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Me Ndèye Fatou Touré: " Il faut auditer l'assemblée nationale! "


Les législatives, les audits, l’assemblée nationale, la gouvernance de Macky Sall, entre autres. Telles sont les grandes lignes de l’entretien avec Me Ndèye Fatou Touré, deuxième sur la liste nationale de son parti Tekki en direction de l’élection législative du 1er juillet.



Me Touré, nous sommes dans la dernière ligne droite avant l’élection législative. Etes-vous confiante quant aux résultats que vous escomptez pour votre parti Tekki ?
Absolument ! Je pense, toute modestie à part que Tekki, en l’espace de 5 ans a fait son petit bonhomme de chemin, a pu conquérir le cœur de milliers de sénégalais dans tous les départements et au niveau de la diaspora. Toute modestie à part bien entendu, je ne dis pas que nous allons décrocher la lune mais nous avons pu avoir la tête hors de l’eau et pouvoir nous affirmer à travers nos idées mais surtout notre conviction. Notre forte conviction et notre détermination à œuvrer pour un Sénégal nouveau et un Sénégal prospère. Et nous y croyons. Nous voulons mériter la confiance de nos concitoyens. Nous avons pu avoir un siège à l’assemblée nationale à l’issu de quatre mois seulement d’existence. Mamadou Lamine Diallo était candidat à la présidentielle de Février 2007 et au mois de Mai, nous avions entamé une campagne électorale que j’ai eu l’honneur de diriger en tant que tête de liste de Tekki, en tant que femme. Et vous l’avez vu, nous avions eu l’honneur d’avoir un siège à l’assemblée nationale que nous avons tenté, autant que faire se peut, d’honorer. Nous avions essayé d’accomplir en âme et conscience mais en toute conviction, croyant en notre pays et en tant que patriotes, nous avions essayé d’occuper ce siège et d’accomplir la mission qui nous était dévolue. Maintenant, il appartient à nos compatriotes de nous juger à travers cette première action à l’assemblée nationale et de nous faire confiance pour nous donner cette fois-ci, un groupe parlementaire, pourquoi pas ? Nous aurions souhaité avoir un groupe parlementaire. Et quand on dit groupe parlementaire, en l’état actuel des textes, il faut au moins 10 députés. Mais nous ne voulons pas avoir que des députés, nous voulons être un groupe qui puisse être influant et donner notre mot dans la direction des affaires de notre pays.
 
Pourquoi n’aviez-vous pas boycotté l’élection législative de 2007 comme vos autres camarades de l’opposition d’alors ?
Parce que nous avions analysé les choses. Vous savez Wade avait déclaré avoir gagné l’élection à pratiquement 55% et nous savions qu’il y’a eu des fraudes, il y’a eu des instructions multiples et des votes multiples. Il y’avait des mécanismes de fraude. Mais nous avions tout de même estimé qu’il avait gagné en partie parce qu’il y’avait une bonne dose de corruption électorale. Il avait distribué beaucoup d’argent et cela avait en partie fonctionné parce que nous l’avions vu parcourir parfois deux ou trois fois une même région ou un même département. Et l’avant-veille de l’élection, nous l’avions vu injecter d’importantes sommes d’argent dans des départements où habitaient des leaders et cela a marché. Donc, nous avions estimé qu’en dépit de la bonne dose de fraude, il ne fallait pas déserter l’assemblée nationale, il ne fallait pas abandonner le peuple. Il fallait prendre part aux élections législatives de façon à pouvoir assurer de manière inlassable, la défense des intérêts du peuple sénégalais et assurer une vigilance citoyenne parce que n’oubliez pas que le mouvement Tekki est un mouvement de société civile et un mouvement pour une émergence citoyenne. C’est-à-dire pour que les sénégalais prennent conscience de leur citoyenneté, de leur droit en tant que citoyen mais également de leur devoir. C’est pourquoi, nous étions allés à l’assemblée nationale, nous avions travaillé et nous estimons qu’aujourd’hui, nous sommes en droit de demander la confiance de nos concitoyens pour poursuivre le travail et assurer une vigilance.
 
