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Lettre à une nouvelle mariée...


Sokhna si,

J’ai appris la bonne nouvelle. ...

Puisse le Seigneur Tout-Puissant bénir votre ménage et le compter parmi ceux dont se glorifie l’Islam. Qu’Il vous donne la force et une abnégation infinie pour en faire l’ultime sacerdoce que le mariage constitue pour une vraie croyante, vous ouvrir grandement, à tous les deux, les portes du bonheur et de la félicité dans les deux mondes…

Tu dois bien le savoir, Sokhna si.

Le chemin du mariage est parsemé d’embûches. C’est un sentier escarpé dont seuls quelques vaillants combattants auront une chance d’escalader, jusqu’au sommet, les voies âpres et sinueuses. Censé mener au bonheur et à l’amour sans fin, il se révèle souvent, pour beaucoup, un calvaire et une amère désillusion. Car après la griserie ineffable des premiers jours heureux, combien de ménages découvrent que, sous le miel des sentiments partagés, se dissimulait souvent le fiel des habitudes incompatibles et des humeurs si imprévues ! Pensant se suffire d’amour et d’eau fraiche, bien des couples se font rattraper par la fade réalité de la routine et des besoins rituels. Les aurait-on prévenu, éduqué et assisté, surtout par leur entourage que, même sans eau fraiche, l’amour qu’arrose l’amitié bourgeonnante d’un couple aguerri, aurait été au moins préservé…

Mais tu le sais mieux que moi, Sokhna si.

Chez nous, les ménages cèdent trop souvent sous les coups de boutoir incessants de cet entourage, justement. Comment résister à la pression ou même au chantage de certains « godo » et certaines « ndieuké », belles-mères et souvent vraies vilaines-filles, avides d’exercer sur la malheureuse intruse leur diktat social ? Ce que je te conseille, et bien que ce ne soit point facile, c’est d’être toujours équilibrée avec eux, avec tous. De faire tout ce qui est en ton pouvoir et dans tes possibilités pour réjouir et t’occuper, avec dévouement et tendresse, de tout le monde. Les parents et amis de ton mari au premier chef. Mais que cela ne te mène toutefois point à désobéir, par simple faiblesse, à ton Seigneur. Ou à t’engager sur une voie sans issue, simplement par peur de subir les sarcasmes et autres piques érigés en épée de Damoclès sur ta tête. Sois donc à la fois tendre et ferme avec tous, douce sans être faible, déterminée sans être têtue, conciliante sans être hypocrite, franche sans être irrévérencieuse. Agis toujours avec sagesse et esprit de dépassement. Tout ce que tu accepteras ou refuseras, que ce soit pour de nobles motivations et pour la Seule Face de Dieu, Ton Créateur. Le Seul devant qui tu auras un jour à rendre des comptes. Si ceux-ci s’avèrent positifs, tu te réjouiras éternellement, quelle que soit la désapprobation de tes semblables. Si par contre ils se révèlent négatifs, tu le regretteras pour toujours, quelle que soit leur gratitude et leur éloges pour toi. Et, malheureusement, ces laudateurs ne te seront plus d’aucun secours.

Ca aussi, Sokhna si, tu le sais mieux que moi…

De ton mari, occupe-t’en. Ne néglige nulle chose à même de le réjouir, de le faire avancer dans la Voie droite, de préserver sa maison et ses intérêts, d’éduquer et d’encadrer sa progéniture ; bref d’en faire un homme heureux sur tous les plans. Fais-le, certes, par amour pour lui, mais aussi pour l’Agrément de ton Seigneur Tout-Puissant qui vous a unis. Saches-le, un époux est une porte d’accès vers Dieu. Que donc ses faiblesses humaines ne t’empêchent pas d’en faire un seigneur. Regarde-le toujours avec les yeux du cœur et de la foi. Ainsi ne risqueras-tu jamais un jour de te dire qu’il ne mérite pas tes sacrifices. Un mari, beaucoup de jeunes femmes ne semblent pas encore, de nos jours, l’avoir compris, ce n’est pas juste un beau et élégant « thiof » bien « sapé », ni un riche « Crésus » capable de t’apporter « Visa, Villa et Voiture ». C’est beaucoup plus que ca. C’est l’homme avec qui tu comptes t’associer à jamais, fonder une famille, partager, avec dignité, toutes les joies et les toutes les peines, afin de bâtir ensemble l’édifice de votre bonheur, ici-bas et dans l’au-delà. Ne le soumets donc jamais sous la pression des besoins matériels infinis qui dépasseraient ses possibilités et entameraient inutilement la stabilité de votre couple. Peu ou beaucoup, l’essentiel est de tout partager. Ne le sacrifie pas non plus sur l’autel de tes seuls intérêts, ceux des tiens ou même ceux de tes enfants.

