Limousines, salaires faramineux, péripéties de la validation des candidatures… : Les cinq «sages» vident leur sac

Un membre du Conseil constitutionnel a brisé, hier, le silence pour apporter des réponses sur plusieurs questions parmi lesquelles les voitures supposées offertes par Wade, les salaires faramineux des membres du Conseil, les péripéties de la validation de la candidature de Wade et l’invalidation de celle de Youssou Ndour. Mais aussi comment le Conseil constitutionnel a cour-circuité Wade qui cherchait à invalider celle de Idrissa Seck qui n’était pas en règle avec le fisc.


Sans faire dans la langue de bois, un des cinq «sages», qui parlait sous le couvert de l’anonymat, avoue que les membres du Conseil constitutionnel ont vécu le processus électoral avec certaines craintes. «Je ne vais pas vous dire que nous avons vécu cela avec beaucoup de sérénité parce qu’il y avait de la pression. Mais nous l’avons géré sereinement. La plupart des critiques représentaient des contrevérités. Malgré les menaces et insultes, on est resté zen», avoue l’un deux. Puis les cinq «sages» se lancent dans le chapitre des démentis : «Il a été dit que nous avons reçu des limousines neuves. C’est archi-faux. Non seulement les véhicules que nous avons reçus n’étaient pas neufs mais nous n’avions pas été les seuls à recevoir ces véhicules. C’était cent véhicules offerts par l’Anoci à l’administration.

Le Conseil constitutionnel a en reçu cinq. La magistrature en a reçu au total 60». Notre interlocuteur affirme que «comme le contexte s’y prêtait, on a mis en exergue les cinq véhicules affectés au Conseil constitutionnel comme véhicule de fonction. Or, en réalité, nos véhicules Mercedes sont plus neufs que ces véhicules de l’Anoci en 2006.»Au sujet des cinq millions de salaires, l’équipe de Diakhaté balaie d’un revers de main. «Cela aussi a été une contrevérité car il n’y a que cinq personnes dans la magistrature qui sont concernées par ces 5 millions de francs. Il s’agit du chef de l’inspection générale d’Etat, le président de la cour des comptes, le commissaire du droit de la cour des comptes, le président de la cour suprême, le procureur général près la cour suprême et le président du Conseil constitutionnel. Mieux, le président du Conseil constitutionnel ne faisait pas partie des autorités devant percevoir ces cinq millions», indique-t-on.

Non, sans ajouter que l’augmentation des salaires à cinq millions est partie du chef de l’inspection générale d’Etat, Mme Nafy Ngom Keita qui est partie dire au président Wade que leur corps de contrôle était parmi les corps les moins bien payés au sein de la sous-région. «On lui aurait demandé de faire une proposition. Ce qu’elle a fait avant de partir quérir le président de la cour des comptes qui y a associé le président de la cour suprême. C’est au dernier moment qu’ils se sont rendu compte qu’il devait y avoir le Conseil constitutionnel. C’est ainsi que notre président a été ajouté à la liste. Il est la cinquième personne sur la liste. Or, dans la hiérarchie des institutions, il les coiffe tous». Ce collègue de Diakhaté signale par exemple qu’en Côte d’Ivoire le président du Conseil constitutionnel perçoit huit millions, au Mali il perçoit plus de quatre millions alors qu’au Sénégal les membres du Conseil constitutionnel ont moins d’un million 300 mille francs le mois.

Le Conseil constitutionnel a saisi aussi l’occasion pour expliquer les raisons du rejet de certaines candidatures : «La loi prévoit que pour qu’une candidature indépendante soit validée, il faut les signatures de 10 mille électeurs inscrits appartenant à six régions différentes et au moins 500 signatures dans chaque région. Un candidat indépendant (Youssou Ndour, Ndlr) arrive et nous déclare qu’il a 12 937 électeurs qui sont avec lui. Il dépose ses caisses et ses dossiers. Le Conseil constitutionnel envoie le tout à la Direction de l’automatisation du fichier (Daf). La Daf vérifie et nous dit que celui qui déclare avoir 12 937 électeurs inscrits n’en a que 8 000. Parce que les 4 000 ne sont pas valables. Soit ce sont des doublons soit ne figurent pas sur le fichier électoral», explique ce collègue de Cheikh Tidiane Diakhaté. Dès lors, poursuit-il, «pour défaut de 10 mille signatures valables on ne peut que rejeter la candidature. C’est le cas pour Youssou Ndour, Kéba Keinde et Abdourahmane Sarr.»

Quant à la validité de la candidature de Wade, notre interlocuteur y va également de ses explications : «En 2009 j’ai dit à la présidente Mireille Ndiaye que tôt ou tard nous aurons des problèmes avec la recevabilité de la candidature de Wade parce qu’on en parle. On a tenu des réunions interne au Conseil et quelqu’un a été chargé d’expliquer les +arguments pour+ et les +arguments contre+.» Depuis deux ans, poursuit ce «sage», «chaque membre du conseil a un dossier sur cette question». En 2010 Mireille Ndiaye s’en va, remplacée par Cheikh Tidiane Diakhaté. «On lui a fait comprendre que l’équipe a déjà discuté sur l’éventualité de la contestation de la candidature de Wade. Quand il a reçu le dossier, il a demandé que le travail soit repris à zéro car il n’était pas là. Ce que nous avons fait. Donc, chacun savait les arguments pour ou contre sur cette question.»

Au sujet des recours introduits par le camp présidentiel pour invalider les candidatures de quelques opposants, le Conseil constitutionnel y va encore de ses révélations : «C’est Idrissa Seck que Wade visait dans son recours après décision sur la validation des candidatures dans son recours déposé par Me Babou, Wade dit : +lundi matin, je vous amène la preuve qu’Idrissa Seck n’a pas payé+». Et c’est vrai qu’il n’est pas en règle avec le fisc tout comme Tanor Dieng, Moustapha Niasse. Mais Wade ne visait qu’Idrissa Seck. Nous avions donc la certitude que si nous attendons le lundi, Wade allait amener la preuve et juridiquement nous aurons les mains liées et Idrissa Seck ne sera pas candidat. Donc nous avons sorti la décision le dimanche et Wade a été court-circuité».     


Bamba Toure

Lundi 9 Avril 2012 14:36

Dans la même rubrique :