Metzo Djatah a fait sa mue. Dans cette interview qu’il nous a accordée, l’artiste s’étend sur les raisons de son « silence » musical. Metzo annonce d’ailleurs la sortie prochaine d’un nouvel et troisième album international. Avec lui, on n’a pas manqué d’évoquer et de « positiver » l’incident, il y a de cela deux ans, qui lui a coûté un bref séjour carcéral.
Metzo, pourquoi ce long silence musical de votre part ?
Non, il n’y a pas de silence dans la mesure où mes œuvres musicales sont écoutées. C’est vrai que je n’ai pas fait de production depuis 2009. La dernière sortie, c’est « Roots Acoustikeur ». Je pense que l’artiste a besoin de se régénérer, donc d’avoir de nouvelles sources d’inspiration et aussi de nouvelles sources de motivation. Je pense que tout le Sénégal est au courant que j’ai produit la série de télévision « Dina Ma Nekh ». C’était une incursion dans le monde audiovisuel qui est aussi parfois artistique. La plupart des artistes de cette série ont fait du théâtre. J’ai toujours considéré qu’avant d’être musicien, je suis d’abord un artiste. Je pense, pour cela, disposer de plusieurs cordes à mon arc. J’en ai utilisé une nouvelle, juste pour quelques temps. La musique demeure ma passion d’origine. Cette période de pause m’a permis, tout en faisant autre chose, de confectionner un album qui est presque fini. L’album sera d’un autre univers. J’aime ouvrir de nouveaux univers quand je fais des albums. J’ai fait l’album « Diembering », puis l’album « Roots Acoustikeur » ; il y a le troisième album international de Metzo qui arrive et cela nécessite du temps. Il faut savoir qu’entre mes deux premiers albums, dix ans se sont écoulés. Je suis un artiste qui fonctionne à son propre rythme. Et là, je suis à la fin du travail de création de mon nouvel album. Je vais bientôt proposer l’album sur le marché.
Quand exactement cet album sera-t-il disponible ?
Je ne me pose pas de pression en termes de date. Je pars du principe que ce qui est important, c’est la finalité du produit. C’est le produit qui me dicte sa loi. Je ne dicte pas ma loi à ma musique. Cette musique a besoin de se faire, de se concocter, de murir. Et quand le fruit sera vraiment mûr, il tombera de l’arbre tout seul. Le moment venu, vous serez au courant.
Vous évoquez tantôt votre série télévisuelle « Dina Ma Nekh ». Comment son idée vous est-t-elle venue ?
C’est un élan artistique. C’est à dire qu’à la base, j’ai eu à côtoyer ce milieu, à découvrir la passion qui l’animait. Ce qui m’a tout de suite touché parce que je suis un artiste. A partir de là, je me suis dit qu’il y a quelque chose à faire avec tout cet élan de générosité que j’ai vu dans ces artistes comédiens. Je parle de la troupe des Maïmouna, Daro, tous ces gens-là qui étaient à l’Arcots de Dakar. J’ai eu à les voir à travers deux ou trois spectacles. J’ai vu un dynamisme, une générosité extraordinaire en eux. Ce qui m’a touché. Comme tout artiste et créateur, cela a déclenché en moi un élan créateur. C’est comme ça que la série « Dina Ma Nekh » est née. Je pense que c’est une osmose entre ces différents artistes.
Pourquoi voit-on de moins en moins Metzo Diatta se produire en concert ou en live ?
