Toujours drapé dans un kaftan à la mode des Hizbut Tarqiyya, le président du groupe parlementaire «Benno Bokk Yakaar» à l’Assemblée n’éprouverait aucune peine, de par sa discipline et sa filiation, à se convertir en «Cheikh» de Serigne Touba. Ex-membre du Parti démocratique sénégalais (Pds), Moustapha Diakhaté n’a pas hésité à rompre les amarres avec la citadelle libérale «qui s’écartait des nobles idéaux du Sopi». Devenue une figure de proue de l’Establishment sorti des urnes le 25 mars 2012, celui qui est réputé être un eternel contestataire essaye, tant bien que mal, de taire ses pulsions révolutionnaires. A bâtons rompus avec un homme arrimé (jusqu’à quand ?) au «Yonou Yokkouté».
On ne vous a pas reconnu cet après-midi (l’entretien a été réalisé le mercredi 26 Décembre) à l’Assemblée, lors de votre prise de parole. On dirait que les mots vous étouffaient. Qu’est ce qui s’est passé ?
J’ai ressenti de la colère. J’étais à la limite irrité. Je crois que la démocratie sénégalaise ne mérite pas ça. On a fait un grand parcours, notre pays a connu deux alternances successives sans couac. Une motion de censure ne doit pas porter sur une personne. Elle permet à une opposition normale d’acter sa désapprobation par rapport à l’action menée par un gouvernement. Une motion de censure ne doit pas reposer, de mon point de vue, sur un document mensonger. Ils évoquent des documents publiés par un certains nombre d’experts, dont des américains, alors que les documents en question sont faux. A quelque chose, malheur est bon. Ça nous a permis de remettre les points sur les i, de rappeler aux Sénégalais et de leur rappeler la situation dans laquelle ils ont mis ce pays. On a pu décliner aux Sénégalais le cap que nous nous sommes donné. Notre mission est de redresser le Sénégal. Nous allons tout faire pour y arriver. Et, nous sommes déjà sur la bonne voie avec le budget que nous avons voté. L’essentiel des ressources de ce budget est consacré à l’économie productive : l’agriculture, la pêche, l’élevage et le tourisme. Il y a aussi un secteur important pour les Sénégalais qui englobe l’enseignement, la formation et la recherche. Nous avons injecté énormément de fonds dans la santé et l’action sociale avec l’avènement de la Caisse autonome de protection sociale et la couverture maladie universelle. Notre philosophie, c’est qu’un Sénégalais ne doit plus mourir parce qu’il n’a pas de quoi se soigner. Les ressources que nous avons votées pour le gouvernement doivent aller exclusivement aux Sénégalais.
Même si le dépôt de cette motion de censure vous irrite, reconnaissez, tout de même, que c’est un exercice démocratique. Pourquoi dites-vous que les motifs avancés sont légers ?
Absolument ! Le problème c’est qu’ils ont menti aux Sénégalais ! Dans toutes les démocraties, une motion de censure obéit à des règles bien définies. Ça ne porte pas sur une personne, ni sur son histoire, mais sur un gouvernement. Ce qui n’était pas le cas.
N’est-ce pas que vous avez eu l’occasion de soulever ces vices de formes en commission ?
La loi est ainsi faite. Le règlement intérieur de l’Assemblée nationale parle de recevabilité en ce qui concerne le nombre de signature requis mais l’exposé des motifs n’existe pas dans notre réglementation actuelle. C’est un chantier que nous allons ouvrir pour que désormais des gens ne nous fassent pas perdre du temps dans des futilités. La démocratie est le moins mauvais des systèmes politiques, mais il reste le plus fragile.
La démocratie permet à des députés élus de s’interroger sur la crédibilité des hommes et des femmes qui président aux destinées de leur nation. Pourquoi, cela vous dérange ?