Je le sais bien.

De plus en plus de femmes, de nos jours, ne croient plus à ce genre de sacrifices. « Sëy sëy bi té jog fi », « Bu dul moom di keneen », « Photocopier sa xol, conserver l’original », ont-elles désormais l’habitude de dire, considérant à la limite le mariage comme un « deal » ou un simple « business ». C’est bien dans « l’air du temps », comme on dit, cette manie de traiter les choses les plus sacrées avec une légèreté effarante et de ne soupeser les valeurs que sur la balance des intérêts immédiats et des plaisirs éphémères. Beaucoup ne croient pas, non plus, au « ligéeyu ndéy », convaincue qu’il constitue un prétexte consciemment forgé par un système patriarcal pour légitimer l’« aliénation » et l’« asservissement de la femme à l’homme ». En somme un « opium » séculaire et anachronique administré depuis des siècles au peuple de sénégalaises. Ce n’est nullement le lieu, ici, j’en conviens, d’analyser le mal-fondé de telles dérives conceptuelles et même religieuses, nourries en réalité par les nombreux abus et le manque de discernement des hommes. Sois simplement convaincue, en tant que fervente admiratrice de la vertueuse Sokhna Diarra Bousso, que tu érigeas en modèle, que tout ce que tu sèmeras consciemment dans tes relations avec ton époux, ton Seigneur t’en rendra un jour la moisson, sous une forme ou une autre, dans ce monde-ci ou dans l’autre. Bien sûr, cela ne doit nullement t’empêcher d’aspirer à te réaliser et à t’épanouir professionnellement ou de vouloir « faire carrière ». Ni d’exprimer toutes tes autres potentialités sociales, économiques ou même politiques. Mais prends toujours garde à ce que cela se fasse toujours dans les limites imposées par le Seigneur et en accord avec le sacerdoce pour lequel tu t’es librement engagée en te mariant. Sacerdoce qui constitue l’oeuvre la plus élevée et la plus noble, devant Dieu, à laquelle tu puisses te consacrer…

Ton époux aussi doit savoir cela.

Il ne peut et ne doit point abuser de ses droits sur toi qui ne sauraient s’exercer pleinement en dehors des devoirs lui incombant en retour. Une femme n’est point un esclave ou un jouet avec qui l’on peut se permettre tous les écarts, serait-ce sous le couvert de la religion manipulée ou des usages sociaux dénaturés. Une femme, c’est une autre face de nous-mêmes. Une face qui, bien traitée et jouant pleinement son rôle, peut nous aider à devenir, un jour, une pièce complète du Projet de Dieu. Et si jamais, en vertu des vicissitudes du temps, ton mari songerait à ne plus supporter tes faiblesses et tes erreurs, je lui rappellerai volontiers, au moment où il s’apprêterait éventuellement à te maltraiter, la règle des sept barrières du mariage que l’expérience m’a inculquées et que je lui transmettrai volontiers.

A ton mari je dirai donc ceci, espérant que tu luis transmettras (de même qu’à tous les actuels ou futurs époux).

Serigne bi,

Fais tout ce qui es en ton pouvoir pour rendre ta femme heureuse, en la considérant comme un dépôt de Dieu pour lequel tu devras un jour rendre compte. Avant de faire souffrir gratuitement une femme (pour se venger ou même pour la punir), un homme dans le cœur duquel réside ne serait-ce qu’une infime parcelle de la présence de Dieu, devrait escalader au moins sept barrières qui, en principe, s’interposent entre lui et son mauvais comportement (certaines de ces barrières étant également valables pour la femme, bien que dans un sens différent). Ces barrières, tels de délicats boîtiers superposés, constituent ensemble l’écrin au fond duquel repose le précieux dépôt qui t’est aujourd’hui confié et auquel l’on ne peut accéder pour le détruire qu’en les écorchant un à un.

La première barrière à franchir, avant de maltraiter injustement une femme, est celle de Dieu. Car si jamais tu oublies que la domination que tu crois pouvoir exercer sur ta femme, au point de la tourmenter impunément, est moindre par rapport à celle de ton Seigneur sur ta faible personne, alors vas-y, fais ce qu’il te plaira. Mais souviens-toi seulement qu’il existe infiniment plus Fort et plus Omnipotent que toi et qu’un jour viendra, ici-bas ou à l’au-delà, où ce soi-disant pouvoir terrestre vaudra infiniment moins qu’une goutte d’eau dans un océan et s’y diluera complètement. Un jour où tous seront rigoureusement interrogés sur ce qu’ils faisaient, y compris comment ils ont usé de la puissance leur étant auparavant pourvue.