Donc vous n’étiez pas du tout en phase avec l’opposition à l’époque ?
Nous n’étions pas du tout en phase sur le principe du boycotte. Nous avions estimé qu’il ne fallait jamais laisser libre court, une totale liberté à quelqu’un qui a pour ambition de diriger le pays et de perpétuer son règne à travers les membres de sa famille biologique et politique. Nous avions estimé qu’il n’était pas question de laisser le Sénégal entre les mains d’une oligarchie qui n’avait pour soucis que de s’enrichir de jour en jour et de démultiplier autour d’elle, les millionnaires. Que dis-je ! Les milliardaires plutôt ! Qui n’allaient pas injecter leurs milliards dans des sociétés créatrices d’emplois mais qui allaient mettre leurs milliards en dehors du pays et ainsi l’utiliser pour eux et leur famille. Nous avions estimé qu’il ne fallait pas laisser le pays entre leurs mains et ne pas laisser se perpétuer, un affairisme d’Etat. C’est-à-dire, quand il s’agit d’investir dans un secteur pour, par exemple, promouvoir des investissements politiques où il faut absolument que vous ayez une contrepartie en tant que dirigeant. Nous avions voulu lutter contre cela. Nous avions voulu lutter également contre cette gestion anarchique du budget qui nous a conduit aujourd’hui à un déficit énorme que nous sommes entrain de payer. Nous avions voulu lutter contre toute cette boulimie foncière, cette spéculation à outrance sur nos terres qui ne sont pas allées à ceux qui en ont véritablement besoin. Par exemple pour la production, nous avions voulu lutter contre beaucoup de choses et c’est pour cela que nous avions estimé qu’il faut des voix à l’assemblée nationale, il faut contrôler l’action gouvernementale pour dénoncer dès le début de la législature, comme nous l’avions fait. A moins de trois semaines de vie parlementaire, nous avions mis le doigt sur les délestages sous le poids desquels les sénégalais étaient entrain de crouler. Tout le monde souffrait des délestages ! Les ménages, les sociétés, les petites et moyennes entreprises. Les grosses entreprises avaient même fini par créer leur propre unité de production jusqu’à même approvisionner quelques villages. Ce sont les ménages qui souffraient, la population. Et vous savez très bien que la population est composée d’analphabètes en grande partie et de personnes qui n’ont pas su aller à l’école, finir leurs études et avoir du travail soit dans la fonction publique soit dans les sociétés. Alors cela veut dire quoi ? Cela veut dire que le secteur informel avait le plus besoin d’énergie pour pouvoir survivre. Une personne qui n’a pas été à l’école est encline à avoir un compteur pour coudre, vendre de la glace, faire de la menuiserie métallique, etc. tous les corps de métier qui utilisent l’énergie étaient entrain de souffrir et cela risquait gros pour notre pays, sur le plan social. Ce sont ces genres de situation qui ont été à l’origine des conflits dans la plupart des pays africains. Donc il fallait des personnes à l’assemblée nationale pour, ne serait-ce que tirer la sonnette d’alarme, taper sur la table, dire non au gouvernement, alerter l’opinion, la société civile, la presse, les sénégalais et se battre de manière continue jusqu’à la fin de la législature. Voilà le sens de notre mission.
 
Pour les législatives de 2012, combien  y’a-t-il de candidats sur la liste de Tekki ?
Nous avons une liste nationale dirigée par Mamadou Lamine Diallo, qui est composée de soixante titulaires et de cinquante suppléants. Je suis deuxième, vous savez, c’est une liste forcément paritaire. Au Sénégal il y’a quarante cinq départements et nous avons quarante et une listes dans quarante et un départements. Nos listes n’ont pas été déclarées recevables dans quatre départements, Bignona, Ranérou, Salémata et Bakel, faute de dossiers complets. Donc nous avons été confrontés à un problème de mise à état de dossiers  c’est à dire, acheminement des pièces requises à temps. C’est ce qui a fait que la commission qui devait nous recevoir au niveau du ministère de l’intérieur a estimé que nos listes déposées dans ces quatre départements ne pouvaient pas être déclarées recevables. Sinon, nous avons des cellules dans ces départements.
Vous n’aviez pas eu de problèmes pour appliquer la parité ?
Absolument pas ! Déjà en 2007, nous avions eu 47% de candidates féminines dans notre liste nationale et il y’a même eu des départements dirigés par des femmes comme c’est le cas aujourd’hui. Que ce soit à Mbour, à Louga, à Kaffrine ou à Vélingara, nos listes sont dirigées par des femmes émérites, des femmes leaders. Sur la liste nationale aussi, des femmes leaders ont été mises en avant, des avocates comme moi, il y’a aussi des comptables, des économistes, des sociologues, des enseignantes, des opératrices économiques, etc. donc ce sont des femmes en position d’éligibilité, des femmes de développement, des femmes de valeurs que nous avons et les sénégalais le découvriront s’ils nous font confiance.
 
