En 2015, le marché des produits dépigmentants (ou éclaircissants), à l’échelle mondiale, vaudra 10 milliards de dollars (5000 Milliards de francs CFA), un enjeu économique énorme pour les industries cosmétiques ! Les entreprises spécialisées dans la fabrication de ces produits cosmétiques sont implantées essentiellement dans les pays développés mais elles sont également retrouvées dans les pays en développement dont le Sénégal. Ces dernières années, une profusion de produits cosmétiques soi-disant spécialisés pour les peaux noires et métissées a fait son apparition sur le marché dans les grandes villes africaines, européennes, américaines et asiatiques. Il convient de préciser d’emblée que les différences structurelles et physiologiques entre d’une part les peaux noires et métissées et d’autre part les peaux blanches sont minimes en dehors de la différence notable en mélanine, pigment majeur responsable de la couleur de la peau. Ainsi donc les produits cosmétiques, quelque soit leur forme (savon crème, gel, lotion, pommade et lait) conçus pour la peau blanche sont tout à fait adaptés aux peaux noires et métissées. Les arguments brandis par les fabricants de produits cosmétiques dits « spécifiques des peaux noires et métissées » sont purement commerciaux et ne reposent sur aucune base scientifique ! Ces arguments cachent simplement la volonté de mettre sur le marché des produits éclaircissants sans avoir l’air d’y toucher ! Il faut simplement préciser que la plupart de ces produits dits spécialisés pour les peaux noires et métissées sont recensés comme produits dépigmentants par l’AFSSAPS* (Agence Française de Sécurité Sanitaire des produits de santé) et le GTPN** (Groupe thématique peau noire de la Société Française de Dermatologie). Ces listes sont disponibles sur les sites internet de ces groupes, en les consultant on y retrouvera ces produits dits « haut de gamme ! », « achetés très chers !» « à Paris ! » mais qui contiennent néanmoins de l’Hydroquinone et ou du propionate de clobétasol (corticoïde de très forte activité). Actuellement, on assiste à une profusion de ces produits cosmétiques dépigmentant (QEI*Paris, Pr Françoise Bedon Carotte*, Makari de Suisse*) sur le marché sénégalais avec une stratégie marketing agressive, une publicité outrageuse et mensongère qui font croire aux consommateurs que ces produits sont haut de gamme donc dénués de risque sanitaire ! Cependant, les composés retrouvés dans ces produits dits haut de gamme sont identiques pour la plupart aux autres produits dépigmentants car il est IMPOSSIBLE de fabriquer des produits dépigmentants à l’échelle industrielle SANS Hydroquinone SANS Corticoïde et SANS Mercure ! Certes, il existe d’autres produits dépigmentants tels que l’arbutine et l’acide Kojique, mais dont les coûts limitent la fabrication industrielle. En tout état de cause, les fabricants ne semblent guère préoccupés par la santé des consommateurs dont le droit à l’information n’est pas respecté. En effet, ni l’emballage ni l’étiquetage ne respectent les normes requises (mention illégale ou non conforme, imprécision de la composition et concentrations des ingrédients), ce qui serait inconcevable si les produits étaient commercialisés au niveau des pays développés. Les consommateurs (trices) sont souvent berné(e) s par une publicité mensongère qui fait croire qu’il y aurait des produits dépigmentants de qualité supérieure parce que plus chers. Les mêmes types de complications dermatologiques sont observés avec les produits précités. Malheureusement, les consommateurs ne sont pas informés des dangers liés l’usage au long cours de ces produits dépigmentant ; et il faut déplorer à ce niveau l’inertie des associations de consommateurs. Il est à noter que d’une manière générale les associations consuméristes