Aurais-tu fait fi de cette première barrière divine, que je te rappellerai celle du Prophète (PSL), pour t’inciter à traiter avec respect ta femme. Ne sais-tu pas que, malgré son haut rang et ses vertus éminentes (que tu ne saurais jamais atteindre), l’Envoyé de Dieu (PSL) faisait tout ce qui était en son pouvoir pour bien traiter ses épouses et ses filles, jouant avec elles, ne rechignant même pas à les aider dans les travaux domestiques ? Lui dont l’une des ultimes recommandations à sa communauté, au cours de son dernier sermon, fut « Ô mon peuple ! Il est vrai que vous avez certains droits à l’égard de vos femmes, mais sachez qu’elles aussi ont des droits sur vous. », « En réalité, les meilleurs d’entre vous sont ceux qui traitent le mieux leurs femmes.»

Cette barrière prophétique ne te suffirait-elle pas non plus ? Tu prendrais alors peut être garde à la troisième barrière, celle de ta belle-famille… Car, souviens-toi que cette femme, que tu t’apprêterais peut être un jour à malmener, fut d’abord un fœtus dont la mère a du supporter stoïquement neuf mois de supplice, pour devenir ensuite un bébé remuant dont il fallut aux parents s’occuper avec patience et espérance (tu sauras ce dont je parle quand tu auras des enfants, incha Allah), à travers les insomnies et les crises de pleurs intempestives, puis un jeune sauvageon qu’il fallut éduquer, élever difficilement, en acceptant toutes les privations, une jeune fille sur laquelle l’on dut veiller scrupuleusement, pour en faire finalement une femme que tu puisse aimer et épouser aujourd’hui. Combien as-tu dépensé toi, pour contribuer à ce qu’elle est devenue aujourd’hui ? Quelles ordonnances as-tu payées pour elle, quelles fournitures scolaires et quels habits de Tabaski as-tu achetés, quelles dépenses as-tu supportées pour la nourrir et la vêtir ? Quels sacrifices as-tu du endurer pour t’estimer légitimement, aujourd’hui, être en droit de profiter de leur fille, plus même que ses parents qui, sans même te connaître, ont semé, labouré, cultivé plus de vingt ans rien que pour toi, ô illustre inconnu ? Ton honneur (ngor), l’humanité la plus élémentaire, te permettent-ils, en détruisant si inconsidérément ce qu’ils ont mis des années à construire et à aimer, de décevoir la confiance que ces parents ont portée sur toi, toi qu’ils ont choisi parmi tant d’autres ? Ce n’est que le bonheur qu’ils verront sur le visage de leur fille épanouie par tes soins qui pourra peut être les soulager de ce sacrifice… Tâche donc de devenir, pour tes beaux-parents, un véritable fils. Tâche de les convaincre, qu’en te donnant leur enfant, ils en ont reçu un autre qui ne compte pas moins les rendre heureux et les assister que celle qu’ils t’ont offerte. Car, aux âmes nobles, l’on enseigne que « Téranga, téranga rekk a koy fay » et, aux âmes basses et mesquines, « Ku wor ren ba dewen mu jig la, da niou la koo jiign waaye dou yaw…

Si malgré tout cela, tu comptes passer outre cette barrière parentale et maltraiter tout de même ta femme, je t’en montrerai une quatrième qui devrait au moins t’émouvoir. Celle de vos enfants. Penses-tu au sort des enfants de couples divorcés, à la surcharge de difficultés et de complications que constitue cette épreuve pour leur avenir ? Imagines-tu leur souffrance ? Avant de frapper ou d’insulter ta femme, interroges-toi sur ton sentiment probable devant ton gendre frappant ta fille, ton beau-frère insultant ta sœur ou même ton père maltraitant ta mère. N’aurais-tu pas plutôt aimé qu’ils fassent preuve d’indulgence, dans la limite du possible, face aux erreurs de ta fille, aux manquements de ta sœur ou de ta mère ? Ce que tu n’aimerais pas qu’on leur fasse, pourquoi le ferais-tu à une autre femme ? Car avant d’être ton épouse, celle-ci fut d’abord la fille d’un autre comme toi, la sœur d’un autre comme toi et la mère de tes enfants. Aies donc un peu de respect pour tes enfants. Car, pour être sous ton autorité, ils n’en sont pas moins des êtres humains à part entière, qui pourraient bien un jour te demander, directement ou indirectement, des comptes que tu serais bien embarrassé de rendre. D’autant plus que tu as respecté au moins jusqu’ici, en épousant une femme vertueuse et respectée, une part du contrat qui te lie à eux. Car le premier droit d’un enfant, il faut le savoir, est de lui trouver des parents dont il ne risque pas d’avoir un jour honte. N’épouse donc jamais une femme que tu ne voudrais jamais toi-même avoir pour mère, quelle que soit sa beauté et son pouvoir…