Malgré tout, vous n’êtes pas un très grand parti. N’est-ce pas prétentieux d’aller seuls aux élections ?
Nous n’avons pas pris pour option d’aller seuls aux élections législatives du 1er juillet. Nous aurions bien aimé et nous l’avons tenté jusqu’à la dernière minute (elle ne termine pas sa phrase). Notre liste nationale a été confectionnée le jour où on devait déposer les listes à minuit. La liste a été confectionnée dans l’après midi et vraiment à la dernière minute parce que jusqu’à la dernière minute, nous avions pensé que nous devions nous allier avec d’autres forces démocratiques, des forces de la société civile organisées, des forces dont certaines avaient même des candidats à la présidentielle tels que Ibrahima Fall, Gadio, etc. il y’a des mouvements citoyens avec qui nous avions pris langue pendant plusieurs semaines et avec qui, nous avions cru que nous pouvions être ensemble. Il n’en a pas été ainsi et nous le regrettons. Donc c’est par la force des choses, c’est faute de ne pas avoir eu une coalition avec d’autres forces que nous avons été obligés d’avoir notre liste à part. Mais ce n’est pas une option parce qu’il fait parti de notre méthode de travail de partager, cela fait parti de notre philosophie. Le pouvoir se partage, les responsabilités aussi se partagent. C’est pourquoi, vous m’aviez vu, je n’avais pas pris part aux élections locales en tant que député pour être candidate à une mairie, à une ville. J’aurais pu aller militer à Kaolack, être candidate à Kaolack où je suis née ou bien à Mbour où mes parents ont vécu pendant plus de quarante ans …
 
Pourquoi vous ne l’aviez pas fait ?
Parce que nous sommes contre le cumul des fonctions. Oui, radicalement contre et nous l’avons appliqué. Mes amis de Dalifort m’en ont voulu parce qu’ils auraient bien aimé que je fus candidate à la Mairie de Dalifort mais je ne pouvais pas cumuler le travail parlementaire avec le travail municipal. Et l’expérience a montré qu’à l’assemblée nationale, tous les maires qui sont députés utilisent en fait le poste de député pour se rapprocher des ministres et pouvoir gérer leur localité. Donc ce n’est pas sérieux de cumuler des fonctions. Il y’en a toujours une qui est privilégiée au détriment de l’autre.
 
Pourquoi vous n’avez pas dissout votre parti dans la coalition Benno Bokk Yaakaar ?
Vous avez dit dissoudre ! Nous, nous avons notre identité et notre ambition pour le pays. Nous avons un itinéraire aussi alors je ne vois pas pourquoi nous devons nous dissoudre dans une coalition, en quelque sorte de circonstance. Ce n’est pas une coalition qui est née avec la naissance de l’Apr. L’Afp est beaucoup plus ancien, le Parti socialiste est pratiquement aujourd’hui la mère des partis. Il y’a dans Benno Bokk Yaakaar d’autres partis, des mouvements de société civile, des forces citoyennes qui sont nés depuis tout de même quelques temps. Vous ne les avez pas entendus dès leur naissance créer une synergie structurelle pour diriger le Sénégal fondée sur la philosophie des assises nationales. Non ! C’est une coalition de circonstance qui est née à la faveur d’une élection présidentielle et surtout à l’issue du premier tour. Je suis entrain de vous décliner pratiquement ce qui pourrait être considéré ou perçu comme étant une tare congénitale où les difficultés dans la conception du pouvoir et la conception d’orientations stratégiques des mesures à prendre. Donc nous ne sommes pas forcément obligés de nous dissoudre dans une coalition de circonstance qui est créée à des fins électorales et qui va certainement chercher sa voie parce qu’elle n’a pas encore une voie toute tracée.
 