Evidemment qu’ils ont tous les droits. Même celui de travestir la vérité et de divertir les Sénégalais (il rigole). L’exercice de ce droit ne leur a pas donné de bons résultats. Car, leurs accusations ne tiennent pas la route. Comment peuvent-ils dire qu’Abdoul Mbaye a blanchi de l’argent. Jusqu’en août 1993, entre la zone Beac et la zone Bceao, la circulation de l’argent était libre. N’importe quel Sénégalais pourrait se rendre au Gabon, y gagner des valises d’argent et venir placer ça auprès d’une banque et vice-versa. C’est à partir de cette date que la Beac a interdit la libre circulation des biens. Et, il faut revoir ces procédures pour le bien de l’intégration africaine. Un Français a la liberté de rapatrier ses fonds dans le pays de son choix. Pourquoi est-ce qu’on devrait nous refuser une telle possibilité ?
Quand les fonds sont licites, les transferts sont permis…
Mais ce sont des fonds licites. Qui vous a dit que les fonds n’étaient pas licites ?
Hissène Habré a raclé la Banque centrale tchadienne avant de se réfugier au Sénégal. Voulez vous réécrire cette histoire ?
Qui vous a dit ça ? Les montants avancés sont loin de la réalité. Hissène Habré n’est pas accusé de détournements de derniers publics, mais de crimes contre l’humanité. Mieux, le Tchad n’a jamais réclamé un franc. Pourquoi, ces gens-là voudraient se muer en avocats des Tchadiens ?
Pourtant, Abdoul Mbaye a déclaré, lors de sa première sortie sur cette affaire, que la loi sur le blanchiment n’existait pas à l’époque. N’a-t-il pas prêté le flanc ?
En droit, tout ce qui n’est pas interdit est permis. Ne poussez pas les hommes politiques à ne plus dire la vérité. Le blanchiment n’existait pas dans la zone Uemoa.
Des observateurs pensent que le procès Habré pourrait éclabousser le Sénégal. Nourrissez-vous des craintes par rapport à sa tenue ?
Je ne peux pas me permettre de rentrer dans ces considérations. J’ai voté le projet de loi qui devrait ouvrir la voie au procès d’Hissène Habré parce j’estime que l’Afrique ne peut pas continuer à être le premier client de la Cour pénale internationale (Cpi). Les actes délictuels commis en Afrique doivent être jugés en Afrique. Tout ce que je sais, c’est que M. Abdoul Mbaye n’a commis aucune faute dans cette affaire.
Ça veut qu’il continue de bénéficier du soutien de la majorité. Mais, on se demande jusqu’à quand ?
Aussi longtemps qu’il sera Premier ministre du Sénégal et qu’il jouira de la confiance du président de la République, qui est la clé de voûte des institutions, il aura toujours le soutien du groupe «Benno Bokk Yakaar.
Les libéraux ont échoué dans leur tentative de faire démissionner le gouvernement. Allez-vous accélérer les enquêtes sur les biens mal acquis pour les clouer au sol ?
Non. (Il se répète et semble énervé). Il ne faut jamais utiliser la philosophie du soupçon. Si le Procureur nous demande de lever l’immunité parlementaire d’un député, nous le ferons. Mais, pas de gaité de cœur. Si ces gens-là vont en prison, je serai le plus meurtri. Je les connais, je les ai pratiqués et je ne souhaite pas que des Sénégalais souffrent ou aillent en prison. Ce que je souhaite, c’est que mon pays rompe définitivement avec la culture de la prédation et de la kleptocratie.
Abdou Mbaye a fait face, pour la première fois, frontalement aux libéraux. «Benno Bokk Yakaar» va-t-elle apporter une réponse politique au Pds ?
Je ne suis pas élu député pour mener la guerre à qui que ce soit.
Qu’est-ce que vous faites alors de bataille pour le contrôle de l’opinion ? L’occultez-vous ?
