Elle est l'une des 41 candidats encore en course. A 43 ans, SarahaGeorget Rabeharisoa, petit bout de femme adepte de longues séances de méditation sur la Grande Île, va tenter de sortir Madagascar de la crise dans laquelle le pays est englué depuis quatre ans. D'abord prévues le 8 mai, les élections pour désigner un successeur à Andry Rajoelina, le chef de la Haute autorité de transition (HAT) qui avait renversé le président Marc Ravalomanana, ont été repoussées au 24 juillet.
Mais la machine électorale s'est à nouveau enrayée et le vote a été reporté sine die. En cause: les candidatures contestées de trois prétendants à la présidence. Andry Rajoelina, l'ancien maire d'Antananarivo, a déposé sa candidature hors délai et renié sa promesse de ne pas se présenter. Quant à Lalao Ravalomanana, l'épouse de l'ex-président, et à l'ex-chef d'Etat Didier Ratsiraka, ni l'un ni l'autre n'ont résidé à Madagascar six mois avant leur dépôt de candidature, condition exigée par la loi électorale.
Face à ces vieux caïmans " qu'elle ne craint pas ", la présidente du parti vert Hasin'i Madagisikara, portée par 300 000 militants, veut croire qu'elle sera celle qui sortira son pays de l'impasse politique. Venue rencontrer la diaspora malgache à Paris mercredi 26 juin, jour du 53e anniversaire de l'indépendance, Saraha Georget Rabeharisoa a répondu aux questions de L'Express.
- D'abord prévues le 8 mai, reportées au 24 juillet puis à nouveau repoussées... Quand les élections vont-elles avoir lieu ?
Je ne le sais pas moi-même mais je milite pour qu'elles interviennent le plus tôt possible. Je suis pour le respect des lois, pour l'instauration d'un Etat de droit mais pour cela, il faut absolument arrêter de repousser le processus électoral. Les Malgaches doivent retrouver leurs droits et se réapproprier leur destin. La tenue d'élections libres et transparentes est un passage obligé pour revenir dans le concert des nations. Cela fait trop longtemps que nous sommes au ban de la communauté internationale, et tout cela à cause d'un gouvernement illégitime.
- Trois candidats se présentent alors qu'ils n'en ont pas le droit. Et pourtant, la Cour électorale malgache a validé leur participation...
Oui mais vous savez, je pense que l'Etat malgache a besoin de toutes ses forces pour être reconstruit. Tout le monde doit avoir le droit d'élire son leader en toute liberté. Ces trois candidats ont des sympathisants, des gens qui les soutiennent, donc ils ont le droit d'être entendus. Il est essentiel que toutes les composantes du paysage politique soient représentées dans la course à la présidentielle mais cela doit se faire dans le respect des lois. Ils ne seront pas légitimes tant qu'ils ne respecteront pas les règles du jeu.
- Et si, en dépit des pressions internationales, leurs noms apparaissaient toujours au moment du scrutin, seriez-vous toujours candidate ?
Bien sûr ! Je ne les crains pas. Je n'ai pas peur de les affronter car je connais leurs bilans. Entre 1990 et 2010, la part de la population vivant sous le seuil de pauvreté est passée de 70 à 77%. C'est inacceptable. Ce sont ces politiciens qui nous ont plongés dans un tel marasme. Ils ont l'art de tromper le peuple avec des promesses irréalisables. Ils ne savent faire que dans la prévarication.
La France a menacé de ne pas reconnaître l'élection si les trois candidats contestés se maintiennent...
Il est primordial que ces élections soient reconnues et c'est à nous de prouver que l'on peut organiser une consultation libre et transparente. La communauté internationale a raison de ne pas les reconnaître mais les sanctions doivent être effectives. Plutôt que ces menaces, j'aurais préféré que les alliés historiques de Madagascar nous aident dans ce processus de transition. Si on nous laisse gérer cela tout seul, l'un des trois candidats reconfisquera le pouvoir. Pour l'apaisement, je demande donc un arbitrage des instances internationales.
- 41 candidats sont en lice. Qu'est-ce qui vous différencie d'eux ?
Je suis l'une des très rares candidates à avoir présenté un programme présidentiel. De plus, celui-ci est issu de la volonté des Malgaches. C'est un programme qui a été élaboré avec eux et non parachuté de l'extérieur.
Je peux m'appuyer sur un parti neuf, né lors de la crise en 2009. Antoko Maitso (le Parti vert NDLR) est fort de 300000 militants à travers toute l'île, dont l'adhésion a été spontanée. Ils sont tous porteurs du même projet de démocratie au service du développement humain et de la stabilité sociale.
Moi, je n'ai jamais magouillé. Je porte des valeurs que je veux rétablir à Madagascar. Pour cela, je vais depuis des mois à la rencontre des habitants, sans négliger aucune partie de notre Grande Île.
- Quelles sont vos chances d'être élue ?
Je serai la nouvelle présidente de la République de Madagascar. Les Malgaches voteront pour moi, pour mon projet basé sur la terre, l'eau et l'énergie. Je suis confiante.
- Vous venez pour la première en France le jour de l'anniversaire de l'indépendance de Madagascar. Etait-ce important de venir rencontrer la diaspora ?
Important, et indispensable même. J'appelle la diaspora la " 19e tribu " (Madagascar compte 18 tribus traditionnelles NDLR). Ce sont depuis toujours des laissés pour compte car la diaspora est vue comme une opposition du pouvoir en place. Je ne suis pas venue chercher des voix car ils n'auront pas le droit au vote et c'est une aberration. D'ailleurs, si je suis élue, j'établirai le droit de vote depuis l'étranger et une politique de naturalisation massive afin que ces Malgaches retrouvent pleinement leur place dans notre société. C'est une erreur incommensurable de les avoir exclus. Réintégrer la diaspora est indispensable pour réunir les conditions d'un essor malgache.
Propos recueillis par Antoine Védeilhé