Ah bon ?
Oui ! Nous ne sommes pas contre les acteurs de la coalition Benno Bokk Yaakaar, pas du tout ! Comme nous l’avons dit, nous le répétons, nous avons voté Macky Sall. Nous avons battu campagne en faveur du Président Macky Sall à qui nous souhaitons pleins succès dans l’exercice de son mandat. Nous ne voulons pas d’échec parce que le Sénégal en est à sa deuxième alternance pacifique, démocratique. Nous sommes aujourd’hui exposés à la face du Monde, tout le monde nous regarde. Et il n’est pas question de revivre les mêmes dérives que nous avons vécues pendant douze ans. Nous ne voulons pas de déviation, nous voulons que le pays soit mis sur les rails de l’émergence, nous voulons une nouvelle forme de gouvernance administrative, institutionnelle, économique, sociale. Nous voulons extirper le pays de tous les maux qui le gangrènent aujourd’hui.
 
Si vous voulez tout cela, pourquoi ne pas aller travailler avec le Chef de l’Etat pour l’aider dans sa mission et participer au développement du Sénégal ?
Mais nous allons le faire ! Déjà nous allons à l’assemblée nationale et nous estimons que nous allons apporter notre pierre à l’édifice. Nous ne voulons pas de pensée unique, il faut éviter cela. C’est cela qui a perdu un bon nombre de pays africains dont le Mali qui est juste à nos côtés. Cette forme de pensée unique qui consiste à se dissoudre, à se mouvoir dans un seul cadre où tout le monde pense que nous sommes les meilleurs et que tout ce que nous sommes entrain de faire est extrêmement bon pour le peuple ce qui fait qu’une fraction du peuple ou une fraction de la classe politique n’a plus son mot à dire. C’est cela qu’il faut éviter parce que nous ne voulons pas justement de déviation, d’autosatisfaction, d’autoglorification. Il est bon dans une cour, de voir les enfants exprimer leurs différences et leurs particularités. Un chef de famille doit donner à chacun de ses enfants, sa liberté de ton d’expression et de manœuvre pour mieux gérer la famille et mieux promouvoir leur éducation. Donc nous avons notre place à l’assemblée nationale et nous n’allons faire que du bien pour le pays.
 
