions qui n’enchantent pas la hiérarchie de l’Eglise Chrétienne, ni le dogme, ni les millions de chrétiens sincères qui en sont victimes par le chômage ou la perte de propriété, rappelez vous la crise immobilière américaine. Il y a aujourd'hui une réelle fracture entre les fonctionnement du Marché qui a failli dans sa mission pour une allocation juste des ressources et de la Foi moteur de l'individu vers l'épanouissement et le bonheur.
La ligne de fracture est propre à la disjonction des principes même qui fondent le Marché et la Foi. Très tôt le poète Senghor a compris la marche vers l'universel, vers ce que nous avons tous en commun, vers ce que est accepté par tous. Il a compris que le dialogue islamo-chrétien pourrait à cet égard commencer à permettre d’identifier les voies et moyens pour apaiser cette nouvelle ligne de fracture, sans réveiller les anciennes qu’étaient le nationalisme, éthnicisme, le tribalisme, etc. Pour lui Les échanges entres nations devaient être renforcés pour être plus justes et éviter la détérioration continue des termes de nos échanges. Il n'a pas instauré formellement ce dialogue du point de vue de son contenu philosophique. Mais il le vivait dans ses rapports propres avec le monde musulman à travers les dignitaires religieux de tous bords.
Bien après lui, les événements du 11 Septembre 2001, un moment définissant de l’histoire contemporaine, après lequel plus rien ne sera pareil qu’avant, est venu rappeler l'urgence de nourrir ce dialogue.
Il a fallu alors aux hommes politiques trouver, dans l’urgence, des réponses qui montrent à leur opinion leur détermination à avancer vers un monde plus sûr. Or, l’instauration d’un tel monde prendrait du temps. Certainement le temps de la réflexion et de la construction de nouveaux modèles d’union.
Les réactions vives et spectaculaires pour entrer en guerre contre des ennemis identifiés à la hâte étaient voués à l’échec et ont échoué en démultipliant les foyer de tensions, les lieux de la rupture. Les réactions plus sages au 11 Septembre ont, quant à elles, proposé d’instaurer un dialogue entre les cultures, en particulier entre l’Islam et la Chrétienté.
Mais pour cela, il faut revenir aux principes fondamentaux de chacun des deux systèmes de pensées pour identifier les éléments essentiels d’une co-existence pacifique. Ces deux systèmes sont sont issus du même berceau culturel et donc ont beaucoup de choses en partage. Retrouver ces fondamentaux n’a rien à voir avec réciter des versets du Saint Coran, de la Sainte Bible, des Psaumes, dans tout chant et à tout bout de champs pour épater l’inculte, tout en occultant l’essence et l’essentiel. Il s’agit de comprendre et d’identifier de subtiles substances.
Tout d’abord distinguons la Foi qui est intérieure, propre à chaque être, de la Religion qui est extérieure et vise à rassembler et organiser les communautés religieuses distinctes. Sur le plan intérieur l'islam et la Chrétienté partage le caractère de religion d’Amour. Leur Dieu est Amour. Un amour pour l’individu. Une miséricorde divine pour toute créature. Pour la Chrétienté, Jésus est la quintessence de cet Amour. Pour l’Islam, « Marie et son Fils sont des signes pour les Mondes », des signes de l’Amour Divin.
Face à cet Amour divin, tous les individus sont égaux. Par l’Amour Divin, l’Islam et la Chrétienté ambitionne de libérer l’individu, la différence proviendra du fait qu’au-delà de ce caractère commun, l’Islam s’évertue à intégrer l’individu dans sa communauté puisqu’au jour du jugement dernier « chaque communauté sera jugé selon son Livre » : c'est-à-dire une identification de l’individu par sa communauté et une acceptation de la communauté de l’autre (principe de tolérance).
