Au centième jour du quinquennat de Macky Sall, Nouakchott avait exigé du numéro 1 Sénégalais qui l'hébergeait à domicile, l'extradition de Moustapha Limam Chaafi, une prétention diplomatique qui avait passablement tendu les rapports entre le Sénégal et la Mauritanie et entraîné un refus de recevoir Me Alioune Badara Cissé, à l'époque, missus dominicus du chef de l'Etat sénégalais. Monsieur Chaafi, ce petit bout d'homme, était en réalité bien plus qu'un hôte ordinaire de passage à Dakar.
La France est la nation occidentale la plus affectée par l'industrie du chantage djihadiste avance le dossier de l'Express. Plusieurs tentatives militaires de libération ont échoué, au Mali et ailleurs en Afrique. Négocier en coulisses le versement des rançons ? Officiellement, Paris s'y refuse. Mais dans l'ombre des intermédiaires s'activent. En exclusivité pour l'Express, l'un d'eux Moustapha Limam Chaafi (Mlc) est dévoilé. Il a pratiqué l'émir d'Aqmi Abdelhamid Abou Zeid et son rival Mokhtar Benmokhtar. Deux stratèges terroristes que l'armée tchadienne affirme avoir tués.
Conseiller spécial du Président burkinabé, Blaise Compaoré Mlc a mené diverses négociations depuis 2008, pour libérer les captifs occidentaux. S'il admet être "sollicite" côté français, Chaafi n'a jamais traité en direct avec l'Elysée. Tout passe selon lui par le président burkinabé, son chef d'Etat major particulier [ Nrdl Gilbert Diendéré] et son appareil de renseignement. "Chacun son rôle, nuance, un ambassadeur de la région. Je ne le vois pas moi-même, mais nos services s'en chargent ; et on le suit de très près". "A mon sens, renchérit un autre diplomate, nous gagnerons à recourir davantage à son expertise". Ce jeune quinquagénaire passe pour l'émissaire le plus influent d'Afrique. Notamment dans le maquis piégé des preneurs d'otages sahéliens, résume l'hebdomadaire français.
"Chaafi souligne, Djibril Bassolé le ministre burkinabé des Affaires étrangères a un sens inné des relations humaines. Il se sent à l'aise dans tous les milieux, inspire confiance et peut se montrer tout de suite très utile. D'autant plus que son statut officieux lui confère une marge de manoeuvre peu commune". Polyglotte, - il parle huit langues, dont l'arabe, le tamacheq et le haoussa, pratiqué notamment dans le nord du Nigeria.
Il agit toujours en service commandé au-delà de l'aire sahélienne. En 1997 il débarque à Kinshasa dans l'avion de Laurent-Désiré Kabila, tombeur du maréchal Mobutu. Huit ans plus tard, le voilà à Lomé (Togo), théâtre d'une succession chaotique, s'évertuant à nouer le dialogue entre les porte-flingue deFaure Gnassimbé, fils du défunt satrape, et leurs adversaires. En décembre 2009, lorsque le chef de la junte guinéenne, Moussa Dadis Camara, est grièvement blessé à la tête par son aide de camp, Chaafi orchestre son évacuation sanitaire vers Rabat (Maroc), puis son installation au Burkina. Le Président du Niger, Mahmadou Issoufou l'a lui aussi gratifié, voilà, un an de la dignité de Conseiller spécial. "De quoi huiler un peu les rouages entres Niamey et Ouaga qui divergent souvent sur la crise malienne", commente un initié. Si de l'aveu d'un intime du chef de l'Etat ivoirien, Alassane Ouattara, "il nous rend aussi beaucoup de services", Chaafi cultive avant tout entre Abidjan et Yamoussokro la vieille complicité qui le lie à l'ex-rebelle nordiste et ancien Premier ministre Guillaume Soro.
Bien sûr, note l'Express, la vigueur des réquisitoires de l'exilé mauritanien à l'encontre du régime de Nouakchott, qui l'accuse de fournir "un appui financier et logistique à des groupes terroriste" parasite l'échiquier régional. Depuis lors, Chaafi a installé son épouse et leurs quatre enfants au Maroc : il ne les sentait plus en sécurité à Ouaga. "Quand on traite avec de tels clients, admet-il, le maillon faible c'est la famille". Ce n'est pas pour rien qu'en juillet dernier Macky Sall avait tenu à l'héberger en famille pour dissuader le Général Abdel Aziz. Rien de plus sacré que la famille !