Alors dites-nous concrètement, pourquoi les sénégalais doivent voter pour votre parti, Tekki ?
Les sénégalais doivent voter Tekki parce que Tekki a essayé de promouvoir une certaine forme de production législative, c'est-à-dire faire jouer au parlement l’une de ses missions premières qui est de voter des lois mais pas des lois scélérates. Nous ne voulons pas de lois qui n’aillent pas dans le sens de l’intérêt général, nous ne voulons pas de lois qui ne protègent pas l’économie nationale, nous ne voulons pas de lois taillées sur mesure, qui soient spécifiquement adoptées pour une classe dirigeante pour lui permettre de se mouvoir et de réaliser ses ambitions sans tenir compte de l’intérêt des sénégalais. Nous voulons des lois qui permettent à tout le monde d’accéder aux richesses nationales, qui permettent à tous les sénégalais de se soigner. D’ailleurs, de ce point de vue en matière de santé, nous voulons qu’au moins 15% du budget soit consacrés à la santé et nous voulons une santé pour tous. Que le sénégalais puisse accéder à tous les niveaux d’infrastructures, de services et de soins de santé à des coûts raisonnables. Nous voulons des lois qui permettent aux agriculteurs et aux ruraux, les éleveurs et pêcheurs, d’accéder à la terre, que les femmes accèdent davantage à la terre parce qu’elles s’adonnent à l’agriculture vivrière. Nous voulons des lois qui puissent réorganiser le foncier en milieu urbain et que les sénégalais puissent y avoir accès. Nous voulons des lois qui permettent au secteur privé d’avoir un environnement beaucoup plus favorable pour créer beaucoup plus d’emplois parce que le secteur privé joue un rôle fondamental dans l’économie nationale. Nous voulons des lois qui permettent à tous les sénégalais d’accéder à l’école, au savoir, à un niveau plus élevé et d’accéder aussi à la formation. Nous voulons que toutes les compétences soient développées et ce sont des lois qui peuvent y contribuer. Nous ne voulons pas de discrimination ni à l’égard des femmes, ni à l’égard d’une race, ni à l’égard des handicapés, ni à l’égard des couches défavorisées de la population. Nous voulons des lois qui puissent promouvoir l’être humain dans toute sa dimension. Que ses droits économiques, ses droits au travail, à la sécurité sociale puissent être promus. Nous voulons également les droits sociaux, droits à l’assainissement, droit à un environnement social de base équitable. Nous voulons que les populations puissent vivre dans la dignité, qu’elles puissent avoir du travail, qu’elles puissent loger dans des endroits décents sans danger. Nous voulons beaucoup plus de sécurité, des lois qui puissent promouvoir la sécurité, la sécurité humaine, sécurité à l’intérieur du pays, dans tous les coins et recoins. Nous savons tous que le pays est confronté à d’énormes problèmes de sécurité qui sont dus aussi à des coupures d’électricité, en partie. Les élèves ne sont pas en sécurité pour aller à l’école. Il suffit d’aller en milieu rural pour s’en rendre compte. Les écoles sont trop éloignées. A Richard Toll par exemple, il y’a des écoles autour desquelles il y’a des villages distants parfois de 10kms, c’est inadmissible. Nous voulons également contrôler l’action gouvernementale pour que nos ressources publiques aillent là ou il faut. Nous voulons que les sénégalais aient confiance en Tekki pour défendre leurs intérêts sans tricheries et sans ambitions personnelles. Nous n’avons pas besoin de strapontin, nous ne voulons pas de postes ou accéder à l’assemblée nationale pour réaliser nos propres objectifs. Nous voulons prendre part à la manière dont les affaires sont conduites dans ce pays et nous estimons que notre vision, nos principes, nos valeurs et notre méthode de travail doivent avoir droit de cité dans cette forme de gouvernance. Nous demandons aux sénégalais de nous faire confiance parce que nous sommes des patriotes sincères.
 
Parlons des audits. Comment appréciez-vous la démarche du gouvernement ?
Les audits sont une forme d’amélioration, c’est un outil qui permet d’améliorer la gestion d’une structure publique ou privée. Vous savez, il y’a depuis fort longtemps, des audits qui ont lieu tous les jours dans des sociétés nationales, des sociétés privées, dans l’administration. La Cour des comptes contrôle par des audits, il y’a beaucoup de rapports de la Cour des comptes aujourd’hui, qui dorment dans les tiroirs de l’Etat et même dans les tiroirs de l’assemblée nationale puisque la Cour des comptes a pour vocation d’assister l’assemblée nationale ayant en particulier la commission des finances dans son travail de disposition politique de bonne gouvernance. La Cour des comptes a pour vocation également d’alerter le Président de la République. Ce dernier peut l’actionner pour aller contrôler une situation, la gestion d’un budget étatique. La Cour des comptes assistent enfin le Ministère de l’Economie et des Finances. Donc nous estimons qu’il y’a des audits depuis fort longtemps dont les résultats ont permis d’améliorer les performances d’un secteur, d’une société dans la gestion, d’une administration publique. Nous estimons qu’il ne faut pas politiser les audits, on n’a pas besoin de faire du bruit dans les audits. Et quand les audits nous conduisent à des détournements, à des malversations financières, à une mauvaise gestion, les organes compétents de l’Etat, à savoir l’institution judiciaire, doivent contribuer, agir et poursuivre et si les poursuites sont fondées, elles doivent aboutir à une condamnation, dans le cas contraire on doit relaxer purement et simplement ou classer le dossier sans suite. Donc nous ne comprenons pas tout le bruit présentement fait autour des audits.
 
