MARIAGES MIXTES : Une aubaine aux effets si pervers

Village touristique par excellence, Cap Skirring attire les Occidentaux. Dans cette localité située à 70 kilomètres de Ziguinchor, beaucoup d’Européens à la retraite viennent s’installer. Résultat : le phénomène des mariages mixtes s’y développe. Souvent considéré comme une aubaine par les jeunes qui trouvent un moyen rapide de sortir de la pauvreté, ce genre d’unions comporte aussi des effets pervers.




 

 
Améliorer ses conditions de vie et son statut social. Voilà qui pousse plusieurs jeunes filles ou garçons de Cap Skirring, village touristique par excellence, à convoler en justes noces avec des Européens. Et dans ce phénomène des mariages mixtes, c’est plutôt les écarts d’âges entre époux qui frise l’invraisemblable. Qu’à cela ne tienne ! «L’essentiel, c’est d’y trouver son compte.» Seulement, ces liens de mariage s’inscrivent généralement entre richesses et désillusions. Quitter un milieu social parfois défavorisé ne milite pas toujours en faveur de quelqu’un qui plonge dans un mode de vie à l’occidental. 
Le tourisme étant l’une des activités économiques phare au Cap Skirring, localité située à 70 kilomètres de Ziguinchor, les mariages mixtes sont à la mode. Et ce, depuis belle lurette, d’ailleurs. Mais, à la faveur de la crise qui frappe le secteur du farniente, plusieurs jeunes font recours au mariage mixte, souvent pas par amour, mais par intérêt. Ainsi, il n’est pas rare de voir un jeune, à peine trentaine, déclarer sa flamme à une sexagénaire pour «hériter de sa fortune». De la même manière, de jeunes filles sorties à peine de l’adolescence se jettent dans les bras de vieux «toubibs», en quête de fortes sensations libidinales.
 
Villas, voitures et voyages…
Avoir une résidence, un campement au bord de la plage, un visa et voyager. Voilà ce dont rêvent les jeunes. Mais souvent les moyens de réaliser de tels rêves ne suivent pas. Résultat : dans certaines zones touristiques, la solution est toute trouvée. Il faut s’amouracher ou se marier avec de vieilles dames ou de vieux européens. L’écart d’âge important peu, la recherche d’un meilleur cadre de vie et de meilleures conditions d’existence sont à la clé de ce type de mariage. Marie Diatta, une Sénégalaise bon teint habitant Cap Skirring, a eu de la veine en rencontrant Jean-Claude en 2009. «Je travaillais dans un restaurant où j’étais payée 60 mille francs le mois, quand j’ai servi pour la première fois un café pour celui qui sera plus tard mon mari. Après avoir apprécié le breuvage que je lui ai servi, il m’a laissé un pourboire avant de s’enquérir de ma personne. On a échangé nos adresses respectives, et ce fut le déclic», raconte l’ancienne serveuse. «Deux semaines après, le mariage a été scellé entre le couple dans la pure tradition», révèle celle qui répond maintenant au nom de Madame Durand.
Pour la dot, Jean-Claude n’a pas lésiné sur les moyens en offrant une Renault Clio flambant neuve et un terrain nu où une villa grand standing sortira de terre deux ans plus tard. Oubliés les moments de galère qu’elle a vécus, Marie Diatta Durand a trouvé l’homme qu’il lui fallait. Tout du moins, pour l’avoir sorti dans la précarité dans laquelle elle végétait avec un salaire qui servait tout juste à acheter de la ration alimentaire pour les parents restés au village de Boucotte Djembéring. «Je n’avais jamais imaginé pouvoir fouler le sol français. Mais aujourd’hui, je suis à mon quatrième voyage à Paris et mon mari a pu également payer les frais de pèlerinage à Rome pour ma mère. Il m’a permis aussi d’ouvrir une boutique de produits cosmétiques au Cap Skirring où j’emploie deux personnes dont ma propre sœur», se réjouit Madame Durand. L’écart d’âge ne pose toutefois pas de problèmes à l’épouse qui dit n’avoir pas de complexe à s’amouracher avec un homme âgé qui a trente ans de plus qu’elle. «Nous avons eu un enfant et c’est l’essentiel pour moi. Et si c’était à recommencer, j’allais le faire, car je ne regrette rien présentement.»   
Pascal Djiba, la trentaine bien sonnée, est aujourd’hui un homme heureux. Sa rencontre avec Mireille Larcher, il n’oubliera jamais. «Je sais que je n’aurais pas la chance d’avoir un enfant avec elle, car elle a dépassé de loin l’âge de la ménopause. Mais nous vivons pleinement notre idylle. Il arrive que des amis me fassent le reproche de m’être marié avec une femme qui a l’âge de ma mère. Mais tant pis. J’ai réalisé plusieurs de mes rêves. Nous vivons dans une maison achetée à ses frais à coup de millions sans compter les deux voitures sept places qu’elle m’a offertes et mon compte bancaire qu’elle n’oublie jamais d’alimenter. Vous savez, les gens sont prompts à critiquer certains liens, mais quand vous sortez l’argent, ils oublient tout», concède Pascal Djiba. Assise à côté de son époux, la femme de Djiba entre alors dans la danse. «L’amour n’a pas d’âge et j’ai trouvé en Pascal ce que je n’ai pas pu trouver dans mon précédent mariage dans lequel j’ai eu quatre enfants. Nous ne pouvions plus nous entendre et cela a conduit au divorce. Pascal est aujourd’hui tout pour moi et tous mes enfants le connaissent et ils l’ont invité à Strasbourg où ils habitent
 