Quand je suis en studio et que je crée, je ne joue pas. Cela, n’est pas nouveau chez Metzo. Je pars du principe que même la terre a besoin de jachère. Nous ne sommes pas des machines. Ce que nous faisons, c’est un élan du cœur. Pour moi, la musique, ce n’est pas de l’usine. Ce n’est pas quelque chose que je fais parce que je dois le faire. Non, c’est un élan artistique, un élan du cœur. J’ai à chaque fois besoin d’arrêter, pour pouvoir créer, travailler et trouver une nouvelle source d’inspiration. L’objectif est de faire un produit qui soit à la hauteur de l’amour que je veux donner à l’art. J’ai eu à le faire avec la série « Dina Ma Nekh » qui est dans un autre domaine. J’y ai consacré du temps, ne serait-ce que par rapport à cet élan créateur. Je ne pouvais pas allier cette création qui était nouvelle. Je ne peux allier en même temps ces artistes comédiens qu’il fallait mener à bon port et une activité artistique qui est mienne. Je pense qu’il faut parfois savoir s’oublier au profit des autres. L’art, c’est le donner et le recevoir. C’est à cause de cela que j’ai consacré mon temps musical au studio et mon temps extra à la série « Dina Ma Nekh », pour le bonheur des téléspectateurs sénégalais.
Qu’en est-il de vos activités musicales au niveau international ?
Pour ce qui est de l’international, il y a des sollicitations. J’ai été en Inde, il y a quelques mois. Je reviens des Etats-Unis et du Canada. Je pense que c’est aussi un élan artistique. Il y a des artistes que j’ai eu à croiser sur mon chemin qui ont été sensibles à ma musique, à mon art et qui me sollicitent. Quand ces gens-là me sollicitent dans ce que nous avons de commun, je suis obligé d’aller répondre à l’appel. C’est pour cela que j’ai eu quelques intermèdes. Les enregistrements de la série « Dina Ma Nekh » ont été souvent suspendus, ainsi que la confection de l’album.
Les sensibilités musicales évoluent entre temps, prenez-vous cela en compte dans votre prochain album ?
Effectivement, la musique c’est un partage. Il n’y a pas d’exclusivité en termes de musique. Je pense qu’il n’y a pas une musique propre à une discothèque. Le monde artistique se nourrit de ces mouvements, de ces nouvelles têtes d’artistes qui sont sorties. Ces artistes qui sortent de l’anonymat ont, pour la plupart d’entre eux, travaillé avec nous. Pour certains, nous avons même participé à leur émergence. C’est notre rôle. Il consiste aujourd’hui à créer et accompagner cette nouvelle génération. Je prends beaucoup en compte cette nouvelle donne, notamment en ce qui concerne la musique acoustique. Il y a un foisonnement qui est pas mal, malgré une petite léthargie due à la dislocation du socle de base, ça veut dire les aînés comme nous qui sont en train de faire autre chose. Dans l’absolu, je pense qu’il se passe des choses très bonnes dans la musique sénégalaise. Nous, on s’en réjouit. Mais cela n’empêche pas, quand on revient, que les jeunes sauront que les vieux loups sont de retour (Rire)…
Vous n’excluez donc pas des collaborations musicales avec cette jeune génération d’artistes montants ?
Oui, pourquoi pas ! Tiens, je vais vous donner des exemples. Pape Birahim Ndiaye a beaucoup chanté dans mon album « Roots ». Maréma Fall également, c’était ma choriste lorsque j’effectuais une tournée en Hollande en 2010. Je peux en citer d’autres. C’est juste une façon de vous dire, c’est ce que nous devons faire pour la jeune génération. Faire des collaborations ; oui pourquoi pas refaire des featurings ? Si, bien sûr, c’est dans la logique et dans l’esprit du moment. Je n’ai aucun problème pour cela, simplement il faut que les gens comprennent que la musique ce n’est pas une compétition. C’est une complémentarité. Ce que nous avons pu réaliser, il a fallu que nos aînés ouvrent le chemin d’abord. Je n’aurais pas pu faire ce que j’ai fait si Ismaël Lô n’avait pas existé, Cheikh Lô, Youssou Ndour... Ces gens-là nous ont inspiré comme nous avons inspiré les nouvelles générations. Quand on écoute la musique de la nouvelle génération, on s’entend dedans et cela nous fait plaisir.
Comment Metzo est-il venu dans la musique ?
