Le président de la République, M. Macky Sall, a autorisé, lors du Conseil ides ministres de mercredi dernier, le “recrutement exceptionnel”, à partir de 2014, de 1000 agents de santé dont 500 sages-femmes ‘’afin de matérialiser davantage sa politique d’amélioration de la santé maternelle et infantile’’. Les acteurs de la santé, tout en se félicitant de ce recrutement massif, appellent tout de même à une transparence dans le recrutement et à un suivi rigoureux pour un déploiement de ces auxiliaires de santé dans les zones du pays les plus nécessiteuses.
“Notre Etat n’est pas riche, mais des arbitrages ont été faits et ont permis au ministère de la Santé, qui a déjà recruté 500 personnes en 2012 d’en recruter encore 500 en 2013. Nous aurions voulu avoir 1000 ou 2000, mais c’est le quota qui nous a été donné et nous allons encore continuer le plaidoyer pour avoir plus de personnel”. C’est ce que déclarait en avril 2013 le ministre de la Santé et de l’Action sociale interpellé sur la question à l’occasion de la semaine mondiale de vaccination. En effet, les sages-femmes sont en nombre réduit dans les structures sanitaires. Un faible recrutement par l'Etat qui avait même poussé l'Association nationale des sages-femmes d'Etat du Sénégal (Ansfes) à décréter “une journée de maternité sans sages-femmes”, pour alerter le public et le Gouvernement, engagé à atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (Omd). “En dépit des importants efforts salutaires déployés par le gouvernement ces dernières années pour le recrutement des sages-femmes, le pays n'en compte que 1271 alors qu'en 2013, le Sénégal avait des besoins estimés à 2563 sages-femmes, soit un gap de 1336”, déclarait Mme MarièmeFall, la présidente de cette association, samedi dernier, lors de la célébration de la Journée internationale des sages-femmes. Selon le Fonds des Nations Unies pour la population (Fnuap), au niveau mondial, les décès de 300000 femmes et de 3 millions de nouveau-nés peuvent être évités grâce à la disponibilité de sages-femmes qualifiées dotées de plus de capacités techniques. Faustin Yao, représentant-résident du Fonds, a précisé que, dans notre pays, «malgré les progrès enregistrés dans la lutte contre la mortalité maternelle et néonatale, des efforts restent à faire”. Des efforts d’autant plus importants à faire que le ratio est de “seulement 2 sages-femmes pour 1000 naissances, soit un déficit de plus de 50%”. Pis, M. Yao a déploré qu'en raison de multiples contraintes, “nombre de sages-femmes ne sont pas disposées à exercer dans des localités reculées, telles Matam et Tambacounda, zones où le taux de mortalité dépasse largement la moyenne nationale”. A ce sujet, la présidente de l'Association nationale des sages femmes d'Etat du Sénégal (Ansfes), Mme MarièmeFall, de préciser que «nous (Ndlr: les sages-femmes) avions initié, il y a deux ans de cela, une stratégie pour amener les sages-femmes dans les zones rurales, moyennant un recrutement de l'Etat ou des collectivités locales, ainsi qu'un minimum pour survivre. Mais, le suivi n'est pas au top pour réaliser cela». Une situation d’autant plus regrettable, avait-t-elle poursuivi, que “plus de 2000 sages-femmes sont, pourtant, au chômage. Avec une sage-femme qui officie pour 2 426 femmes en âge de reproduction, le Sénégal est encore loin de la norme d'une sage-femme pour 300 femmes en âges de reproduction ».
Indexant “l'insuffisance de volonté politique” dans le recrutement des sages-femmes par l'Etat et leur déploiement et maintenance dans les régions reculées, Mme Fall s’était désolée de la concentration de ses collègues en milieu urbain. Pour inverser la tendance, elle avait rappelé leur stratégie qui incluait une visite chez le ministre de la Santé et une sensibilisation médiatique, sans compter l’organisation d’une journée de maternité sans sages-femmes, pour alerter le public et le Gouvernement qui s'est engagé à atteindre lesdits objectifs.
