S’il y a un front qui n’est pratiquement jamais en dormance, c’est celui des syndicats. Après l’enseignement et la santé, c’est au tour des travailleurs de la Justice de perturber le sommeil de la Fonction publique et de la Chancellerie de la justice. Avec le sixième plan d’actions déclenché lundi dernier, sanctionné par une grève de 72 heures (hier, aujourd’hui et demain), le syndicat des travailleurs de la Justice (Sytjust) vient handicaper un fonctionnement bancal du système judiciaire. Des motifs d’ordre stratégiques expliquent le choix de la confrontation pour ce syndicat qui dit avoir mis sous le boisseau toute velléité contestataire pendant trois années. ‘‘Nous avions opté pour un syndicalisme de construction en faisant des propositions pertinentes ; en privilégiant le dialogue. Nous nous sommes rendu compte que ce mode opératoire n’était pas efficace dans ce pays. C’est pour cette raison que nous avons décidé d’observer de temps en temps des arrêts de travail pour pousser l’autorité à réagir. Elle nous a habitués à ne réagir qu’en cas d’urgence. Nous voulons montrer à l’autorité que ça ne va pas du tout’’, déplore le chargé de communication du syndicat, Me Ahmed Touré. D’ailleurs, des deux autorités concernées par ce problème, Fonction publique et Justice, les reproches à cette dernière concernent plutôt une bonne volonté politique pour matérialiser les engagements. L’annonce récente, il y a plus d’une semaine, par le ministre de la Justice, du privilège de juridiction pour les greffiers au même titre que les avocats et les magistrats le mois dernier, a contribué à déradicaliser une partie du discours syndical envers la Chancellerie. Cependant, Ayé Boun Malick Diop et ses camarades ne cèdent pas un pouce de terrain. Désertions Avec l’arrêté ministériel n° 3870 date du 13 avril 2011, le fonds commun des greffes a été pris d’une première secousse. Deux ans plus tard, pour attirer des investissements extérieurs, le décret 2013-890 du 24 juin consacrait la modulation des droits de délivrance des actes en matière civile et commerciale. Le taux de nantissement, qui constituait la principale source du fonds commun des greffes, est drastiquement revu à la baisse. Les syndicalistes avaient même boudé une rencontre de la garde des Sceaux d’alors, Aminata Touré, tenue le 10 juillet 2013, et avaient observé un arrêt de travail de 48 heures. A cause des dispositions légales qui ont provoqué une crise de vocation dans le milieu. Conséquences : l’indemnisation des travailleurs de la justice en prend un coup sérieux au point de déboucher sur un autre problème : les démissions en cascade dues à la démotivation. La désertion est devenue commune dans les rangs des greffiers. En moins de cinq ans, 40 greffiers ont quitté le secteur, a annoncé le syndicat, lundi en conférence de presse. Le chargé de communication explique que pour cette année, il y a eu 11 départs dont trois sont allés à une hiérarchie B d’une autre administration. ‘‘Vous imaginez ! Des greffiers qui quittent pour aller devenir contrôleur des Impôts. C’est caractéristique d’un malaise’’, déclare Me Touré au téléphone. Avec des frais de délivrance n’excédant pas 700 F CFA, les problèmes de nantissement ont mis à mal les fonds communs des greffiers qui n’ont pas épargné les magistrats dans leurs critiques. En juin 2014, ils s’en sont pris aux magistrats (présidents des tribunaux départementaux) qui auraient profité des audiences foraines pour se livrer à de ‘‘sévères extorsions de fonds’’, selon Boun Malick Diop. Des déclarations qui avaient fait sortir l’ancien président de l’Union des magistrats Abdou Aziz Seck de ses gonds. ‘‘Ce sont des mensonges que de dire que les magistrats réclament de l’argent aux justiciables. Le Sytjust veut que les populations payent alors que l’Etat veut que personne ne paie ce service de la justice’’, avait-il répliqué. Dialogue aujourd’hui L’autre partie du problème concerne l’évolution professionnelle des greffiers. Le syndicat estime que ces derniers ont des problèmes liés à leur cadre de travail qui est de plus en plus déstructuré. ‘‘Les greffiers en chef qui étaient à B1 sont partis à la hiérarchie A1. Les interprètes judiciaires qui étaient de la hiérarchie C sont venus nous rejoindre à B2, et nous sommes sur le statu quo. Ce qui crée un déséquilibre et inhibe les possibilités de carrière au même titre que les autres catégories de travailleurs de la justice pour atteindre le sommet’’, explique le chargé de communication. Les modalités de règlements issues des négociations du 8 août dernier sont empreintes de dilatoire, à en croire les syndicalistes. Un délai de 21 jours dont la date butoir était le 29 août a été même fixé au gouvernement. Un travail qui incombe aux services du ministère de la Fonction publique dont le retard n’enchante pas les syndicalistes. ‘‘Aujourd’hui, après deux mois d’attente, les travailleurs de la Justice sont convaincus que le Gouvernement doit revenir à la table de négociation étant donné que les comités techniques décisionnels n’ont pas respecté les directives gouvernementales qui leur avaient imparti un délai de 21 jours pour déposer leurs conclusions’’, se plaignent les syndicalistes dans un communiqué qui nous est parvenu hier. Mais pour l’Administration, il n’a jamais été question de rupture du dialogue. D’ailleurs le Sytjust est invité à la table des négociations aujourd’hui, nous souffle un agent qui se préoccupe. C’est dans un souci de rationalisation des demandes que cette proposition doit être étudiée à fond. Les points de blocage s’expliqueraient par les deux ans qu’a mis le syndicat à rédiger des propositions. ‘‘Pourquoi veulent-ils qu’on en fasse moins dans l’examen des points’’, remarque une source. Selon cette dernière, les syndicalistes ont proposé une réforme du statut particulier des fonctionnaires de la Justice et des textes organisant le Centre de formation judiciaire. ‘‘Certaines propositions constituent un point d’achoppement en déphasage avec les équilibres contenus dans le statut général de la Fonction publique en l’occurrence 61-33’’, confie notre interlocuteur. L’espoir est toutefois permis pour les syndicalistes, surtout avec la chancellerie. ‘‘Nous savons bien que le ministère de la Justice est convaincu de l’opportunité et de la pertinence de nos demandes. Celles que nous avons formulées dans ces réformes sont importantes pour améliorer la qualité de la Justice. Nous gardons bon espoir que cette crise sera vite dépassée et que nous allons retourner au travail. C’est de cela qu’a besoin le pays’’, conclut le chargé de communication du Sytjust. EnQuête |
Le syndicat des travailleurs de la Justice est en arrêt de travail depuis
hier. Un acte dont la récurrence tient à beaucoup d’insatisfactions dans le cadre professionnel.
Jeudi 10 Novembre 2016 - 08:35
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