Il nous faut donc valoriser ce premier point commun de l’Islam et de la Chrétienté qui visent tous les deux à libérer grâce à l’Amour Divin, et le Dieu dont il est question est Total. Il est Unique et Il est Le Même. Toutes deux prêchent l’adoration de Dieu comme la voie vers la libération de l’être, vers son salut, quelqu’en soient les modalités. Ces deux religions sont des voies très proches vers un même Unique : par l’adoration du Même Absolu, elles promettent la guidance sur le Droit Chemin qui mène l’être à la fusion dans l’état d’unicité. Elles sont des voies de réalisation de l’ambition de l’être qui, en définitive, est de se distinguer de ses semblables pour devenir unique, voire se fondre dans l’Unique.
Quand on s’arrête aux individus, ils sont par essence tous égaux devant l’Amour Divin. Là, on reste dans le champ des égalités donc des droits de l’humain. Et, les deux religions ont hérité d'Abraham la sacralisation de la vie de tout être humain.
Le champ des égalités a aujourd'hui trouvé son niveau d’achèvement le plus complet tant pour ce qui concerne les égalités hommes-femmes, interraciales ou autres. Il y a quand même fallu beaucoup de luttes pour supprimer l’esclavage, le servage et autres pratiques révoltantes contraires à l’égalité que les féodaux, les aristocrates, les bourgeois et les capitalistes ont voulu justifié sur la base de leur dogme chrétien.
Quand on s’arrête à l’individu, et au champ d’égalité, il y a un parallélisme d’état, car tous les individus deviennent structurellement égaux, rien d’autre ne les distingue devant l’Amour Divin que leur cœur, siège de leur foi et de leurs intentions, et leurs bonnes œuvres. Ils ne s’élèveront dans la société des humains qu’à la force de leurs bras.
On comprend alors aisément pourquoi dans cette approche, ce parallélisme des états de l’individu a été à la base du plus formidable des développements socio-économiques du genre humain, le développement du Marché. Ce système met en concurrence les êtres dans des groupes humains; chacun étant mû et motivé par la réalisation de sa "légende personnelle". L´Homme y prend le centre du développement et la communauté la somme de centres, tous égaux de jure, ceints par leur volonté de vivre ensemble. La démocratie. Mais ce système reste fondé sur les moyens de la force acquise où le plus fort ou le plus riche domine de facto et que les religions chrétienne et islamique tentent de tempérer par la charité.
Vainqueur du communisme, le Marché constitue aujourd’hui la pensée unique incontournable qui dicte sa loi sur la gouvernance mondiale. Mais il faut le distinguer de la chrétienté en particulier, et de la religion en général, dont il a profité des effets libérateurs sur l’individu pour se développer et s’étendre. Méditez sur le rôle de l’Eglise dans la chute du communisme. Méditez surtout sur l’incitation appuyée du Pape Jean Paul II aux peuples des pays de l’Europe de l’Est : « N’ayez pas peur ».
Dans son état parallèle, de parfaite égalité, l’être jouit d’une liberté qui n’est limitée que par celle de son prochain. Méditez la symbolique du signe utilisé par marquer l'égalité: "deux segments de même longueur et parallèles". Cette liberté reste une capacité de déplacement axial, elle s’accommode de toutes les orientations que l’individu peut adopter à tout époque de son existence.
Nos sociétés modernes nous garantissent de larges libertés d’expression, d’association, d’entreprise, certes encadrées pour s’assurer que chacun en jouisse, mais très larges. Nous le devons beaucoup au développement à l'organisation du Marché, d’abord par les luttes sociales à travers le Monde entier, mais aussi par les idées nées sous les impulsions d’hommes comme Marx, Ricardo, Milton Friedman, et de tous ceux qui ont passé un moment à la recherche d’une théorie de l’équilibre général de l’économie des hommes. Cette axialité des libertés individuelles est un principe commun aux groupes humains quelles qu’en soient la religion qui est que tous les hommes naissent égaux en droits et en devoirs.