Etes-vous d’accord avec ceux qui disent que le Chef de l’Etat Macky Sall doit commencer les audits par lui-même vu qu’il a travaillé pendant plusieurs années avec son prédécesseur ?
Les audits doivent aller dans tous les sens. Moi je suis pour qu’on renforce cet organe de contrôle externe qui est la Cour des comptes. Et je suis d’autant plus favorable au renforcement du pouvoir et des moyens d’action de la Cour des comptes, que c’est une Cour qui est aujourd’hui une institution communautaire. C’est un moyen d’améliorer la gestion, il y’a l’inspection générale d’Etat mais il y’a également des organes de lutte privés. Il y’a des cabinets de consultance qui sont préposés à des audits. Nous, nous estimons qu’aujourd’hui, partout ou les deniers publics sont manipulés, partout ou la loi des finances autorise l’allocation de ressources financières, il doit y avoir contrôle. Il me semble que le Président de la République a dit que la présidence ne doit pas échapper au contrôle. Maintenant, vous êtes entrain de poser un problème de rétroactivité. Est-ce que à partir du moment où le Président est élu comme Chef de l’Exécutif, il doit de manière rétroactive, activer ces organes de contrôle là ? C’est une question qu’il faut poser sur une table et les sénégalais doivent en discuter. A partir du moment ou il est élu Président de la République, ou un budget est alloué à la Présidence, ce budget devra faire l’objet d’un contrôle par un organe d’audit externe. C’est notre point de vue, il n’y a pas que la Cour des comptes, il y’a des auditeurs privés, l’inspection générale d’Etat et il y’a même des organes de contrôle interne au Ministère de l’Economie et des Finances. Le contrôle budgétaire est même interne à l’administration, il y’a des mécanismes. Il y’a des inspecteurs qui agissent dans l’opération financière partout dans l’administration. Et l’assemblée nationale ne doit pas échapper ! Il faut parler de l’assemblée nationale, elle ne doit pas échapper ! Le budget de l’assemblée nationale actuellement n’est toujours pas discuté autour d’une table. Quand on vote, même en tant que membre de la commission des finances, il ne nous est pas permis en aucun cas à l’examen du budget de l’assemblée. Le budget est soumis au vote puis adopté sans débat et on nous dit que depuis fort longtemps, c’est une pratique parlementaire. Il faut rompre avec cette pratique ! On nous dit que tous les budgets, de la Présidence, de la Primature, de l’Assemblée nationale, du Sénat, de la Cena, du Conseil économique et social ne sont pas soumis à des discussions. Pour l’assemblée nationale, le ministre vient, on demande qui est pour et qui est contre, et puis il n’y a pas de débat. C’est inadmissible ! L’assemblée joue un rôle dans le dispositif de bonne gouvernance. Une assemblée qui fonctionne normalement doit produire des missions d’informations en produisant des rapports qui peuvent même donner lieu à des poursuites judiciaires. Et cette assemblée là doit être exempte de tout reproche. Son budget doit être soumis à un contrôle strict et il faudra que la future assemblée, dès sa mise en place, puisse réformer son règlement intérieur et permettre à la Cour des comptes de venir regarder sa comptabilité. Déjà, la commission de comptabilité de l’assemblée ne fonctionne pas, les rapports qu’elle doit produire ne sont pas soumis à l’examen des députés. Même la commission des finances ne contrôle pas la comptabilité de l’assemblée nationale. Voilà ce qui se passe et c’est scandaleux ! Donc les audits doivent commencer par l’assemblée nationale avec les députés et continuer par les organes étatiques, tous les lieux de pouvoir et tous les lieux de manipulation des deniers publics pour une meilleure transparence dans la gouvernance et la gestion de notre pays.
 