La seule bataille qui mérite d’être menée, c’est celle consistant à sortir le Sénégal de la situation dans laquelle il se trouve. Abdoul Mbaye a apporté, à la fois, des réponses techniques et politiques à des élucubrations. On ne va rien accélérer. A notre niveau, nous n’avons pas encore commencé nos audits. Nous n’avons fait que déterrer les audits qu’Abdoulaye Wade a mis sous le coude. Et, tous ceux qui se seront rendus coupables d’actes de mauvaise gestion seront incriminés. C’est tout !
Comme tous ceux qui offenseront l’institution que représente le chef de l’Etat devront s’attendre à des foudres. Que vous inspire, à ce sujet, l’affaire Me El Hadji Amadou Sall ?
Je peux revendiquer l’amitié de Me El Hadji Amadou Sall, mais je ne comprends pas qu’il se soit transformé en pitbull, disons chien de garde, de Karim Wade. Son parcours et son background politique ne lui permettent pas de descendre à ce niveau du débat. Je regrette son comportement, mais il reste mon ami. El Hadji Amadou Sall a fait 26 ans de carrière en tant qu’avocat. On attend de lui de l’argumentaire et non des invectives.
La Dic et la Bag reprennent du service. N’êtes-vous pas en train de rouvrir une page que les Sénégalais ont voulu fermer avec le départ de Me Abdoulaye Wade ?
Qui vous a dit que les Sénégalais ont envie de fermer cette page ? Ce que les Sénégalais veulent, c’est que les hommes politiques aient des comportements honorables.
Niez-vous que l’arrestation de Jean Paul Dias à la cathédrale et la condamnation d’Abdourahim Agne avaient suscité une indignation collective ?
Je ne le souhaite pas. Et je regrette ce qui s’est passé d’autant plus qu’il s’agit de Me El Hadji Amadou Sall. J’étais chez lui il n’ya pas longtemps et on se parle souvent. Ce qu’on attend d’un cadre, c’est qu’il formule des propositions qui puissent apporter des réponses aux préoccupations des Sénégalais et non qu’il nous entretienne d’histoires de borne fontaine. Amadou Sall ne devait pas descendre aussi bas.
Ne pensez-vous pas que ce sont les mises en gardes lancées par le chef de l’Etat qui ont excité l’opposition ?
Le Président n’a fait que rappeler les règles. L’opposition ne fait que vociférer. Et ce n’est pas ce que les Sénégalais attendent d’elle.
Mais, les libéraux ont eu la preuve, avec cette sortie de Mbodiène, que leur message était bien reçu…
Le Président est un être fait de chaire et de sang. Il a voulu tout simplement siffler la fin de la recréation, parce que les gens allaient trop loin. Notre culture n’accepte pas que l’on accuse quelqu’un d’anthropophagie. C’est vraiment triste. Les adversités politiques, il faut les gérer politiquement.
Le débat vole très bas et on continue d’entretenir une vive tension politique. Cela ne risque-t-elle pas de vous détourner des priorités ?
Mais, vous racontez des histoires. Macky Sall a pris en charge toutes les urgences qui se sont présentées. Que ce soit le monde rural, l’électricité, les dialyses, etc. On a un budget de développement qui prendra en charge les préoccupations des Sénégalais.
On n’est pas à la veille d’une élection, mais l’opposition et le pouvoir s’affrontent depuis 8 mois. Est-ce un climat favorable à l’environnement des affaires ?
Il n’y a pas de tension. (Il se répète). Vous m’avez vu avec Oumar Sarr et Awa Diop, ils m’ont tous félicité. Nous avons des divergences politiques, mais nous restons tous unis par des liens. Le Sénégal est un pays particulier.
Les économistes ne cessent de tirer la sonnette d’alarme pour un retour au calme dans le landernau politique. Ne pensez-vous pas que la majorité a plus intérêt à ce que l’on ferme cette page ?
Quels économistes ? Ils racontent des histoires. Nous nous battons pour la bonne gouvernance.
Avec une justice trop bavarde et une Assemblée nationale où l’on s’invective à longueur de séances…
Tous les jours, les procureurs parlent en France et aux Etats-Unis. Nous sommes à l’air de la communication et les populations ont le droit d’être informé de tout ce qui se passe. Comment un journaliste peut-il s’offusquer parce qu’on communique beaucoup.