A la base, je suis un jeune qui a grandi au Plateau de Dakar. Dans mon environnement, il y avait des musiciens. La musique était devenue notre passion commune, mes amis et moi. J’ai eu mon Bac ici et je suis allé en France poursuivre mes études universitaires. Pour parfaire ma passion, je me suis en même temps inscrit dans de petites écoles de musique, en parallèle à l’université. A la fin de mes études universitaires, il y a avait un dilemme, soit vivre de ma formation universitaire, soit vivre de ma passion. J’ai choisi la plus dangereuse (sourire). C’est comme ça que ma carrière musicale a débuté en 1997. C’est ce que je raconte dans « Roots » quand je dis « larguer les amarres. Filer de gare en gare, temple du savoir, j’ai filé vers mon art, emploi sécurisé, contrat indéterminé, déterminé, j’ai choisi la liberté, "Roots" je veux rester Roots… ». C’est comme ça que je suis arrivé à la musique par passion. Il n’y a pas de musiciens dans ma famille. Je suis issu d’une famille d’intellectuels, d’universitaires. J’ai suivi la voie universitaire, jusqu’au bout et j’ai ensuite dévié vers ma passion. Dans ma musique, on sent un peu cette influence, qui provient de mes études.
En tant qu’originaire de la Casamance, vous sentez-vous suffisamment impliqué dans la recherche de la paix dans cette partie sud du pays ?
Je suis « Casaçais », terrien, fils de cultivateur. Je suis un Diola pur sang. Dans mon village natal Diémbéring, je me sens bien. C’est pour cela que j’ai eu à chanter ce village. Mon père nous a enseigné que la Casamance était tout pour nous. Cette appartenance se sent dans la musique de Metzo Diatta. On entend la Casamance dans ma musique. Je pense que les « Casaçais » me le rendent bien aussi. J’ai eu à participer à pas mal d’activités culturelles organisées en Casamance. Au Fesman en 2010, j’ai fait l’ouverture devant 50.000 personnes à Ziguinchor. Le festival de Diémbéring, on a eu à le faire en trois éditions. La Casamance me rend bien cet amour que je lui voue. Dans l’album qui va arriver, la Casamance à une grande part.
Avec vos voyages, comment jugez-vous très objectivement le marché musical sénégalais ?
Il n’y a pas de marché musical au Sénégal ! Il est inexistant. La musique sénégalaise est en crise. Malgré le fait qu’il y a le Mbalax qui est la musique populaire, commerciale du moment qui arrive à tirer un peu son épingle du jeu. Mais quand on regarde de manière objective les conditions de sortie d’albums, de créations et de distribution, je veux dire le showbiz sénégalais est inexistant. Ce sont les artistes eux-mêmes qui ont une double voire triple casquette. Ce sont ces artistes-là qui maintiennent cette culture vivante. Il y a une absence de politique culturelle, et je pense qu’il faut trouver des solutions à cela, pour que la musique sénégalaise puisse rayonner. Elle a besoin d’avoir les mêmes conditions d’évolutions que les autres. Pour que nous puissions être performants, il faut une politique structurelle qui va dans ce sens. Le seul domaine où on est en termes de talent avec les puissances du monde, c’est le domaine artistique. Maintenant, c’est l’organisation et la vulgarisation qui posent problème.
Il y a deux ans, un incident avec un policier vous a valu un bref séjour carcéral. Avez-vous tiré des leçons de cette malheureuse expérience ?
(Long sourire). C’est un électrochoc, il y a un avant et un après. Les gens qui me voient aujourd’hui ne serait-ce que physiquement ou esthétiquement (sans ses longs rastas d’alors - Ndlr) se rendent bien compte que le Metzo d’avant est différent de celui d’aujourd’hui. C’est aussi dans l’esprit, dans les convictions, dans le domaine purement spirituel. L’expérience a été très enrichissante à 200%. Je pense que dans l’évolution d’un homme, il est important d’avoir des étapes et c’était une étape cruciale pour moi d’apprentissage de la vie, de moi-même et d’ouverture. On ne se retrouve pas en prison tous les jours, dans des conditions similaires. En définitive, l’expérience a été positive pour moi. Je n’en garde aucune rancune, aucun mauvais souvenir de cet incident. Je l’ai vécu, de bout en bout, de manière positive.
Entretien réalisé par Omar DIOUF et Oumar BA