Il est membre de l’Internationale socialiste mais son modèle pour reconstruire le Mali lorgne plutôt vers le général De Gaulle : état fort, exacerbation du sentiment national et mépris affiché des intérêts partisans.
C’est en se présentant sous cette coiffe « bonapartiste » qu’Ibrahim Boubacar Keïta, alias IBK pour la plupart des Maliens, peut être élu président dès le premier tour de l’élection qui s’est tenue dimanche 28 juillet.
A l’évidence, après dix-huit mois d’une crise globale qui a mis le pays à genoux, une majorité de Maliens voulait entendre un discours promettant la renaissance d’une nation humiliée à plus d’un titre : par le discrédit de sa classe politique, l’ampleur de la corruption des élites, l’incapacité de son armée et de l’Etat à contenir la poussée djihadiste sur les deux tiers de son territoire, l’obligation de faire appel à l’ancienne puissance coloniale pour y remédier et sa terrible dépendance aux bailleurs de fonds de la communauté internationale. Tout au long d’une campagne conduite avec de gros moyens et le soutien d’agences de communication puissantes, IBK ne s’est guère embarrassé de détails programmatiques, préférant marteler que « le Mali allait retrouver son rang. » Quand un peuple a soif de dignité, quelquefois les promesses les plus simples suffisent. Pourra-t-il les tenir ?
Ses partisans le surnomment Kankeletigui, « l’homme qui n’a qu’une parole. » Ses détracteurs, et il y en a, soulignent qu’à l’inverse le changement tant réclamé trouvera en sa personne un serviteur assez paradoxal. C’est qu’Ibrahim Boubacar Keïta n’est pas exactement un nouveau venu sur la scène politique malienne. Le plus âgé (68 ans) des 28 candidats en lice en incarne même la quintessence. Même s’il a fondé son propre parti en 2000, comme la majorité des politiciens maliens il est issu des rangs de l’Adema, la seule formation véritablement structurée du pays et un des plus vieux partis africains. Il a été ministre et Premier ministre d’Alpha Oumar Konaré, premier président d’une ère dite démocratique et dont beaucoup révisent aujourd’hui à la baisse les acquis réels.
C’est au cours de cette période qu’il s’est forgé une image d’homme à poigne, voire brutale n’hésitant pas à mater les révoltes étudiantes et à réprimer durement les opposants. Un « défaut » considéré désormais comme une qualité, y compris par ceux qui sans beaucoup l’aimer ont choisi de voter pour lui. « Il n’est certainement pas l’homme de l’avenir mais va faire le ménage dans le bordel malien et d’une certaine manière préparera les vrais changements » confiait récemment, à Bamako, un « espoir » de la jeune génération politique montante.
Le pari est moyennement risqué. IBK a incontestablement le sens de l’Etat même si, de l’avis général, il a aussi surtout un goût du pouvoir que ses années au gouvernement puis à la tête de l’Assemblée Nationale n’ont pas rassasié. Pour satisfaire ses ambitions, et quoi qu’il en dise, il a ainsi noué une forte proximité tant avec les putschistes de 2012 qui avaient renversé le président déchu Amadou Toumani Touré (ATT) qu’avec les membres très conservateurs du Haut conseil islamique. Pour l’heure les Maliens n’en ont cure et veulent surtout rêver après de longs mois de cauchemar. Il ne faudra pas trop vote les décevoir…