S’agissant, spécifiquement de l’Islam, il va un pas plus loin dans tentative d'intégrer l'individu dans sa communauté. Le principe de co-existence des êtres n’est plus seulement le parallélisme mais la convergence vers Le Centre Commun. Tous les axes de liberté s'entrecroisent et se projettent en un centre unique où les états multiples de l'être ne sont caractérisés que par leur degré de proximité du centre. Cette nouvelle configuration des états ne rompt en rien l’axialité des libertés, partagée avec la chrétienté. Elle l'oriente, faisant de l'axe une voie vers l'Unique parmi une multitude possible. Au-delà de l’expression de ces libertés, l’être cherchera la proximité du Centre, voire un écrasement au Centre, "la fan´a" .
L’Islam apporte une perspective d’intersection au Centre, organisant les états de l’être en cercles concentriques qui déferlent de la Umma, extérieure, gérée selon la Sharia au Centre où tous les axes individuels s’écrasent dans l’Unique. Elle offre une nouvelle perspective sur la même réalité.
L’islam offre ces niveaux d’organisation du groupe humain ; mais l’être retient son libre choix du niveau de proximité à l’Unique. Les guides, ces êtres qui cheminent vers l’intérieur, vers le Centre, ne font que tracer des voies de perfectionnement et d’avancée vers l’Unique, une tariqâ, qu’ils proposent ; chaque être reste le maître de son propre voyage. Ainsi l’Islam démultiplie les communautés pour proposer une appartenance à l’être qui n’est plus dissous dans une globalité. Par essence, il est chantre du local. Il n'y a pas de Pape en islam, un niveau d'harmonisation dont l'absence peut se faire ressentir sur la place de l'islam sur les questions globales.
Mais tout système humain, quelqu’il soit, est nécessairement imparfait, incomplet et inachevé. Seul Dieu mérite les attributs de Totalité, Certitude, Perfection et de Plénitude. Il est le Dieu, le Centre commun aux chrétiens et aux musulmans.
En revanche, dans le champs des états, le parallélisme, tout en offrant à chaque individu une grande trajectoire axiale et une variété d’orientations, établit un système de concurrence fondé la compétition entre les êtres et les groupes humains notamment pour l’accès aux bienfaits de la nature. Il est basé sur la force acquise. Il finit donc par instaurer une pensée unique, celle du dominant. Le parallélisme a souvent le travers d’offrir aux dominants le motif de vouloir effacer la diversité, de tout fondre dans un même moule, selon le même modèle qu’ils se seront choisis.
En d’autres termes c’est une globalisation qui tend à dissoudre le local. Elle consolide les dominations et nourrit les résistances et finit par conduire aux révoltes des plus dominés. Il faut donc aller vers le global après un enracinement fort dans le local.
C’est ce danger de dissolution que le Président et poète Senghor avait bien perçu en proposant d’aller au-delà du champs des égalités, vers le parallélisme asymétrique, qui réconcilie, dans l’état de l’être, la possibilité d’un caractère local, communautaire, spécifique, propre, enraciné et d’une dimension inconditionnée universelle. Sa proposition relève de la dualité de l’être que la chrétienté évoque en disant « l’homme à l’image de Dieu » dans sa double nature de représentant l’Un et de la multiplicité. Il rompt le parallélisme d’état par une recherche, un mouvement vers le Centre.
Toute la dimension ésotérique de l’œuvre de ce poète président reste à découvrir. Elle offre une première tentative d’une réconciliation des perspectives du Marche et de la Foi, un des enjeux du dialogue entre l’Islam et de la Chrétienté, un renforcement de ce qu’ils ont en commun et une mise en commun de ce qu’ils apportent pour adoucir la concurrence entre les êtres, le Marché qui reste, faute de mieux, le meilleur moteur de développement, le meilleur mode d'allocation des ressources.
En guise d'illustration, prenez une tasse tubulaire. regardez la d'aplomb vous la verrez comme un cercle. Observez la de profil vous verrez un rectangle fait de parallèles. Une même réalité deux perspectives.
