Les Almadies ne changent pas seulement sur le plan architectural. La zone vit aussi une autre mutation qui en fait un lieu de rencontres, d’évasions et d’amusement. Une nouvelle caractéristique qui bouleverse les habitudes des résidents «traditionnels» qui se résignent à des agressions parfois morales.
A l’origine, avec le projet d’érection des Almadies, l’idée était d’en faire une deuxième cité résidentielle, après Fann. Ses premiers habitants furent des cadres, de hautes personnalités politiques mais aussi des expatriés. Mais au fil des années, les résidents de ce quartier ont changé de profil. La zone accueille de plus en plus de gens qu’on appelle ici «Les nouveaux riches». A partir de 2000, notent divers interlocuteurs, Almadies change complètement de visage. Le coin, longtemps réservé, s’ouvre aux commerces, bars, cafés, restaurants et autres discothèques qui prennent leurs quartiers.
Les habitants du coin commencent à perdre le sommeil. Perturbés de façon constante par des discothèques qui de plus en plus tiennent des «soirées-orchestres» en plein air. «Ils ont gâté le coin», se plaint M. Sow. Ce cadre à la retraite dont la maison n’est pas très éloignée d’une ancienne discothèque accuse ainsi les promoteurs de ces boîtes de nuit. Ce père de famille qui vit depuis une trentaine d’années avec son épouse dans une immense maison de 1 500 m2 ne reconnaît plus son quartier. Il n’y a pas longtemps, le couple Sow se sentait agressé par deux discothèques, jadis très courues, qui ont fermé aujourd’hui.
La famille Sow, qui commençait à retrouver la quiétude, est hantée par l’ouverture d’une autre discothèque en construction. Ce chantier leur rappelle de mauvais souvenirs. «Cela va être encore le calvaire. Celui qu’on a vécu avec les deux», se lamente l’épouse de M. Sow. «Dans ma chambre à coucher, c’était pire. J’avais l’impression qu’on jouait dedans. Presque toutes les nuits, j’appelais la gendarmerie de Ouakam qui venait et les embarquait. Mais le lendemain, ils recommençaient comme pour nous narguer», témoigne-t-elle. Pourtant, confie la dame, un des gendarmes lui avait avoué que les tenanciers de cette boîte de nuit n’avaient même pas d’autorisation.
Un autre qui subissait les effets de la discothèque est un vigile dont le poste n’est pas loin de la maison des Sow. Il raconte que les soirées de ladite boîte de nuit mettaient les vigiles du secteur dans une situation difficile. «Des gens garaient leurs véhicules jusque devant nos portes parce que la boîte n’avait pas de parking et si monsieur ou madame voulait sortir, c’était la croix et la bannière. Car la devanture de la maison était souvent pleine de véhicules.» Ce qui ne manquait pas de causer des soucis aux gardiens.
Ces habitants traumatisés par l’expérience de ces discothèques assistent, impuissantes, à la construction d’une autre. Sous peu, ils vont encore subir les embouteillages et les nuisances sonores. La prolifération de ces discothèques a inspiré les habitants du coin à rebaptiser leur quartier. Désormais, Almadies porte le nom de «Las Vegas», dit Mme Sow.
En effet, les week-ends surtout, Almadies se transforme en un carrefour où toutes les rencontres sont permises. Et gare à ceux qui s’aventurent en voiture sur cet axe. Ces habitants, qui n’ont jamais connu d’embouteillage, l’intègre maintenant dans leurs déplacements nocturnes. «Il m’est arrivé de faire plus de 30 minutes entre l’aéroport de Dakar et chez moi (Ndlr : juste au rond-point des Almadies) alors qu’au début, je faisais le même trajet entre 10 à 15 minutes», regrette Mme Sow.
sudonline