Il est important à cet instant précieux de vous rappeler certains faits d'armes de vos devanciers pour vous galvaniser. Il y a des personnes mieux placées que moi pour rappeler les exploits de nos Lions depuis l'indépendance, mais en tant que journaliste sportif, je suis témoin oculaire de plusieurs sorties de l'équipe nationale, aussi bien au Sénégal qu'à l'étranger, depuis plusieurs dizaines d'années.
Certes, on vous parlera encore longtemps des Lions de 2002. Ce qui est tout à fait normal dans la mesure où ils ont écrit les plus belles pages de l'histoire du football sénégalais, en disputant la finale de la CAN-2002 au Mali, qu'ils ont perdu face au Cameroun aux tirs au but (3-2). On se rappellera encore longtemps du Mondial-2002 co organisé par la Corée du Sud et le Japon. En match d'ouverture disputé le 31 mai, le Sénégal considéré comme un petit poucet, a réussi l'exploit de battre les Bleus grâce un but de Pape Bouba Diop. Ainsi, la bande à El Hadj Diouf qui est l'un des meilleurs footballeurs sénégalais de tous les temps (deux fois Ballon d'or africain), Tony Silva, actuel préparateur des gardiens, Aliou Cissé le capitaine et actuel sélectionneur des Lions, Lamine Diatta et Oumar Daf qui sont dans le staff, Fadiga, Henry Camara, Salif Diao, etc., qui ont atteint les quarts de finale, sont définitivement entrés dans la légende.
Il faut rappeler que cette victoire sur la France n'était pas la première. Lors des Jeux africains de 1963 organisés au stade Demba Diop, et remportés par le Sénégal face à la Tunisie, l'équipe du Sénégal composée de Domingo Mendy de la Jeanne d'Arc et capitaine de l'équipe qui a marqué le pénalty contre la Tunisie, le Saint-Louisien Cheikh Thioune, le prince de Thialy, Bouba Diakhao, Souleymane Diop, Mamadou Samassa, Yatma Diouck, Youssou Ndiaye, ancien ministre des Sports, meilleur buteur des Jeux de l'amitié, l'ancien ministre et président de la Fédération sénégalaise de football El Hadji Malick Sy "Souris", Demba Thioye, Abdoulaye Diop Pelé, entre autres, ont battu les Français en demi-finale.
C'est en 1965 que le Sénégal participa pour la première fois à une CAN. Cette année, notre équipe nationale composée de feu Amady Thiam, le gardien, Ama Diao, Petit Keita, feu Matar Niang, Oumar Guèye Samb, Louis Camara, Demba Thioye… fit match nul contre la Tunisie, pays organisateur avant de battre l'Ethiopie par 4 buts à 1. La Tunisie qui domina la même équipe par 3 à 0, "fit appel aux subtilités de l'algèbre" comme disait le grand reporter de Radio Sénégal, feu Alassane Ndiaye Allou, pour se qualifier en finale aux dépens de notre pays.
Lors de la Can suivante qui se joua à Asmara en 1968, le Sénégal fut battu par 2 buts à 1 le 16 janvier, par la République démocratique du Congo qui se qualifia en demi-finale à nos dépens.
Pendant 18 ans, le Sénégal n'a pas participé à une coupe d'Afrique. La traversée du désert prit fin le 1er septembre 1985, avec la victoire 3 à 0 ( 3 buts de feu Jules Bocandé qui jouait à Metz), sur le Zimbabwe de Maparutsa, Ephrem Djimbri, Ndlovu..., qui avait gagné à l'aller à Hararé par 1 but à 0. La bande à Roger Mendy, Thierno Youm, Oumar Guèye Sène, Cheikh Seck, Mamadou Keita, Moussa Diop Quénum, Joseph Koto, Racine Kâne, Mamadou Teuw, Pape Fall, Amadou Diop dit Boy bandit..., dirigés par Pape Diop, permit au Sénégal de retrouver la Coupe d'Afrique et de battre en match d'ouverture le 13 mars 1986, le pays organisateur, l'Egypte, grâce à un but de Thierno Youm qui marqua de la tête sur un centre de Boubacar Sarr Locotte, ancien sociétaire de l'Olympique de Marseille et du PSG.
Après une seconde victoire sur le Mozambique 2 à 0, le Sénégal qui avait besoin d'un match nul, perdit par 1 à 0 contre la Côte d'Ivoire du buteur Abdoulaye Traoré et Youssouf Fofana, sociétaire de l'AS Monaco à l'époque, ce qui est synonyme d'élimination.
Entre temps, le Sénégal a réussi un exploit en éliminant chez elle le Zaïre, actuel RDC, en match retour comptant pour les Jeux olympiques de 1976. C'était un jour de tabaski en 1975 que nos Lions ont battu les Léopards Kazadi, Ndaye, Lobilo, Ngoie qui étaient les seuls représentants de l'Afrique à la Coupe du monde en Allemagne un an auparavant. Léopold Diop, feu Christophe Sagna, Yamagor Seck et Badou Gaye avaient marqué leurs tirs au but, alors que Amady Diop dit Walo avait arrêté un tir zaïrois. On se rappellera toujours les envolées lyriques de l'un des meilleurs reporters sportifs de tous les temps, Abdoulaye Diaw qui disait : "La qualification du Sénégal est dans les pieds de Oumar Ndiaye Bosquier". Comme s'il l'avait entendu et sentant le poids de la responsabilité qu'il avait, l'arrière central goréen qui vit actuellement à Valence en France, n'a laissé aucune chance au grand gardien Mwamba Kazadi. Ce qui permit au Sénégal d'éliminer le Zaïre.
Après les CAN 1990, organisée par l'Algérie qui nous a éliminés en demi-finale, et 1992, organisée par notre pays, éliminé en quart de finale par 1 à 0 par le Cameroun de Joseph Antoine Bell, les frères André Kana et Oman Biyik, Emmanuel Kundé, Tataw, Cyrille Makanaki, Jean-Claude Pagal, le Sénégal s'est arrêté en demi-finale en 1994 face à la Zambie (1 à 0) et en quart de finale (2 à 1) face au Nigeria en 2000.
C'est donc un parcours mi-figue mi-raisin que notre pays a comme bilan depuis son adhésion à la CAF en 1961 et à la FIFA en 1963.
Vous êtes l'espoir de tout un continent après les premières sorties ratées de l'Egypte, du Maroc, de la Tunisie et du Nigeria, qui n'ont encore rien perdu.
C'est tout le Sénégal qui sera dans les gradins du Spartak stadium, à travers le président de la République qui est le premier des supporters et qui a fait le déplacement pour vous encourager, après avoir mis les moyens qu'il faut à votre disposition. Vous avez la chance d'être accompagnés par un chef d'Etat dans une compétition internationale de haut niveau. C'est une chance, mais aussi un sacerdoce et une responsabilité.
Mais que cela ne soit pas un fardeau pour vous. Vous avez l'habitude de la haute compétition en tant que professionnels. Certes c'est la Coupe du monde, mais c'est un match comme tous les autres.
Méditez cette phrase de Pelé, le plus grand footballeur de tous les temps : "Celui qui pense que la victoire ne compte pas, ne gagnera jamais rien."
Bonne chance
Samba Mangane, Journaliste