L'invariant reste la tasse. Le lieu de la réconciliation. C'est dans la coexistence des parallèles et cercles pour décrire les mêmes entités que Senghor trouve ses réponses aux défis du monde. Pour lui, il nous faut susciter et ouvrir le dialogue d’abord entre des gens qui sachent regarder les choses à partir des différentes perspectives et concilier les paradigmes du parallélisme et ce la concentricité.
Il nous faut continuer la réflexion commune sur des thèmes qui touchent tout le monde. C’est étonnant de constater la grande absence des spécialistes des religions des débats sur la crise économique et financière globale, alors qu’elle marque le première défaite du Marché qui rêvait de devenir la première religion globale, après avoir terrassé le Communisme, cette forme d’Etat qui décrétait l’abolition la concurrence entre les êtres et niait la diversité de leur choix.
Les êtres vivent dans le réel, leurs attentes sont rationnelles et sont inscrites dans leurs stratégies individuelles. C’est dans cet espace que vivent les êtres et leurs communautés ; c’est là qu’ils expriment leur Foi, dans leur Religion ; c’est là qu’ils confrontent leurs volontés de devenir unique. C’est là que le Marché s’effectue et trouve un sens que la Foi des êtres en Islam et en Chrétienté, pourrait aider à trouver. Non, Prof. Fukuyama, l’Histoire ne finit jamais, puisque son moteur est dans la Foi des êtres, toujours à la recherche d’une impossible réalisation, qui se confrontent, coopèrent et négocient pour créer leur propre "légende personnelle"et cela Senghor l'avait compris bien avant les penseurs de son époque.
Abdoul Aziz MBaye
Ministre de la Culture
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Senghor était à la recherche d'invariants; ce qui restait inchangé tout au long de sa trajectoire, quand il traversait les pays Diogaye et de Voltaire. Quand de son émotion nègre, il réglait, organisait son monde fait de raison. Sa méthode, rompre la perfection du regard pour mieux voir les invariants, ceux là même qui ne changent pas avec la perspective. La Vérité qui s'inscrit hors de la Certitude. L'Absolu qui reflète le Divin.
Il chercha d'abord dans les logiques du Marché et de la Foi qui semblaient s'affronter. En tout, il percevait cet affrontement violent qui marquait son univers.
Le monde chrétien est certes le berceau qui a vu naître et qui a nourri jusqu’à exacerber la notion de Marché, c'est-à-dire l’espace de la concurrence et de la négociation entre les êtres et les groupes humains, tels que nous le connaissons aujourd’hui. Mais, il a cessé d’en être la seule source d’inspiration, le seul cadre philosophique ou le principe d’orientation.
Le Marché s’auto régule et se stabilise parfois sur des solutions qui n’enchantent pas la hiérarchie de l’Eglise Chrétienne, ni le dogme, ni les millions de chrétiens sincères qui en sont victimes par le chômage ou la perte de propriété, rappelez vous la crise immobilière américaine. Il y a aujourd'hui une réelle fracture entre les fonctionnement du Marché qui a failli dans sa mission pour une allocation juste des ressources et de la Foi moteur de l'individu vers l'épanouissement et le bonheur.
La ligne de fracture est propre à la disjonction des principes même qui fondent le Marché et la Foi. Très tôt le poète Senghor a compris la marche vers l'universel, vers ce que nous avons tous en commun, vers ce que est accepté par tous. Il a compris que le dialogue islamo-chrétien pourrait à cet égard commencer à permettre d’identifier les voies et moyens pour apaiser cette nouvelle ligne de fracture, sans réveiller les anciennes qu’étaient le nationalisme, éthnicisme, le tribalisme, etc. Pour lui Les échanges entres nations devaient être renforcés pour être plus justes et éviter la détérioration continue des termes de nos échanges. Il n'a pas instauré formellement ce dialogue du point de vue de son contenu philosophique. Mais il le vivait dans ses rapports propres avec le monde musulman à travers les dignitaires religieux de tous bords.
Bien après lui, les événements du 11 Septembre 2001, un moment définissant de l’histoire contemporaine, après lequel plus rien ne sera pareil qu’avant, est venu rappeler l'urgence de nourrir ce dialogue.