La presse ne s’en porte que mieux, car vous lui donner de la matière. Mais, est-ce que de telles informations vont faire avancer le pays ?
Nous sommes tous les jours dans la logique de réussir notre mission qui est de changer la face de ce pays. Nous sommes élus pour cinq ans et nous y arriverons s’il plaît à dieu.
Elu pour 7 ans, Macky Sall a décidé de ramener son mandat à 5 ans. Qu’attendez-vous d’ailleurs pour enclencher le processus ?
Ce n’est pas une mince affaire. Il faut une réforme constitutionnelle par un referendum pour ramener le mandat du président de la république de 7 à 5 ans. Mais, c’est un engagement que l’on tiendra.
Pouvez-vous donner un délai ?
Nous avons jusqu’en 2017 et on va organiser un referendum. C’est le seul instrument dont nous disposons pour modifier la loi. Nous ne voulons pas tripatouiller la constitution.
Vous êtes un peu trop effacé en tant que président de groupe parlementaire. Essayez-vous d’opérer une rupture?
Je veux que le groupe soit la star, c’est un choix. Je veux que les Sénégalais parlent plus du groupe que de son président.
Pour des batailles politiques aussi déterminantes, ne pensez vous que le président du groupe devrait être au premier rang ?
Je veux gérer ce groupe avec beaucoup d’humilité. Je dirige un groupe très compliqué et tout faux pas de ma part peut avoir des conséquences terribles. Je ne dois parler que quand c’est nécessaire.
Peut-on penser que la présidence du groupe parlementaire est un tremplin politique pour vous ?
Je souhaitais vraiment boucler ma vie politique en 2017. Je n’arrive pas à avoir une vie de famille normale. J’ai commencé très tôt et ça a ruiné ma santé. Je n’ai pas pu couver mes enfants, leur inculquer les valeurs auxquelles je crois et ils sont trop jeunes. Mais, j’ai été obligé de poursuivre cette action politique. Je me sens bien ici. J’ai toujours voulu être conseiller municipal et je le suis au niveau de Dakar. J’ai toujours rêvé d’être député, je le suis aujourd’hui. Le jour où je me rendrai compte que ma présence à l’Assemblée nationale n’apporte aucune valeur ajoutée pour mon pays, je renoncerai à ce mandat-là.
Vous faites partie des premiers à avoir quitté le navire libéral parce que vous n’étiez pas d’accord avec les pratiques en cours. L’histoire pourrait-elle se répéter avec Macky Sall ?
Les mêmes causes produisent les mêmes effets. J’ai espoir que Macky Sall ne fera pas la même chose qu’Abdoulaye Wade. J’échange de manière très fréquente avec lui et j’ai la ferme conviction qu’il veut relever un défi de génération. Je veux l’accompagner dans ce défi générationnel.
On sait que le pouvoir corrompt. Ne pourrait-il pas se détourner de ce schéma ?
Mais non. Il ne s’en détournera pas. Et puis, les mêmes causes produiront les mêmes effets. S’il s’en détourne, le combat commencera dans la minute qui suit. Je me suis très tôt engagé avec Cheikh Anta Diop en 1976. J’ai été licencié de la Banque centrale pour des raisons syndicales alors que je pouvais rester et gagner un salaire faramineux. Je n’ai pas quitté Abdoulaye Wade parce qu’il ne m’a pas donné quelque chose. J’ai quitté parce que je ne me retrouvais plus dans ce système. Lors du dernier Comité directeur auquel j’ai assisté, des gens sont venus lui dire qu’il devait y avoir une alliance entre le Pds et la Génération du concret. J’ai pris la parole pour lui dire que ces gens-là se moquaient de lui, car le Pds ne pouvait pas s’allier avec la Gc. Je lui ai aussi dit que le fait de mettre le nom de Karim Wade sur la liste de Dakar pour les locales pourrait faire perdre le Pds. Il l’a fait et on a perdu Dakar en 2009. Pourtant, je dis, au nom de la vérité historique, que Abdoulaye Wade a beaucoup fait à Dakar.