Entre désillusions et rêves brisés
À côté de ceux qui, comme Pascal Djiba, s’en sortent assez bien avec les mariages mixtes, ils sont nombreux à ruminer leur déception liée à la trahison d’un membre du couple. Parmi ceux-là, des jeunes qui après avoir eu tout de leur partenaire, l’abandonnent comme un citron pressé. Le mariage d’intérêt étant passé par là, des couples volent en éclats après quelques mois de liens. Au Cap Skirring, on rencontre de nouveaux (ou nouvelles) riches qui ont profité des biens et largesses de leurs partenaires pour se forger un statut social. Souvent, c’est avec beaucoup d’amertume que les «victimes» acceptent d’en parler.
«J’ai été victime d’une toubab qui m’a laissé tomber au profit d’un de mes amis. Au départ, elle était très attachée et elle m’a fait plusieurs promesses. Au retour d’un séjour dans les îles, elle a commencé à faire des yeux doux à mon meilleur ami que je lui avais présenté et qui était au courant de nos projets. Les choses sont allées trop vite et trois mois après notre connaissance, elle m’avoua qu’elle ne voulait plus de moi. Elle a repris tous les biens qu’elle avait mis à ma disposition», se désole Moussa Gaye, originaire du village de Djembéring. N’en revenant toujours pas de voir son rêve brisé, il en veut toujours à Nathalie qui a préféré convoler avec son meilleur ami.
D’autre part, il en existe également des femmes toubabs qui ont été roulées dans la farine par leurs partenaire sénégalais «juste pour profiter des privilèges». C’est le cas de Béatrice Deschamps, une retraitée des assurances, qui vit au Cap Skirring. D’après ses proches, l’homme avec qui elle voulait passer le reste de sa vie l’a abandonnée après le mariage. «Elle ne veut plus entendre parler de mariage mixte malgré les nombreuses propositions qu’elle reçoit de part et d’autres. Elle a mis beaucoup de ses biens au nom de Louis Théodore», se désole un de ses frères vivant dans la localité.
Cap Skirring, l’un des villages les plus riches du Sénégal grâce à ces infrastructures hôtelières, est confronté aux problèmes liés au phénomène des mariages mixtes. En dehors des avantages que ces mariages peuvent apporter, les trahisons se pointent souvent à l’horizon. Ce qui commence à créer peur et méfiance chez les femmes toubabs.
 
(Source : Walf Grand-Place)
 

Moussa Sarr

Vendredi 27 Avril 2012 16:11

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