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Le coût d’une dissolution

Macky Sall se résoudra-t-il à dissoudre le Parlement ? Face au refus prêté à la majorité parlementaire actuelle d’un consensus sur le report des élections législatives, il sera peut-être amené à cette solution extrême, indique-t-on dans son camp. Une dissolution qui entraînerait un recul de quelques mois de la date du scrutin préalablement prévu le 17 juin prochain, mais qui empêcherait le nouveau pouvoir de prendre un acte législatif quelconque pendant ce temps. Or, les urgences sont criardes et appellent des réponses ici et maintenant. Des réponses qui sont la plupart d’ordre législatif.


Le coût d’une dissolution
 
 Le Parlement va-t-il être dissout encore une fois en moins de 10 ans ? L’Assemblée nationale du président Cheikh Cissokho, alors dominée par son parti, le Parti socialiste (Ps) avait été dissoute en 2001. Le pouvoir exécutif libéral qui venait de prendre ses quartiers ne pouvait se résoudre à « cohabiter », malgré les offres de services des socialistes qui voulaient simplement terminer leur mandat parlementaire. Il écourta leur mandat et anticipa les élections législatives. Ce qui lui a permis de prendre possession de l’hémicycle de la place Soweto, consolidant ainsi son pouvoir.

Le nouveau pouvoir hétéroclite de Macky Sall se résoudra-t-il à cloner dans ce domaine son devancier libéral? Il semble en tout cas confronter à la même difficulté sur ce plan. Mais contrairement à son prédécesseur, Abdoulaye Wade qui avait fait voter par le peuple une loi d’habilitation dans le cadre des mesures transitoires du Référendum constitutionnel du 7 janvier 2001, qui lui permit de gérer par ordonnance le temps de l’élection de la nouvelle Assemblée nationale, Macky Sall ne dispose pas d’une telle possibilité. Il serait curieux que les libéraux majoritaires à l’Assemblée nationale votent une telle disposition pour le nouveau président s’ils refusent simplement un consensus sur le recul des élections législatives. Il s’y ajoute que rien dans la Constitution actuelle, fait remarquer Moussa Tine, le Président d’Alliance Penco, ne permet au nouveau chef de l’Etat de dissoudre le Sénat. Or, le Parlement est bicaméral depuis la « restauration » de la seconde chambre. Si donc, Macky Sall peut dissoudre « sans même en fournir raison », l’Assemblée nationale, il ne saurait le faire légalement, parce que rien ne le prévoit, soulignent plusieurs juristes, pour le Sénat. Ce qui laisserait la problématique institutionnelle en l’état.

Cependant, « la Loi électorale dispose que la date de dépôt des listes de candidatures des élections législatives de 2012, est le vendredi 6 avril. Il y a eu un chevauchement sur le calendrier républicain. Nous avions tous concentré nos efforts sur le premier tour. Les Sénégalais ont décidé autrement. Et nous étions obligés d’aller au deuxième tour. Cela a entraîné un chevauchement sur le dépôt des listes » a fait observer Mahmout Saleh, qui aurait été mandaté pour discuter avec les responsables du Parti démocratique sénégalais (Pds). Ces derniers auraient refusé catégoriquement, tout report des élections législatives. Une position politiquement suicidaire, font remarquer plusieurs observateurs, d’autant plus que « le président de la République, une fois installé, peut décider de la dissolution de l’Assemblée nationale » poursuit-il. L’article 87 de la Constitution lui en fournit la prérogative. « Dans l’absolu juridique, rien n’interdit au président de dissoudre l’Assemblée nationale, parce que la Constitution de 2001, qui est encore en vigueur, en fait un pouvoir discrétionnaire du président de la République, qui peut librement choisir le moment […] et les motifs »
précise Ismaïla Madior Fall, professeur agrégé de Droit public et de science politique à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Selon l’article 87 de la Constitution, après son investiture, Macky Sall « peut, après avoir recueilli l’avis du Premier ministre et celui du Président de l’Assemblée nationale, prononcer par décret de sa dissolution» indique-t-il. « Le décret de dissolution fixe la date du scrutin pour l’élection des députés. Le scrutin aura lieu 60 jours au moins et 90 jours au plus, après la date de publication dudit décret », ajoute-t-il.

Cependant, une telle dissolution obligerait l’Exécutif à ne gouverner au moins pendant quatre mois que par décrets. Ce qui lui priverait la possibilité de légiférer, alors que les urgences comme la résolution de la famine dans le monde rural, la question de l’électricité, la nécessité de fournir semence en quantité et en qualité aux paysans, la Casamance et les questions de sécurité exigent ne serait-ce qu’une loi de finance rectificative. Plusieurs autres actes législatifs attendent également et urgemment.

Certains membres de Benno Bokk Yakaar comme Moussa Tine, ou Moustapha Diakhaté n’ont pas manqué d’attirer l’attention de leurs camarades sur les risques d’une dissolution hâtive et non réfléchie de l’Assemblée nationale.
En outre, ils notent qu’il est bien possible d’attaquer le décret portant répartition des sièges du scrutin majoritaire des législatives si ce dernier n’a pas deux mois d’existence précise Moussa Tine. Mais de tout cela, « il urge de discuter, de mettre en place une direction politique concertée comme y invite les camarades de la Ligue démocratique », souligne-t-il.

Toujours est-il que les élections législatives sont prévues le 17 juin prochain. La date de dépôt des listes en lice pour ces élections est fixée pour le 7 avril prochain. Si Macky Sall se décide à dissoudre l’Assemblée nationale, les législatives devraient se dérouler aux environs du 7 juillet et la date de dépôt des listes initialement prévue le 7 avril serait renvoyée vers la fin du même mois. Entre temps comment gouvernera-t-il ?

 

Bamba Toure

Mercredi 4 Avril 2012 - 09:23





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