Gardez-vous la même liberté de ton avec le président Macky Sall ?
Je suis plus franc avec Macky qu’avec Wade. Abdoulaye Wade est mon père…
lesenegalais.net
On ne vous a pas reconnu cet après-midi (l’entretien a été réalisé le mercredi 26 Décembre) à l’Assemblée, lors de votre prise de parole. On dirait que les mots vous étouffaient. Qu’est ce qui s’est passé ?
J’ai ressenti de la colère. J’étais à la limite irrité. Je crois que la démocratie sénégalaise ne mérite pas ça. On a fait un grand parcours, notre pays a connu deux alternances successives sans couac. Une motion de censure ne doit pas porter sur une personne. Elle permet à une opposition normale d’acter sa désapprobation par rapport à l’action menée par un gouvernement. Une motion de censure ne doit pas reposer, de mon point de vue, sur un document mensonger. Ils évoquent des documents publiés par un certains nombre d’experts, dont des américains, alors que les documents en question sont faux. A quelque chose, malheur est bon. Ça nous a permis de remettre les points sur les i, de rappeler aux Sénégalais et de leur rappeler la situation dans laquelle ils ont mis ce pays. On a pu décliner aux Sénégalais le cap que nous nous sommes donné. Notre mission est de redresser le Sénégal. Nous allons tout faire pour y arriver. Et, nous sommes déjà sur la bonne voie avec le budget que nous avons voté. L’essentiel des ressources de ce budget est consacré à l’économie productive : l’agriculture, la pêche, l’élevage et le tourisme. Il y a aussi un secteur important pour les Sénégalais qui englobe l’enseignement, la formation et la recherche. Nous avons injecté énormément de fonds dans la santé et l’action sociale avec l’avènement de la Caisse autonome de protection sociale et la couverture maladie universelle. Notre philosophie, c’est qu’un Sénégalais ne doit plus mourir parce qu’il n’a pas de quoi se soigner. Les ressources que nous avons votées pour le gouvernement doivent aller exclusivement aux Sénégalais.
Même si le dépôt de cette motion de censure vous irrite, reconnaissez, tout de même, que c’est un exercice démocratique. Pourquoi dites-vous que les motifs avancés sont légers ?
Absolument ! Le problème c’est qu’ils ont menti aux Sénégalais ! Dans toutes les démocraties, une motion de censure obéit à des règles bien définies. Ça ne porte pas sur une personne, ni sur son histoire, mais sur un gouvernement. Ce qui n’était pas le cas.
N’est-ce pas que vous avez eu l’occasion de soulever ces vices de formes en commission ?
La loi est ainsi faite. Le règlement intérieur de l’Assemblée nationale parle de recevabilité en ce qui concerne le nombre de signature requis mais l’exposé des motifs n’existe pas dans notre réglementation actuelle. C’est un chantier que nous allons ouvrir pour que désormais des gens ne nous fassent pas perdre du temps dans des futilités. La démocratie est le moins mauvais des systèmes politiques, mais il reste le plus fragile.
La démocratie permet à des députés élus de s’interroger sur la crédibilité des hommes et des femmes qui président aux destinées de leur nation. Pourquoi, cela vous dérange ?
Evidemment qu’ils ont tous les droits. Même celui de travestir la vérité et de divertir les Sénégalais (il rigole). L’exercice de ce droit ne leur a pas donné de bons résultats. Car, leurs accusations ne tiennent pas la route. Comment peuvent-ils dire qu’Abdoul Mbaye a blanchi de l’argent. Jusqu’en août 1993, entre la zone Beac et la zone Bceao, la circulation de l’argent était libre. N’importe quel Sénégalais pourrait se rendre au Gabon, y gagner des valises d’argent et venir placer ça auprès d’une banque et vice-versa. C’est à partir de cette date que la Beac a interdit la libre circulation des biens. Et, il faut revoir ces procédures pour le bien de l’intégration africaine. Un Français a la liberté de rapatrier ses fonds dans le pays de son choix. Pourquoi est-ce qu’on devrait nous refuser une telle possibilité ?