ont tendance à se mobiliser plus pour les denrées de première nécessité, les services de consommation courante (eau, électricité et téléphone) que pour les produits qui ont un impact négatif sur la santé des populations (produits cosmétiques dépigmentants, médicaments de la rue, bouillons culinaires, ..). En dehors des associations consuméristes, l’état sénégalais doit se porter garant des intérêts des citoyens, en particulier veiller à la santé des populations par une prévention des risques sanitaires. En quoi faisant ? en assainissant le marché des produits cosmétiques, notamment par l’interdiction de l’utilisation de médicaments à visée cosmétique, en incitant les industriels du secteur cosmétique à respecter les normes industrielles, en interdisant (à l’instar du Burkina Faso) la publicité des produits dépigmentants, en informant le consommateur sur les dangers liés à l’usage des produits dépigmentants. La réalité est que les enjeux économiques sont énormes ! Et l’état ne semble pas encore prêt à renoncer aux recettes substantielles que génèrent les taxes sur les produits cosmétiques dépigmentants. En effet, les récentes modifications intervenues dans le code des impôts renvoient aux calendes grecques l’interdiction de la commercialisation des produits dépigmentants. A la lecture du nouveau code général des impôts 2013, en particulier dans ses articles 441 et 442 du CHAPITRE IX portant sur la TAXE SUR LES PRODUITS COSMETIQUES, on est tenté de croire que la route est encore longue qui mène à adopter une législation sur la régulation des produits cosmétiques dépigmentants : Concernant le Champ d’application , il est mentionné à la SECTION I ( Article 441) que la taxe s’applique notamment aux produits suivants : les produits de beauté ou de maquillage préparés et préparations pour l’entretien ou les soins de la peau, autres que les médicaments, y compris les préparations antisolaires et les préparations pour bronzage, pour bains et douche et préparations pour manucure ou pédicure ; Concernant le taux, il est mentionné au niveau de l’Article 442 de la section II que le taux de la taxe est fixé à 10%. Toutefois, ce taux est porté à 15% pour les produits dépigmentants figurant sur une liste établie par arrêté conjoint du Ministre chargé des Finances et du Ministre chargé de la Santé. Nous ne pouvons nous empêcher de faire au moins deux commentaires : Tout d’abord, au niveau de l’article 441, les médicaments sont exclus des produits cités dans le champ d’application de la taxe sur les produits cosmétiques. Les corticoïdes sont des médicaments donc comme tels ne devraient pas être inclus dans le champ d’application mais ne devraient pas également être commercialisés en dehors du circuit officiel du médicament.
Ensuite au niveau de l’article 442 ou le taux de la taxe est fixé à 10% à l’exception des produits dépigmentant ce qui semble vouloir dire que l’état cautionne l’importation et la commercialisation des produits dépigmentants malgré leur impact négatif sur la santé des populations. En outre dans le même article 442, il est précisé que la liste des produits dépigmentants sera établie par arrêté conjoint du Ministre chargé des Finances et du Ministre chargé de la Santé. Il parait paradoxal que le ministère de la santé et de la Prévention conscient des effets sanitaires néfastes de la dépigmentation établisse une liste de produits dépigmentants autorisés au détriment de la santé des populations indépendamment du coût économique de la pratique de la dépigmentation artificielle. Ce coût économique représente 18% du revenu des ménages (Douzima PM et al 2008) et comporte le coût direct de l’achat des produits dépigmentants, le coût indirect de la prise en charge des complications médicales de la dépigmentation artificielle (Xeesal). Donc autant d’argent détourné de l’alimentation, de la scolarisation, de l’hygiène et autres besoins élémentaires de la famille qui permettrait de réduire le gap nous séparant des OMD à défaut de les atteindre. Cet enjeu économique de la dépigmentation artificielle est énorme et les lobbies s’exercent de toutes parts face à la hausse récente des taxes.
