Le Sénégal entre le pénis et le pénal


Mis sur pied en décembre dernier, le comité de réflexion pour étudier les cas de violences faites aux filles, regroupant des juristes et des acteurs de la société civile, a remis son rapport le 1er juillet dernier à Me Madické Niang, ministre de la Justice à l’époque. Après examen du document, Me Niang annonçait l’alourdissement de la sanction pénale en ces termes : « Nous montons à 15 ans. Nous allons augmenterla peine de cinq ans pour voir. Si nous constatons que ce n’est pas efficace, nous allons criminaliser ». Pour le président du Groupe d'action contre le viol des enfants (Grave), Adama Sow, « la peine devrait être plus sévère et être fixée à 20 ans ».

Doutant de l’efficacité de cette approche de la lutte contre les viols, la sociologue Mme Ramata Almamy Mbodj, coordonnatrice de l’Observatoire de lutte contre la maltraitance et les abus, plaide plutôt en faveur d’une intervention synergique sous-tendue par la prévention de proximité. L’ancienne ministre d’Etat, ministre de la Famille, de l’Entreprenariat féminin, de la Micro-finance et de la Petite enfance, Mme Ndèye Khady Diop, a abordé la question dans la même logique : « Il faut des peines dissuasives, mais la solution est entre les mains de la société, des différentes composantes de la nation, de la famille, des mamans ». Puis d’ajouter : « Augmentation de la sanction pénale, nous disons oui, mais avant la commission de cet acte de viol ignoble, avant d’en arriver au tribunal, nous devons agir ». Comment ? En mettant, dit-elle, « toutes les composantes de la société en contribution dans cette réponse globale pour empêcher que la violence, sous quelque forme que ce soit, ne soit exercée sur les enfants, sur la gent féminine en général ». Pour l’ancienne ministre de la Famille, « un accent particulier doit être mis sur l’important volet de la prévention et dans la sensibilisation de la cellule familiale ». Selon cette dernière, ladite approche peut s’appuyer sur l’existant tel que les comités de veille des quartiers qui travaillent avec son département, l’éducation des enfants qui doit être, comme par le passé, l’affaire de toute la communauté et non des simples parents biologiques. « Il faut que les proches parents, les éducateurs à l’école, parlent également aux enfants en levant les tabous pour les amener à alerter, à dénoncer à temps face à de tels actes », conclut l’ancienne ministre Ndèye Khady Diop. 

Deux fillettes devenues maman avant d’avoir 12 ans révolus

Au-delà des inquiétudes suscitées par la recrudescence des cas de viol, les violences sexuelles se traduisent pour certaines victimes en un véritable drame pour le restant de leur vie. Plusieurs filles violées s’en sortent avec des grossesses. Pis, regrette Mme Ramata Almamy Mbodj, « dans bon nombre de cas, il s’agit d’incestes et la vie de l’enfant qui devient ainsi mère avant l’âge est à jamais gâchée ». Une situation que vivent actuellement deux filles devenues maman bien avant l’âge. Inauguré en mars 2009, « Makanu Jigeen-Ni », structure d’accueil et de prise en charge des femmes victimes de violences sexuelles, logée au centre « Guindi », a « déjà enregistré 22 cas dont un enfant mère à 11 ans ». Soit quatre viols par mois.

AWA FAYE

Le Pays au Quotidien


Abdou Khadre Cissé

Jeudi 23 Aout 2012 13:03

Dans la même rubrique :