Quand les fonds sont licites, les transferts sont permis…
Mais ce sont des fonds licites. Qui vous a dit que les fonds n’étaient pas licites ?
Hissène Habré a raclé la Banque centrale tchadienne avant de se réfugier au Sénégal. Voulez vous réécrire cette histoire ?
Qui vous a dit ça ? Les montants avancés sont loin de la réalité. Hissène Habré n’est pas accusé de détournements de derniers publics, mais de crimes contre l’humanité. Mieux, le Tchad n’a jamais réclamé un franc. Pourquoi, ces gens-là voudraient se muer en avocats des Tchadiens ?
Pourtant, Abdoul Mbaye a déclaré, lors de sa première sortie sur cette affaire, que la loi sur le blanchiment n’existait pas à l’époque. N’a-t-il pas prêté le flanc ?
En droit, tout ce qui n’est pas interdit est permis. Ne poussez pas les hommes politiques à ne plus dire la vérité. Le blanchiment n’existait pas dans la zone Uemoa.
Des observateurs pensent que le procès Habré pourrait éclabousser le Sénégal. Nourrissez-vous des craintes par rapport à sa tenue ?
Je ne peux pas me permettre de rentrer dans ces considérations. J’ai voté le projet de loi qui devrait ouvrir la voie au procès d’Hissène Habré parce j’estime que l’Afrique ne peut pas continuer à être le premier client de la Cour pénale internationale (Cpi). Les actes délictuels commis en Afrique doivent être jugés en Afrique. Tout ce que je sais, c’est que M. Abdoul Mbaye n’a commis aucune faute dans cette affaire.
Ça veut qu’il continue de bénéficier du soutien de la majorité. Mais, on se demande jusqu’à quand ?
Aussi longtemps qu’il sera Premier ministre du Sénégal et qu’il jouira de la confiance du président de la République, qui est la clé de voûte des institutions, il aura toujours le soutien du groupe «Benno Bokk Yakaar.
Les libéraux ont échoué dans leur tentative de faire démissionner le gouvernement. Allez-vous accélérer les enquêtes sur les biens mal acquis pour les clouer au sol ?
Non. (Il se répète et semble énervé). Il ne faut jamais utiliser la philosophie du soupçon. Si le Procureur nous demande de lever l’immunité parlementaire d’un député, nous le ferons. Mais, pas de gaité de cœur. Si ces gens-là vont en prison, je serai le plus meurtri. Je les connais, je les ai pratiqués et je ne souhaite pas que des Sénégalais souffrent ou aillent en prison. Ce que je souhaite, c’est que mon pays rompe définitivement avec la culture de la prédation et de la kleptocratie.
Abdou Mbaye a fait face, pour la première fois, frontalement aux libéraux. «Benno Bokk Yakaar» va-t-elle apporter une réponse politique au Pds ?
Je ne suis pas élu député pour mener la guerre à qui que ce soit.
Qu’est-ce que vous faites alors de bataille pour le contrôle de l’opinion ? L’occultez-vous ?
La seule bataille qui mérite d’être menée, c’est celle consistant à sortir le Sénégal de la situation dans laquelle il se trouve. Abdoul Mbaye a apporté, à la fois, des réponses techniques et politiques à des élucubrations. On ne va rien accélérer. A notre niveau, nous n’avons pas encore commencé nos audits. Nous n’avons fait que déterrer les audits qu’Abdoulaye Wade a mis sous le coude. Et, tous ceux qui se seront rendus coupables d’actes de mauvaise gestion seront incriminés. C’est tout !