Dites-nous, comment appréciez-vous les conseils des ministres décentralisés ?
Le conseil des ministres décentralisé avant et pendant la campagne électorale pose problème parce qu’il y’a un peu plus de trois mois, les sénégalais ont élu un président de la République et je voudrai dire qu’un budget est déjà voté pour l’année 2012. Et il faut attendre qu’on mette en place la nouvelle assemblée pour apporter une loi des finances rectificative s’il y’a des ressources supplémentaires à redistribuer ou des réaménagements dans le budget. Je parle de budget parce que dès l’entame du mandat, on nous a informé qu’il y’a un grave déficit de plus de 140 milliards et quand il y’a un déficit de ce genre alors que la demande sociale est importante, c'est-à-dire la baisse des denrées, la baisse du prix du carburant qui est toujours attendue d’ailleurs, je ne vois pas l’opportunité de déplacer plusieurs ministères, de créer de nouvelles dépenses qui en fait vont créer de nouvelles déclarations qui sont creuses puisqu’il n’y a pas encore de déclaration de politique générale a l’assemblée nationale. Il n’y a pas de débat sur le programme du nouveau gouvernement alors je ne vois pas l’opportunité d’aller dans une région pendant une campagne alors que des dizaines de candidats sont aujourd’hui sur le terrain pour demander aux sénégalais de les élire dans cette deuxième institution de la République qui est là pour contrôler l’action gouvernementale. Je pense qu’il faut se garder de telle pratique pendant la campagne électorale et comme je vous l’ai dit, nous sommes régit par le principe de la séparation des pouvoirs et quand un président de la République se déplace dans une région, c’est important pour les sénégalais que nous sommes. Et la fonction exécutive est différente de la fonction législative, alors il faut éviter de gêner ceux là même qui sont à la quête des suffrages des sénégalais pour exercer la fonction législative. Cela peut créer une confusion, or, une fois qu’on est élu président, on n’a pas le droit de battre campagne même si on appartient à une coalition. La Constitution ne donne pas le droit de mener une fonction autre que celle exécutive. Cela peut créer une véritable cacophonie et je ne vois pas l’intérêt puisque des déclarations ont été faites tendant à dire qu’on va injecter des milliards alors que le budget ne fonctionne pas comme cela. Le budget n’est pas cadré en fonction des régions, le budget est mis en œuvre en fonction des programmes dans le secteur comme le secteur agricole, l’élevage, la pêche, l’énergie avec l’électricité, les hydrocarbures, etc. Le programme est également cadré dans le temps, dans une séquence temporelle. Il y’a des programmes triennaux d’investissement, etc. Donc on ne peut pas diriger un pays et oublier tout cela, ce n’est pas en fonction d’une région qu’on budgétise. On budgétise en fonction d’un secteur d’activités et dans le secteur il y’a des programmes et dans les programmes il y’a des régions qu’on budgétise pour telle année, etc.
 
M. Macky Sall a été élu il y’a trois mois. Etes-vous satisfaite de ses premières actions ?
Trois mois c’est trop tôt pour le juger. Ce que je retiens de positif, c’est qu’il a respecté l’engagement visant à former un gouvernement de 25 membres, et c’est bien, nous l’encourageons. Il a déclaré et avait commencé à réduire le train de vie de l’Etat et nous, nous voulons que les mesures visant à réduire le train de vie de l’Etat puissent être accentuées. Nous ne voulons pas non plus qu’au niveau de l’administration, qu’on continue à perpétuer le même mode de fonctionnement, parfois les lignes budgétaires ne sont pas réellement mises en œuvre. Le carburant, certains séminaires, certains voyages, on en a besoin pour le renforcement des capacités mais il faut faire très attention. Il faut également une utilisation rationnelle des véhicules, c'est-à-dire, les véhicules de la Présidence, de la Primature s’ils s’ont en surnombre, il faut en prendre une bonne partie et les placer dans les services nationaux des eaux et forêts par exemple, de la douane, les ambulances, dans le secteur de la santé, on a besoin d’ambulance. Il y’a des départements ou il n’y a pas d’ambulances dans pas mal de districts et postes de santé pour transporter les femmes et pourtant, cela pourrait réduire la mortalité maternelle et infantile. Nous estimons que réduire le train de vie de l’Etat, c’est utiliser de manière rationnelle les ambassades. Il y’a parfois des ambassades dans certains pays qui ne nous rapportent rien en terme de coopération, il faudra donc revoir la redistribution de la carte diplomatique de façon à rationnaliser nos dépenses et à diminuer les personnels qui y sont et qui ne sont pas qualifiés. Nos moyens sont limités et nous ne pouvons pas tout faire en même temps, donc nous devons rationnaliser nos dépenses surtout avec la crise financière internationale dans laquelle nous sommes. Même l’Europe et les Etats-Unis sont dans des difficultés.

                                                                                                                                                                                                Astou Winnie BEYE
                                                                                                                                                                                        LE PAYS AU QUOTIDIEN
 

AB

Vendredi 29 Juin 2012 - 16:18





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