Il a fallu alors aux hommes politiques trouver, dans l’urgence, des réponses qui montrent à leur opinion leur détermination à avancer vers un monde plus sûr. Or, l’instauration d’un tel monde prendrait du temps. Certainement le temps de la réflexion et de la construction de nouveaux modèles d’union.
Les réactions vives et spectaculaires pour entrer en guerre contre des ennemis identifiés à la hâte étaient voués à l’échec et ont échoué en démultipliant les foyer de tensions, les lieux de la rupture. Les réactions plus sages au 11 Septembre ont, quant à elles, proposé d’instaurer un dialogue entre les cultures, en particulier entre l’Islam et la Chrétienté.
Mais pour cela, il faut revenir aux principes fondamentaux de chacun des deux systèmes de pensées pour identifier les éléments essentiels d’une co-existence pacifique. Ces deux systèmes sont sont issus du même berceau culturel et donc ont beaucoup de choses en partage. Retrouver ces fondamentaux n’a rien à voir avec réciter des versets du Saint Coran, de la Sainte Bible, des Psaumes, dans tout chant et à tout bout de champs pour épater l’inculte, tout en occultant l’essence et l’essentiel. Il s’agit de comprendre et d’identifier de subtiles substances.
Tout d’abord distinguons la Foi qui est intérieure, propre à chaque être, de la Religion qui est extérieure et vise à rassembler et organiser les communautés religieuses distinctes. Sur le plan intérieur l'islam et la Chrétienté partage le caractère de religion d’Amour. Leur Dieu est Amour. Un amour pour l’individu. Une miséricorde divine pour toute créature. Pour la Chrétienté, Jésus est la quintessence de cet Amour. Pour l’Islam, « Marie et son Fils sont des signes pour les Mondes », des signes de l’Amour Divin.
Face à cet Amour divin, tous les individus sont égaux. Par l’Amour Divin, l’Islam et la Chrétienté ambitionne de libérer l’individu, la différence proviendra du fait qu’au-delà de ce caractère commun, l’Islam s’évertue à intégrer l’individu dans sa communauté puisqu’au jour du jugement dernier « chaque communauté sera jugé selon son Livre » : c'est-à-dire une identification de l’individu par sa communauté et une acceptation de la communauté de l’autre (principe de tolérance).
Il nous faut donc valoriser ce premier point commun de l’Islam et de la Chrétienté qui visent tous les deux à libérer grâce à l’Amour Divin, et le Dieu dont il est question est Total. Il est Unique et Il est Le Même. Toutes deux prêchent l’adoration de Dieu comme la voie vers la libération de l’être, vers son salut, quelqu’en soient les modalités. Ces deux religions sont des voies très proches vers un même Unique : par l’adoration du Même Absolu, elles promettent la guidance sur le Droit Chemin qui mène l’être à la fusion dans l’état d’unicité. Elles sont des voies de réalisation de l’ambition de l’être qui, en définitive, est de se distinguer de ses semblables pour devenir unique, voire se fondre dans l’Unique.
Quand on s’arrête aux individus, ils sont par essence tous égaux devant l’Amour Divin. Là, on reste dans le champ des égalités donc des droits de l’humain. Et, les deux religions ont hérité d'Abraham la sacralisation de la vie de tout être humain.
Le champ des égalités a aujourd'hui trouvé son niveau d’achèvement le plus complet tant pour ce qui concerne les égalités hommes-femmes, interraciales ou autres. Il y a quand même fallu beaucoup de luttes pour supprimer l’esclavage, le servage et autres pratiques révoltantes contraires à l’égalité que les féodaux, les aristocrates, les bourgeois et les capitalistes ont voulu justifié sur la base de leur dogme chrétien.
Quand on s’arrête à l’individu, et au champ d’égalité, il y a un parallélisme d’état, car tous les individus deviennent structurellement égaux, rien d’autre ne les distingue devant l’Amour Divin que leur cœur, siège de leur foi et de leurs intentions, et leurs bonnes œuvres. Ils ne s’élèveront dans la société des humains qu’à la force de leurs bras.