Conscients des enjeux économiques que pourrait induire la hausse des taxes sur leurs activités, les industriels spécialisés dans la fabrication de produits cosmétiques ont réagi par une lettre adressée au ministre du commerce et du secteur informel. Dans cette correspondance, les industriels prônent «l’annulation immédiate de ces taxes et la mise en place d’une exonération systématique de la taxe sur l'alcool pour la parfumerie …». En plus de booster la compétitivité, l’annulation de ces taxes permettrait de sauver les 5000 emplois directs que génère ce secteur. Il est tout à fait légitime pour ces industriels de protéger leur secteur d’activité mais autant il faut favoriser l’entreprenariat national par une réduction des taxes, autant il faut se soucier de la santé des populations à court, long et moyen terme. Or annuler les taxes reviendrait à rendre encore plus accessibles les produits dépigmentants (donc éclaircissants) dont l’effet délétère sur la santé des consommateurs n’est plus à démontrer. Fatimata Ly Dermatologue-Vénérologue Maitre de Conférences Agrégé à la FMPO de l’UCAD de Dakar Présidente de l’Association Internationale d’Information sur la Dépigmentation Artificielle (A.I.I.D.A) contactaiida@yahoo.fr
Références :
1/ http://ansm.sante.fr/S-informer/Presse-Communiques-Points-presse/Mise-en-garde-sur-les-risques-lies-a-la-pratique-de-depigmentation-volontaire-de-la-peau-Communique (2011)
2/ SFD : Liste dépigmentation, par le GTPN Liste de spécialités utilisées dans un but cosmétique et ayant été signalées comme contenant des substances éclaircissantes médicalement dangereuses. Groupe Thématique "peau noire" de la Société Française de Dermatologie, mai 2011.
3/Code général des impôts (texte de loi votée le 27 Janvier 2012)
4/ Pierre Marie Douzima Etude du poids économique de la dépigmentation artificielle sur le revenu des ménages : cas des femmes vues au service de Dermatologie du centre de Santé de l’Institut d’Hygiène Sociale de Dakar 2009.
ont tendance à se mobiliser plus pour les denrées de première nécessité, les services de consommation courante (eau, électricité et téléphone) que pour les produits qui ont un impact négatif sur la santé des populations (produits cosmétiques dépigmentants, médicaments de la rue, bouillons culinaires, ..). En dehors des associations consuméristes, l’état sénégalais doit se porter garant des intérêts des citoyens, en particulier veiller à la santé des populations par une prévention des risques sanitaires. En quoi faisant ? en assainissant le marché des produits cosmétiques, notamment par l’interdiction de l’utilisation de médicaments à visée cosmétique, en incitant les industriels du secteur cosmétique à respecter les normes industrielles, en interdisant (à l’instar du Burkina Faso) la publicité des produits dépigmentants, en informant le consommateur sur les dangers liés à l’usage des produits dépigmentants. La réalité est que les enjeux économiques sont énormes ! Et l’état ne semble pas encore prêt à renoncer aux recettes substantielles que génèrent les taxes sur les produits cosmétiques dépigmentants. En effet, les récentes modifications intervenues dans le code des impôts renvoient aux calendes grecques l’interdiction de la commercialisation des produits dépigmentants. A la lecture du nouveau code général des impôts 2013, en particulier dans ses articles 441 et 442 du CHAPITRE IX portant sur la TAXE SUR LES PRODUITS COSMETIQUES, on est tenté de croire que la route est encore longue qui mène à adopter une législation sur la régulation des produits cosmétiques dépigmentants : Concernant le Champ d’application , il est mentionné à la SECTION I ( Article 441) que la taxe s’applique notamment aux produits suivants : les produits de beauté ou de maquillage préparés et préparations pour l’entretien ou les soins de la peau, autres que les médicaments, y compris les préparations antisolaires et les préparations pour bronzage, pour bains et douche et préparations pour manucure ou pédicure ; Concernant le taux, il est mentionné au niveau de l’Article 442 de la section II que le taux de la taxe est fixé à 10%. Toutefois, ce taux est porté à 15% pour les produits dépigmentants figurant sur une liste établie par arrêté conjoint du Ministre chargé des Finances et du Ministre chargé de la Santé. Nous ne pouvons nous empêcher de faire au moins deux commentaires : Tout d’abord, au niveau de l’article 441, les médicaments sont exclus des produits cités dans le champ d’application de la taxe sur les produits cosmétiques. Les corticoïdes sont des médicaments donc comme tels ne devraient pas être inclus dans le champ d’application mais ne devraient pas également être commercialisés en dehors du circuit officiel du médicament.