Au-delà de cette barrière des enfants, il te faudra bien, si tu ne consens pas jusqu’ici à reculer, en gravir une cinquième de taille ; celle de ta femme elle-même. Souviens-toi de la confiance et de l’amour qui l’ont fait porter son choix sur toi. Peut être bien qu’il en fut d’autres probablement mieux placés ou mieux lotis que toi pour prétendre à sa main. En acceptant de t’épouser, ta femme est pleinement consciente des enjeux et aspire rester près de toi pour la vie : « Nga soul ko, wala mou soul la », comme on dit. Aucune femme digne de ce nom ne voulant avoir des enfants de pères différents. En tant que musulmane, elle sait aussi qu’elle ne pourra avoir qu’un seul mari à la fois. Alors que toi, l’Islam, sous certaines conditions, te permet d’en épouser d’autres. Ne devrais-tu pas être sensible à ce choix exclusif sur ta personne, ou bien te dis-tu simplement, comme d’autres hommes, que puisque « rang bi da fa serré », c’est plutôt elle la chanceuse ? Au contraire, tu devras tout faire pour qu’elle n’échoue pas dans son choix, lui faciliter le chemin vers l’Agrément de Dieu et ne pas lui créer des embuches inutiles que ses « faiblesses de femme » ne pourraient surmonter sur cette voie. La valeur de la vie humaine est en réalité telle que, du moment que l’on détienne une responsabilité sur n’importe laquelle d’entre elle, tout homme tenu par l’honneur se retrouve, qu’il le sache ou non, entravé par la responsabilité de s’en occuper, dans la limite de ses possibilités. Et il n’existera, tant que cette responsabilité perdurera, un objectif plus noble que de faire le bonheur de ta femme, un but plus digne que de rendre au moins une personne heureuse sur terre.

Cette barrière franchie, malgré mes avertissements, tu te retrouveras devant celle des amis et des ennemis. Il n’existe, tant il est vrai, de couples qui ne suscitent des sympathies ou des antipathies. N’offrez donc jamais l’occasion, tous les deux, à vos ennemis de jubiler, en leur donnant raison sur vous, lorsqu’ils apprendront que ce couple qu’ils ont tant honni a finalement éclaté comme prévu. Évitez aussi de peiner vos amis qui, contre vents et marées, ont toujours cru en vous, en les poussant à regretter leur confiance en vous et en votre couple.

La dernière et ultime barrière, c’est… toi-même.

Comporte-toi toujours avec ta femme de sorte à pouvoir te regarder seul dans une glace, à ne jamais être obligé de changer de rue à la vue d’une quelconque personne que tu aurais honte de croiser sur ton chemin. Respecte-toi, en la respectant. Ta dignité, ta foi et ton honneur valent plus que les misérables jouissances et passions matérielles qui ne feront que te rabaisser et faire de toi un sous-homme. Refuse de battre en retraite devant les tentations du monde. Car, saches-le, tu vaux infiniment mieux que ce monde. A travers ta femme, en réalité, c’est avec toi-même que tu traiteras. La traiter en sous-femme, fera de toi un sous-homme. L’élever ne fera que te grandir et te rehausser davantage. Ton bonheur se fera à travers le sien, souviens t’en. Et le malheur dans lequel tu la plongeras se retournera, tôt ou tard, sur toi. Car quiconque tue par l’épée, périra par l’épée. Ne te tue donc point. Prends soin d’elle, excuse avec indulgence ses erreurs et ne les divulgue pas, aime-la pour l’amour de Dieu. Sois, avec ta femme, tendre mais sans faiblesse, ni lâcheté ou laxisme. L’amour, saches-le, même le plus pur et le plus sublime, ne saurait justifier la bassesse, ni les indignités. Ne confonds pas, non plus, autorité et autoritarisme. Sois toujours juste, patient et endurant avec elle, pour la seule Face de Dieu, l’Honorable. Lorsque tu te trompes, n’aies nullement l’orgueil de ne pas l’accepter devant elle. A chaque fois que tu tomberas involontairement dans le péché, demande humblement pardon à ton Seigneur, relève-toi au plus vite et reprends aussitôt le chemin du salut. Fais toujours preuve, envers les créatures, de l’indulgence que tu espères de ton Créateur. N’aie point peur et sois prêt à affronter, avec elle, les épreuves et les pires échecs. Car les échecs, en réalité, ne sont rien d’autres que les marches du pénible et long escalier de Dieu menant vers les sommets de la réussite…

Puissiez-vous, avec l’Aide Dieu, accéder au faîte de la félicité et de l’Agrément divin.

Bon ménage,

Abdoul Aziz Mbacké, Majalis.org

Jeudi 27 Février 2014 - 12:53





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