On comprend alors aisément pourquoi dans cette approche, ce parallélisme des états de l’individu a été à la base du plus formidable des développements socio-économiques du genre humain, le développement du Marché. Ce système met en concurrence les êtres dans des groupes humains; chacun étant mû et motivé par la réalisation de sa "légende personnelle". L´Homme y prend le centre du développement et la communauté la somme de centres, tous égaux de jure, ceints par leur volonté de vivre ensemble. La démocratie. Mais ce système reste fondé sur les moyens de la force acquise où le plus fort ou le plus riche domine de facto et que les religions chrétienne et islamique tentent de tempérer par la charité.
Vainqueur du communisme, le Marché constitue aujourd’hui la pensée unique incontournable qui dicte sa loi sur la gouvernance mondiale. Mais il faut le distinguer de la chrétienté en particulier, et de la religion en général, dont il a profité des effets libérateurs sur l’individu pour se développer et s’étendre. Méditez sur le rôle de l’Eglise dans la chute du communisme. Méditez surtout sur l’incitation appuyée du Pape Jean Paul II aux peuples des pays de l’Europe de l’Est : « N’ayez pas peur ».
Dans son état parallèle, de parfaite égalité, l’être jouit d’une liberté qui n’est limitée que par celle de son prochain. Méditez la symbolique du signe utilisé par marquer l'égalité: "deux segments de même longueur et parallèles". Cette liberté reste une capacité de déplacement axial, elle s’accommode de toutes les orientations que l’individu peut adopter à tout époque de son existence.
Nos sociétés modernes nous garantissent de larges libertés d’expression, d’association, d’entreprise, certes encadrées pour s’assurer que chacun en jouisse, mais très larges. Nous le devons beaucoup au développement à l'organisation du Marché, d’abord par les luttes sociales à travers le Monde entier, mais aussi par les idées nées sous les impulsions d’hommes comme Marx, Ricardo, Milton Friedman, et de tous ceux qui ont passé un moment à la recherche d’une théorie de l’équilibre général de l’économie des hommes. Cette axialité des libertés individuelles est un principe commun aux groupes humains quelles qu’en soient la religion qui est que tous les hommes naissent égaux en droits et en devoirs.
S’agissant, spécifiquement de l’Islam, il va un pas plus loin dans tentative d'intégrer l'individu dans sa communauté. Le principe de co-existence des êtres n’est plus seulement le parallélisme mais la convergence vers Le Centre Commun. Tous les axes de liberté s'entrecroisent et se projettent en un centre unique où les états multiples de l'être ne sont caractérisés que par leur degré de proximité du centre. Cette nouvelle configuration des états ne rompt en rien l’axialité des libertés, partagée avec la chrétienté. Elle l'oriente, faisant de l'axe une voie vers l'Unique parmi une multitude possible. Au-delà de l’expression de ces libertés, l’être cherchera la proximité du Centre, voire un écrasement au Centre, "la fan´a" .
L’Islam apporte une perspective d’intersection au Centre, organisant les états de l’être en cercles concentriques qui déferlent de la Umma, extérieure, gérée selon la Sharia au Centre où tous les axes individuels s’écrasent dans l’Unique. Elle offre une nouvelle perspective sur la même réalité.
L’islam offre ces niveaux d’organisation du groupe humain ; mais l’être retient son libre choix du niveau de proximité à l’Unique. Les guides, ces êtres qui cheminent vers l’intérieur, vers le Centre, ne font que tracer des voies de perfectionnement et d’avancée vers l’Unique, une tariqâ, qu’ils proposent ; chaque être reste le maître de son propre voyage. Ainsi l’Islam démultiplie les communautés pour proposer une appartenance à l’être qui n’est plus dissous dans une globalité. Par essence, il est chantre du local. Il n'y a pas de Pape en islam, un niveau d'harmonisation dont l'absence peut se faire ressentir sur la place de l'islam sur les questions globales.
