Marine Le Pen joue une partie de son avenir

Marine Le Pen retient son souffle. La présidente du Front national, âgée de 43 ans, joue une partie de son avenir politique à l'occasion de ce premier tour de l'élection présidentielle. «La dédiabolisation a progressé, soutient la candidate du FN. Dans le peuple, il y a un marinisme décomplexé.» Les derniers sondages la créditent de 14 % à 17 % des intentions de vote. La campagne s'achève alors que la députée européenne se redresse quelque peu dans les enquêtes d'opinion.

Un score inférieur à 15 % des voix serait interprété comme un échec à l'aune des objectifs très ambitieux que Marine Le Pen s'était fixés. En outre, les sondages l'avaient portée à plus de 20 % en juin 2011, parfois devant Nicolas Sarkozy, avant de décroître.

Une sorte «d'union sacrée»
Officiellement, la députée européenne vise toujours la barre des 20 % des suffrages et affirme qu'elle peut accéder au second tour. Mais, en privé, un de ses proches reconnaît qu'«on pousserait un ouf de soulagement à partir de 17 %». Un tel score permettrait certainement à Marine Le Pen, de surcroît, de devancer Jean-Luc Mélenchon, sa bête noire, et de conserver la troisième place.

À titre de comparaison, en 2002, Jean-Marie Le Pen avait obtenu 16,86 % des voix. Son ancien bras droit devenu son rival, Bruno Mégret, lui aussi candidat, avait recueilli 2,34 % des suffrages. L'extrême droite avait ainsi totalisé 19,20 % des voix à la présidentielle de 2002. En 2007, en revanche, Jean-Marie Le Pen, victime de la campagne «droitière» de Nicolas Sarkozy, avait chuté à 10,44 % des suffrages.

La candidate a bénéficié d'une sorte «d'union sacrée» au sein de son parti. Son rival, Bruno Gollnisch, n'a cessé d'appeler ses sympathisants à la soutenir. La stratégie et le style de l'élue d'Hénin-Beaumont ont, en revanche, suscité des interrogations jusque parmi ses fidèles. La députée européenne s'est entourée d'anciens chevènementistes comme l'énarque Florian Philippot, promu directeur stratégique de campagne. Marine Le Pen a commencé une campagne «à gauche toute», vantant l'État protecteur et promettant le retour à la retraite à 60 ans.

Une appel «à nos anciens»
Rien ne dépeint mieux son imaginaire politique que les propos qu'elle a tenus le 19 février lors d'un meeting à Lille. Marine Le Pen a alors affirmé que Jean-Luc Mélenchon, en échange de son soutien à François Hollande au second tour, obtiendrait «une bonne place d'équarrisseur du peuple, je veux dire de ministre dans un gouvernement de gauche qui finira, comme celui de Jules Moch, par faire tirer sur les ouvriers refusant d'accepter le sort promis aux travailleurs grecs». Étrange façon d'évoquer les grèves insurrectionnelles de 1947, lancées au début de la guerre froide par le PCF et la CGT et brisées à l'époque par le gouvernement du socialiste Paul Ramadier et son ministre de l'Intérieur, le socialiste Jules Moch.

Confrontée au redressement de Nicolas Sarkozy dans les sondages, celle qui a réussi à se faire un prénom s'est ensuite résignée à écouter les conseils insistants de Jean-Marie Le Pen. Elle a renoué avec les thèmes traditionnels - immigration, délinquance - du parti d'extrême droite fondé par son père. Constatant que sa proposition de sortir de l'euro effrayait l'électorat âgé, la candidate a fait machine arrière et a promis de soumettre cette décision à un référendum. Dans son dernier meeting, au Zénith, à Paris, elle a lancé un appel «à nos anciens».

Au gré de ces zigzags, Marine Le Pen s'est efforcée de réaliser une synthèse entre sa volonté de faire campagne à gauche, qui traduit un désir de respectabilité autant qu'un calcul politique, et le discours classique du FN, hérité de son père.

Avec Lefigaro