Ensuite au niveau de l’article 442 ou le taux de la taxe est fixé à 10% à l’exception des produits dépigmentant ce qui semble vouloir dire que l’état cautionne l’importation et la commercialisation des produits dépigmentants malgré leur impact négatif sur la santé des populations. En outre dans le même article 442, il est précisé que la liste des produits dépigmentants sera établie par arrêté conjoint du Ministre chargé des Finances et du Ministre chargé de la Santé. Il parait paradoxal que le ministère de la santé et de la Prévention conscient des effets sanitaires néfastes de la dépigmentation établisse une liste de produits dépigmentants autorisés au détriment de la santé des populations indépendamment du coût économique de la pratique de la dépigmentation artificielle. Ce coût économique représente 18% du revenu des ménages (Douzima PM et al 2008) et comporte le coût direct de l’achat des produits dépigmentants, le coût indirect de la prise en charge des complications médicales de la dépigmentation artificielle (Xeesal). Donc autant d’argent détourné de l’alimentation, de la scolarisation, de l’hygiène et autres besoins élémentaires de la famille qui permettrait de réduire le gap nous séparant des OMD à défaut de les atteindre. Cet enjeu économique de la dépigmentation artificielle est énorme et les lobbies s’exercent de toutes parts face à la hausse récente des taxes.
Conscients des enjeux économiques que pourrait induire la hausse des taxes sur leurs activités, les industriels spécialisés dans la fabrication de produits cosmétiques ont réagi par une lettre adressée au ministre du commerce et du secteur informel. Dans cette correspondance, les industriels prônent «l’annulation immédiate de ces taxes et la mise en place d’une exonération systématique de la taxe sur l'alcool pour la parfumerie …». En plus de booster la compétitivité, l’annulation de ces taxes permettrait de sauver les 5000 emplois directs que génère ce secteur. Il est tout à fait légitime pour ces industriels de protéger leur secteur d’activité mais autant il faut favoriser l’entreprenariat national par une réduction des taxes, autant il faut se soucier de la santé des populations à court, long et moyen terme. Or annuler les taxes reviendrait à rendre encore plus accessibles les produits dépigmentants (donc éclaircissants) dont l’effet délétère sur la santé des consommateurs n’est plus à démontrer. Fatimata Ly Dermatologue-Vénérologue Maitre de Conférences Agrégé à la FMPO de l’UCAD de Dakar Présidente de l’Association Internationale d’Information sur la Dépigmentation Artificielle (A.I.I.D.A) contactaiida@yahoo.fr
Références :
1/ http://ansm.sante.fr/S-informer/Presse-Communiques-Points-presse/Mise-en-garde-sur-les-risques-lies-a-la-pratique-de-depigmentation-volontaire-de-la-peau-Communique (2011)
2/ SFD : Liste dépigmentation, par le GTPN Liste de spécialités utilisées dans un but cosmétique et ayant été signalées comme contenant des substances éclaircissantes médicalement dangereuses. Groupe Thématique "peau noire" de la Société Française de Dermatologie, mai 2011.
3/Code général des impôts (texte de loi votée le 27 Janvier 2012)
4/ Pierre Marie Douzima Etude du poids économique de la dépigmentation artificielle sur le revenu des ménages : cas des femmes vues au service de Dermatologie du centre de Santé de l’Institut d’Hygiène Sociale de Dakar 2009.