En tous les cas, malgré les besoins en personnel des hôpitaux, près de 2500 sages-femmes sont au chômage alors que, en moyenne,300 « blouses roses » diplômées sortent des écoles chaque année. Face à cette situation, « le gouvernement fera des efforts en matière de recrutement selon les limites qu’imposent les ressources publiques”, avait annoncé, samedi dernier, le Premier ministre, Mme Aminata Touré, lors de la Journée internationale des sages-femmes. Elle avait, à cette occasion, invité le secteur privé, les collectivités locales et les collectivités de base à accompagner le gouvernement “dans cette dynamique de mise en valeur de nos ressources humaines”. Surtout que cette journée était axée sur un objectif d’ « accélération de la cadence pour l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement en matière de santé”. Car, faut-il le rappeler, “le Sénégal a besoin de sages-femmes aujourd’hui plus que jamais”. Et le gouvernement semble en avoir conscience, d’après Mme Touré qui reconnaît également que notre pays, en dépit des avancées notées ces dernières années en termes de politique de santé, reste encore loin du niveau auquel les autorités veulent le hisser. Compte tenu des nombreux problèmes qui se posent, le Premier ministre avait reconnu que “l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement, en matière de santé, reste encore très difficile”. Malgré tout, elle avait promis que “le gouvernement fera des efforts pour recruter des sages-femmes”.Et ce “dans les limites qu’imposent les ressources publiques”. C’est comme si elle avait été entendue par le président de la République ! Lequel, donc, au cours du dernier Conseil des ministres, « a autorisé le recrutement exceptionnel, à partir de 2014, de 1000 agents de santé dont 500 sages-femmes”.
Suite à cette décision du chef de l’Etat, la présidente de l'Association nationale de sages-femmes d’Etat du Sénégal (Ansfes), Mme MarièmeFall a, d’abord, montré sa satisfaction. “C'est une nouvelle que nous accueillons avec une grande joie après un long plaidoyer” a dit Mme Fall qui espère que ces recrutements se feront “dans la transparence” et “cibleront, en priorité, les sortants des promotions de 2006 ou ceux qui travaillent sans salaire dans les zones reculées du pays”.
Le ministre de la Santé et de l’Action Sociale, le Pr Eva Marie CollSeck, s’est également félicité de ce recrutement annoncé de 1000 agents de santé. Une mesure qui est le fruit d’un long effort de plaidoyer, selon le ministre de la Santé. La hausse du personnel soignant, surtout le recrutement de 500 sages, contribuera, selon Eva Marie CollSeck, à l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (Omd) en ce qui concerne la santé maternelle et néonatale. Pour le ministre de la Santé, la mesure annoncée par le président de la République permettra “de combattre le déficit en ressources humaines, un des maux du secteur sanitaire”.
Elle annonce, en parallèle, le recrutement de contractuels pour pallier au déficit de personnel surtout des sages femmes qui fait que, dans certaines contrées et pour des raisons culturelles, des femmes refusent de se faire consulter par un homme au niveau des structures sanitaires. Elle a, en outre, indiqué que le suivi nécessaire sera fait “pour une répartition équitable des nouvelles recrues dans les régions éloignées du pays”. Certainement pour répondre à une préoccupation de M. Faustin Yao du Fnuap qui plaide pour un redéploiement des sages-femmes au fin fonds du Sénégal. Selon le Pr Eva Marie CollSeck, seules 63% des femmes en âge de procréer au Sénégal bénéficient d’une assistance médicale qualifiée alors que 40% n’en ont pas. Un problème, bien entendu, “à résoudre”.
Maïmouna Faye
Article paru dans « Le Témoin » N° 1166 –Hebdomadaire Sénégalais (MAI 2014)