Le Témoin – Monsieur le Président, les chambres de commerce ne s’occupent pas seulement de négoce mais aussi d’agriculture et d’industrie. Mais est-ce que ces trois composantes sont représentées dans votre institution consulaire ?
Aladji CISSE- Il faut reconnaître que le volet commercial prédomine dans nos activités. L’industrie aussi existe dans la sous-région à travers les sociétés minières qui sont actives. Toutefois, du fait que la région de Kédougou est frontalière de deux pays que sont la Guinée et le Mali, le commerce y noie donc les autres activités. Cet état de fait a failli me handicaper lorsque j’ai annoncé ma candidature à la présidence de la chambre de commerce de la ville. Du fait de la nouveauté de cette structure (Ndlr, avant la région dépendait de Tambacounda), les gens pensaient que seuls les commerçants pouvaient se présenter. Il m’a fallu me lancer dans une longue campagne d’explication et de sensibilisation pour vaincre les réticences à mon endroit.
Et que représente selon vous le secteur minier dans la région ?
Les mines représentent non seulement l’avenir de Kédougou mais aussi celui du Sénégal et même au niveau international. Contrairement au Mali et au Burkina Faso, le Sénégal a l’avantage de disposer de l’or en surface et avec une teneur très importante sur une superficie réduite. Il est donc facilement exploitable. L’Etat doit donc s’atteler à attirer des investissements dans ce secteur pour que le Sénégal y gagne beaucoup.
Cela dit, la cohabitation est heurtée entre orpailleurs sénégalais, « diouratiguis » étrangers et compagnies minières…
J’ai suggéré personnellement à l’Autorité suprême de prendre des mesures sévères contre l’anarchie qui prévaut dans ce secteur de l’extraction de l’or. Je ne suis pas contre l’orpaillage artisanal mais il faut qu’on règlemente le secteur. N’importe qui ne doit pas pouvoir tout faire. Si vous allez sur les sites d’orpaillage, les Sénégalais qui s’y trouvent s’activent surtout autour du commerce. Ils vivent des effets induits de l’extraction de l’or mais ne profitent pas directement des retombées de cette activité. Par contre, les populations locales et la nature environnante subissent de plein fouet les effets néfastes de cette exploitation anarchique à travers la déforestation sauvage, la pollution aérienne et fluviale, les maladies. Ce sans compter l’insécurité à grande échelle qui s’est installée. Il faut donc assainir le secteur même si, auparavant, il convient de procéder à une grande campagne de sensibilisation pour inciter nos compatriotes à se procurer la carte d’orpailleur. Encore une fois, l’Etat ne gagne rien dans cet orpaillage illégal, l’or extrait allant gonfler les statistiques du Mali et du Burkina Faso.
Que préconisez-vous concrètement ?
Au risque de me répéter, il faut absolument que l’Etat assainisse le secteur. Nous voulons créer un comptoir de l’or mais le préalable, c’est cet assainissement. Il faut aussi combattre l’insécurité. Pour ce faire, la présence de l’Armée doit être permanente. Actuellement, les militaires viennent faire des séjours de quelques semaines, effectuent des patrouilles avant de repartir. Pendant leur présence, les malfaiteurs se tiennent à carreau mais dès qu’ils tournent le dos, ces derniers reprennent leurs activités criminelles. Il faut sécuriser les frontières car les points de passage sont nombreux et ne sont pas gardés. De plus, la zone est très vaste.
Propos recueillis par :
Mamadou Oumar NDIAYE
Article paru dans « Le Témoin » N° 1164 –Hebdomadaire Sénégalais (MAI 2014)