Mais tout système humain, quelqu’il soit, est nécessairement imparfait, incomplet et inachevé. Seul Dieu mérite les attributs de Totalité, Certitude, Perfection et de Plénitude. Il est le Dieu, le Centre commun aux chrétiens et aux musulmans.
En revanche, dans le champs des états, le parallélisme, tout en offrant à chaque individu une grande trajectoire axiale et une variété d’orientations, établit un système de concurrence fondé la compétition entre les êtres et les groupes humains notamment pour l’accès aux bienfaits de la nature. Il est basé sur la force acquise. Il finit donc par instaurer une pensée unique, celle du dominant. Le parallélisme a souvent le travers d’offrir aux dominants le motif de vouloir effacer la diversité, de tout fondre dans un même moule, selon le même modèle qu’ils se seront choisis.
En d’autres termes c’est une globalisation qui tend à dissoudre le local. Elle consolide les dominations et nourrit les résistances et finit par conduire aux révoltes des plus dominés. Il faut donc aller vers le global après un enracinement fort dans le local.
C’est ce danger de dissolution que le Président et poète Senghor avait bien perçu en proposant d’aller au-delà du champs des égalités, vers le parallélisme asymétrique, qui réconcilie, dans l’état de l’être, la possibilité d’un caractère local, communautaire, spécifique, propre, enraciné et d’une dimension inconditionnée universelle. Sa proposition relève de la dualité de l’être que la chrétienté évoque en disant « l’homme à l’image de Dieu » dans sa double nature de représentant l’Un et de la multiplicité. Il rompt le parallélisme d’état par une recherche, un mouvement vers le Centre.
Toute la dimension ésotérique de l’œuvre de ce poète président reste à découvrir. Elle offre une première tentative d’une réconciliation des perspectives du Marche et de la Foi, un des enjeux du dialogue entre l’Islam et de la Chrétienté, un renforcement de ce qu’ils ont en commun et une mise en commun de ce qu’ils apportent pour adoucir la concurrence entre les êtres, le Marché qui reste, faute de mieux, le meilleur moteur de développement, le meilleur mode d'allocation des ressources.
En guise d'illustration, prenez une tasse tubulaire. regardez la d'aplomb vous la verrez comme un cercle. Observez la de profil vous verrez un rectangle fait de parallèles. Une même réalité deux perspectives.
L'invariant reste la tasse. Le lieu de la réconciliation. C'est dans la coexistence des parallèles et cercles pour décrire les mêmes entités que Senghor trouve ses réponses aux défis du monde. Pour lui, il nous faut susciter et ouvrir le dialogue d’abord entre des gens qui sachent regarder les choses à partir des différentes perspectives et concilier les paradigmes du parallélisme et ce la concentricité.
Il nous faut continuer la réflexion commune sur des thèmes qui touchent tout le monde. C’est étonnant de constater la grande absence des spécialistes des religions des débats sur la crise économique et financière globale, alors qu’elle marque le première défaite du Marché qui rêvait de devenir la première religion globale, après avoir terrassé le Communisme, cette forme d’Etat qui décrétait l’abolition la concurrence entre les êtres et niait la diversité de leur choix.
Les êtres vivent dans le réel, leurs attentes sont rationnelles et sont inscrites dans leurs stratégies individuelles. C’est dans cet espace que vivent les êtres et leurs communautés ; c’est là qu’ils expriment leur Foi, dans leur Religion ; c’est là qu’ils confrontent leurs volontés de devenir unique. C’est là que le Marché s’effectue et trouve un sens que la Foi des êtres en Islam et en Chrétienté, pourrait aider à trouver. Non, Prof. Fukuyama, l’Histoire ne finit jamais, puisque son moteur est dans la Foi des êtres, toujours à la recherche d’une impossible réalisation, qui se confrontent, coopèrent et négocient pour créer leur propre "légende personnelle"et cela Senghor l'avait compris bien avant les penseurs de son époque.
Abdoul Aziz MBaye
Ministre de la Culture
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