Comme tous ceux qui offenseront l’institution que représente le chef de l’Etat devront s’attendre à des foudres. Que vous inspire, à ce sujet, l’affaire Me El Hadji Amadou Sall ?
Je peux revendiquer l’amitié de Me El Hadji Amadou Sall, mais je ne comprends pas qu’il se soit transformé en pitbull, disons chien de garde, de Karim Wade. Son parcours et son background politique ne lui permettent pas de descendre à ce niveau du débat. Je regrette son comportement, mais il reste mon ami. El Hadji Amadou Sall a fait 26 ans de carrière en tant qu’avocat. On attend de lui de l’argumentaire et non des invectives.
La Dic et la Bag reprennent du service. N’êtes-vous pas en train de rouvrir une page que les Sénégalais ont voulu fermer avec le départ de Me Abdoulaye Wade ?
Qui vous a dit que les Sénégalais ont envie de fermer cette page ? Ce que les Sénégalais veulent, c’est que les hommes politiques aient des comportements honorables.
Niez-vous que l’arrestation de Jean Paul Dias à la cathédrale et la condamnation d’Abdourahim Agne avaient suscité une indignation collective ?
Je ne le souhaite pas. Et je regrette ce qui s’est passé d’autant plus qu’il s’agit de Me El Hadji Amadou Sall. J’étais chez lui il n’ya pas longtemps et on se parle souvent. Ce qu’on attend d’un cadre, c’est qu’il formule des propositions qui puissent apporter des réponses aux préoccupations des Sénégalais et non qu’il nous entretienne d’histoires de borne fontaine. Amadou Sall ne devait pas descendre aussi bas.
Ne pensez-vous pas que ce sont les mises en gardes lancées par le chef de l’Etat qui ont excité l’opposition ?
Le Président n’a fait que rappeler les règles. L’opposition ne fait que vociférer. Et ce n’est pas ce que les Sénégalais attendent d’elle.
Mais, les libéraux ont eu la preuve, avec cette sortie de Mbodiène, que leur message était bien reçu…
Le Président est un être fait de chaire et de sang. Il a voulu tout simplement siffler la fin de la recréation, parce que les gens allaient trop loin. Notre culture n’accepte pas que l’on accuse quelqu’un d’anthropophagie. C’est vraiment triste. Les adversités politiques, il faut les gérer politiquement.
Le débat vole très bas et on continue d’entretenir une vive tension politique. Cela ne risque-t-elle pas de vous détourner des priorités ?
Mais, vous racontez des histoires. Macky Sall a pris en charge toutes les urgences qui se sont présentées. Que ce soit le monde rural, l’électricité, les dialyses, etc. On a un budget de développement qui prendra en charge les préoccupations des Sénégalais.
On n’est pas à la veille d’une élection, mais l’opposition et le pouvoir s’affrontent depuis 8 mois. Est-ce un climat favorable à l’environnement des affaires ?
Il n’y a pas de tension. (Il se répète). Vous m’avez vu avec Oumar Sarr et Awa Diop, ils m’ont tous félicité. Nous avons des divergences politiques, mais nous restons tous unis par des liens. Le Sénégal est un pays particulier.
Les économistes ne cessent de tirer la sonnette d’alarme pour un retour au calme dans le landernau politique. Ne pensez-vous pas que la majorité a plus intérêt à ce que l’on ferme cette page ?
Quels économistes ? Ils racontent des histoires. Nous nous battons pour la bonne gouvernance.
Avec une justice trop bavarde et une Assemblée nationale où l’on s’invective à longueur de séances…
Tous les jours, les procureurs parlent en France et aux Etats-Unis. Nous sommes à l’air de la communication et les populations ont le droit d’être informé de tout ce qui se passe. Comment un journaliste peut-il s’offusquer parce qu’on communique beaucoup.
La presse ne s’en porte que mieux, car vous lui donner de la matière. Mais, est-ce que de telles informations vont faire avancer le pays ?
Nous sommes tous les jours dans la logique de réussir notre mission qui est de changer la face de ce pays. Nous sommes élus pour cinq ans et nous y arriverons s’il plaît à dieu.
