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Le prince Tamim, un émir jeune et prudent à la tête du Qatar

C'est l'heure de vérité pour le prince héritier qatari. Le jeune Tamim Ben Hamad Al-Thani, âgé de 33 ans, qui gérait jusque-là la stratégie sportive de l'émirat et à qui son père avait récemment confié des dossiers plus sensibles, est devenu, mardi 25 juin, le nouvel homme fort de cette presqu'île du golfe Arabo-Persique, sortie de l'anonymat en une quinzaine d'années grâce à sa politique d'investissements frénétique et son activisme diplomatique débridé.


Le prince Tamim, un émir jeune et prudent à la tête du Qatar


Dans un discours à la nation, prononcé à 8 heures heure locale (7 heures à Paris), l'émir Hamad Ben Khalifa Al-Thani a confirmé la rumeur qui ne cessait d'enfler depuis quelques semaines, annonçant qu'il abdiquait et transmettait le pouvoir à son fils.

Voué à devenir le plus jeune chef d'Etat du monde arabe, Tamim maintiendra-t-il le cap fixé par son père et le premier ministre Hamad Ben Jassem Al-Thani, dit "HBJ", qui selon toute logique devrait démissionner ? Aussi brillante que tapageuse, la politique de ces deux hommes, qui a catapulté le Qatar sur le devant de la scène internationale, a généré ces derniers mois, avec l'enlisement des "printemps arabes", un flot croissant de critiques.

DANGEREUX APPRENTI SORCIER

Applaudi initialement pour son rôle de sponsor des révolutionnaires, l'émirat est de plus en plus présenté comme un dangereux apprenti sorcier, aux accointances islamistes suspectes. "Tel père, tel fils, assure une source officielle qatarie, interrogée sur le contrecoup politique de la succession. Tamim poursuivra sur la lancée de Hamad. Il y aura peut-être une différence de style. Mais il ne déviera pas des principes de base de la politique qatarie." Des constantes qu'un haut fonctionnaire français qui l'a fréquenté résume de cette manière : "Nous sommes ouverts à l'extérieur, laissez-nous être traditionnels à l'intérieur."

Certains bons connaisseurs de la famille régnante, qui pointent du doigt le naturel posé et prudent du nouvel émir ainsi que sa relative inexpérience sur la scène internationale, s'attendent cependant, après une phase de transition, à une forme d'assagissement diplomatique. "Il est respecté, bosseur, mais moins flamboyant que son père, soutient un homme d'affaires installé à Doha. Il est possible qu'il mette la pédale douce sur des dossiers brûlants comme la Syrie." "C'est un garçon bien élevé et bien dans ses baskets, ajoute un autre habitué du Qatar. A l'inverse de son père, il n'a pas le complexe du petit qui veut exister parmi les grands."

Né en 1980, Tamim est le deuxième fils du cheikh Hamad et de sa seconde épouse, la cheikha Moza, la seule qui se montre en public, célèbre pour son élégance altière. Il a été formé comme son père à l'Académie royale de Sandhurst, au Royaume-Uni, le Saint-Cyr d'outre-Manche, très prisée par les élites de la péninsule Arabique. L'instruction prodiguée par une gouvernante algéro-marocaine, amie de sa mère, et les cours d'été que celle-ci l'envoya suivre en France expliquent qu'il parle la langue de Molière en plus de celle de Shakespeare.

"RÔLE-CLÉ DANS LA RÉFORME DE L'ÉDUCATION ET DE LA SANTÉ"

Mordu de sport, il pratique le tennis à un bon niveau, grâce aux cours que lui a donnés Nasser Al-Khelaïfi, l'actuel patron du Paris-Saint-Germain, qui, avant de s'investir dans le monde du ballon rond, s'intéressait à celui de la petite balle jaune. Des photos, en ligne sur son site officiel, témoignent de ses rencontres, alors qu'il était adolescent, avec Stefan Edberg et Boris Becker, deux gloires du circuit ATP, dans les années 1980-1990. Marié à deux reprises, Tamim est déjà père de six enfants.

C'est à son frère aîné Jassem que la succession devait initialement revenir. Mais jugé plus apte à présider aux destinées du pays, Tamim a été promu prince héritier à sa place en 2003. Il est longtemps resté dans l'ombre de l'émir, comme le veut le protocole, avant de prendre du grade, sous l'impulsion de sa mère, inquiète des menées de l'ambitieux HBJ, le premier ministre.

En tant que "M. Sport" de l'émirat, c'est lui qui a piloté le rachat du PSG et supervisé la campagne pour l'attribution du Mondial de football 2022, deux étapes décisives dans le développement du soft power ("capacité de séduction") qatari. Il a aussi été chargé du village culturel Katara, bulle de créativité en lisière de la capitale, Doha, et de l'agence de statistiques nationale. "Ce que l'on sait moins, c'est qu'il a eu un rôle-clé dans la réforme du secteur de l'éducation et de la santé, ajoute un familier des cercles de pouvoir à Doha. Il a le bien-être des Qataris à cœur. Il sera un émir beaucoup plus impliqué dans les questions intérieures que ne le fut son père."

Ces dernières années, à mesure que les fidèles de HBJ étaient évincés des postes de pouvoir, parfois sous couvert d'allégations de corruption, le prince héritier a étendu son champ d'action, notamment au suivi des contrats d'armement avec la France et les Etats-Unis.

"UNE BONNE NOUVELLE POUR RIYAD"

C'est lui aussi qui, en 2010, a conduit le dialogue stratégique avec l'Arabie saoudite, menant à un réchauffement des relations avec le géant wahhabite, que l'interventionnisme tous azimuts de Doha a plus d'une fois agacé. "Les Saoudiens l'apprécient, alors qu'ils détestaient HBJ et regardaient avec méfiance son père, fait remarquer la politologue Fatiha Dazi Héni, spécialiste du Golfe. Son accession au pouvoir est une bonne nouvelle pour Riyad."

Prince héritier, Tamim entretenait de bonnes relations aussi bien avec des figures du courant moderniste, comme le ministre d'Etat aux affaires étrangères, Khaled Al-Attiyah, qu'avec des personnalités du clan conservateur, comme Abdallah Ben Nasser Al-Thani, le ministre d'Etat aux affaires intérieures, pressenti pour le poste de premier ministre.

"Tamim est un homme de consensus, il n'est pas dans la provoc', comme l'a été HBJ, analyse Mme Dazi Héni. Il aspire à mieux gérer la relation entre une société ultraconservatrice et une élite qui a modernisé le pays au pas de charge pendant dix ans. Une fois qu'il aura pris son envol, il est probable qu'il recentrera l'action du Qatar, sans rompre avec les acquis de son père, mais en jouant davantage la carte de la concertation."

Source: Lemonde.fr

Mardi 25 Juin 2013 - 10:09





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