Elu pour 7 ans, Macky Sall a décidé de ramener son mandat à 5 ans. Qu’attendez-vous d’ailleurs pour enclencher le processus ?
Ce n’est pas une mince affaire. Il faut une réforme constitutionnelle par un referendum pour ramener le mandat du président de la république de 7 à 5 ans. Mais, c’est un engagement que l’on tiendra.
Pouvez-vous donner un délai ?
Nous avons jusqu’en 2017 et on va organiser un referendum. C’est le seul instrument dont nous disposons pour modifier la loi. Nous ne voulons pas tripatouiller la constitution.
Vous êtes un peu trop effacé en tant que président de groupe parlementaire. Essayez-vous d’opérer une rupture?
Je veux que le groupe soit la star, c’est un choix. Je veux que les Sénégalais parlent plus du groupe que de son président.
Pour des batailles politiques aussi déterminantes, ne pensez vous que le président du groupe devrait être au premier rang ?
Je veux gérer ce groupe avec beaucoup d’humilité. Je dirige un groupe très compliqué et tout faux pas de ma part peut avoir des conséquences terribles. Je ne dois parler que quand c’est nécessaire.
Peut-on penser que la présidence du groupe parlementaire est un tremplin politique pour vous ?
Je souhaitais vraiment boucler ma vie politique en 2017. Je n’arrive pas à avoir une vie de famille normale. J’ai commencé très tôt et ça a ruiné ma santé. Je n’ai pas pu couver mes enfants, leur inculquer les valeurs auxquelles je crois et ils sont trop jeunes. Mais, j’ai été obligé de poursuivre cette action politique. Je me sens bien ici. J’ai toujours voulu être conseiller municipal et je le suis au niveau de Dakar. J’ai toujours rêvé d’être député, je le suis aujourd’hui. Le jour où je me rendrai compte que ma présence à l’Assemblée nationale n’apporte aucune valeur ajoutée pour mon pays, je renoncerai à ce mandat-là.
Vous faites partie des premiers à avoir quitté le navire libéral parce que vous n’étiez pas d’accord avec les pratiques en cours. L’histoire pourrait-elle se répéter avec Macky Sall ?
Les mêmes causes produisent les mêmes effets. J’ai espoir que Macky Sall ne fera pas la même chose qu’Abdoulaye Wade. J’échange de manière très fréquente avec lui et j’ai la ferme conviction qu’il veut relever un défi de génération. Je veux l’accompagner dans ce défi générationnel.
On sait que le pouvoir corrompt. Ne pourrait-il pas se détourner de ce schéma ?
Mais non. Il ne s’en détournera pas. Et puis, les mêmes causes produiront les mêmes effets. S’il s’en détourne, le combat commencera dans la minute qui suit. Je me suis très tôt engagé avec Cheikh Anta Diop en 1976. J’ai été licencié de la Banque centrale pour des raisons syndicales alors que je pouvais rester et gagner un salaire faramineux. Je n’ai pas quitté Abdoulaye Wade parce qu’il ne m’a pas donné quelque chose. J’ai quitté parce que je ne me retrouvais plus dans ce système. Lors du dernier Comité directeur auquel j’ai assisté, des gens sont venus lui dire qu’il devait y avoir une alliance entre le Pds et la Génération du concret. J’ai pris la parole pour lui dire que ces gens-là se moquaient de lui, car le Pds ne pouvait pas s’allier avec la Gc. Je lui ai aussi dit que le fait de mettre le nom de Karim Wade sur la liste de Dakar pour les locales pourrait faire perdre le Pds. Il l’a fait et on a perdu Dakar en 2009. Pourtant, je dis, au nom de la vérité historique, que Abdoulaye Wade a beaucoup fait à Dakar.
Gardez-vous la même liberté de ton avec le président Macky Sall ?
Je suis plus franc avec Macky qu’avec Wade. Abdoulaye Wade est mon père…
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