Nouveau Code pétrolier vs Acte III de la décentralisation : Vers un besoin de mise en Cohérence.


Retard ou vol annulé, Quel avenir pour la décentralisation ?   L’incohérence et l’inefficience des mécanismes de financement du développement local, tels que prévus dans l’acte III de la décentralisation,  accentuées par l’insuffisance des moyens ont fini de prendre le dessus sur l’enthousiasme des Sénégalais. Le contexte et la faiblesse des politiques et stratégies de développement appliquées jusque-là, appellent en nous une réflexion détachée de toute passion car  il est devenu plus que nécessaire d’initier des alternatives susceptibles de corriger les déficiences et de réaliser des progrès significatifs à l’échelle nationale et un développement local harmonieux et durable pour enfin rejoindre la vision  du Président de la République.  . 

  

Dans le communiqué du conseil des ministres en date du jeudi 17 janvier 2013, il avait été  fait mention de la nécessité « d’asseoir une véritable politique de développement et de mise en valeur des potentialités des territoires, à l’horizon 2022 et élaborer une Loi d’Orientation pour le Développement durable des Territoires (LODT)  en vue d’améliorer les mécanismes de financement du développement territorial et de la gouvernance budgétaire pour un véritable développement économique et social de nos territoires. » A l’image d’un cœur très jeune en perte de rythme, la réforme sur la décentralisation intégrale a besoin d’être irriguée d’un sang neuf et c’est en cela que les potentialités et vocations des territoires sont des opportunités d’élaboration et de mise en œuvre des projets de territoires.    Arrêtons-nous un moment sur le cas d’une ville comme Rufisque qui subitement s’est réveillée, par la magie de l’intelligence économique et la vision stratégique du Chef de l’Etat,  au cœur d’un écosystème économique renouvelé et offrant pleins d’opportunités.    D’abord le  Port Minéralier de Bargny , un projet initié par l’Etat du Sénégal pour prendre en charge l’important trafic de produits miniers et pétroliers existants mais aussi l’augmentation de l’exploitation des produits minéraliers, l’exploitation de futures mines du Sénégal oriental et des phosphates de Matam. La mise à disposition de zones de stockage à forte capacité sur place associée à la possibilité d’amarrage de plus gros navires participera à résorber le fort taux de chômage dans le département de Rufisque, sans compter l’impact  au plan  des redevances locales. 

  

Par ailleurs, la République du Sénégal et Total ont signé en mai 2017 deux accords permettant à Total de contribuer à dynamiser l'exploration pétrolière en mer profonde et très profonde au large des côtes du pays. TOTAL E&P Sénégal (TEPSN) est le promoteur du projet et opère le bloc Rufisque Offshore Profond (ROP) à 90% en partenariat avec PETROSEN (Société des pétroles du Sénégal), l'opérateur national détenant les 10% restants. Il s’agit  en termes simples d’un contrat de recherche et de partage de production d'hydrocarbures sur le bloc Rufisque Offshore Profond, d'une superficie de 10 357 km. L’Exploitation du bloc pétrolier et gazier Rufisque (Sangomar offshore) doit inévitablement répondre aux équations empiriques qui se posent à nos municipalités en termes de souveraineté économique, ainsi  de nouvelles activités viendront enrichir le tissu industriel du département et grossir l’assiette fiscale. 

  

Le détail du cadre applicable au secteur amont ressort de la loi n° 2019-03 du 01 Fév. 2019 portant code pétrolier. Ledit code fixe les conditions d’exploration, de développement et de production d’hydrocarbure au Sénégal, il évoque dans son exposé des motifs, des innovations majeures en ce qui concerne la prise en compte de la loi sur la répartition des revenus issus de l’exploitation des hydrocarbures. Pour ma part cette disposition profiterait mieux à la politique de développement des territoires en incluant effectivement une discrimination positive au niveau des localités abritant les installations aussi bien en Onshore qu’en Offshore.  Parallèlement le  secteur aval régenté par la loi  n°98-31 du 14 avril 1998 relative aux activités d’importation, de raffinage, de stockage, de transport et de distribution des hydrocarbures et ses décrets d’application devraient inévitablement être 

recontextualisés  et par la même occasion mis en cohérence avec la politique de décentralisation intégrale. Définissant le système fiscal comme un système qui renvoie aux différentes règles qui régissent la participation des particuliers à l’organisation financière de l’état, des collectivités locales et à l’expression de leurs politiques économiques et sociales. Il devient dès lors un impératif d’associer les Collectivités locales  aux opérations des différentes phases de la chaîne fiscale : maîtrise et fiabilité de l’assiette, recouvrement, contentieux etc. La détermination du régime fiscal applicable nécessite réflexion, plus particulièrement en ce qui concerne les objectifs poursuivis par le régime politique en relation avec les collectivités locales qui sont naturellement mieux au fait des spécificités et des aspirations du territoire. Dans le contexte actuel ou l’état central veut promouvoir de nouveaux pôles économiques, notre régime fiscal  doit mettre au centre de ses préoccupations le développement des collectivités locales et être capable de s’adapter à l’évolution des conditions  d’existences de collectivités locales sur une longue période, afin de maintenir un niveau de vie confortable des  populations. 

  

L'un des enjeux fondamentaux de l'élaboration d'un régime fiscal pétrolier est de parvenir à la détermination de la part "équitable" de la rente pétrolière que l'État devrait pouvoir légitimement capturer. Il devient facile à accepter que dans un Contrat de Partage de Production CPP puisse que c’est de cela dont il est plus question dans notre pays, que les localités qui accueillent les installations d’exploitation pétrolière puissent recevoir la part qui leur revient légitimement.  A l’instar du code pétrolier nigérien tel que modifié en 2013, il pourrait être prévu que l’Etat rétrocède 15% des recettes pétrolières et minières (y compris la redevance superficiaire) aux collectivités territoriales qui accueillent des industries extractives. L’idée étant que cette rétrocession bénéficie directement à des projets locaux avec un impact direct pour les populations et communautés concernées par les opérations pétrolières. Au Sénégal, nous n’en sommes pas encore là, puisse que le code pétrolier de 1998 était resté muet sur cette question. Toute fois nos collectivités locales et même l’état central gagneraient beaucoup à ce que le nouveau code pétrolier (loi n° 2019-03 du 01 Fév. 2019) puisse légiférer plus tard sur cette question en ce qui s’agit des modalités d’application. Le contexte actuel de décentralisation s’y prête en son Article 22 (Section 3) qui stipule  « Dans les zones du domaine public maritime et du domaine public fluvial, dotées de plans spéciaux d'aménagement approuvés par l'Etat, les compétences de gestion sont déléguées par ce dernier aux régions, communes et communautés rurales concernées respectivement pour les périmètres qui leur sont dévolue  dans lesdits plans.  
Les redevances y afférentes sont versées aux collectivités locales concernées. Les actes de gestion qu'elles prennent sont soumis à l'approbation du représentant de l'Etat et communiqués, après cette formalité, au conseil régional pour information. » 

  

Enfin s’agissant des risques liés à l’environnement, Il existe des dispositions éparses et vagues dans le Code Pétrolier en matière d’environnement notamment en ce qui concerne : l’étude d’impact sur l’environnement requise en cas d’exploitation d’hydrocarbures et la conduite des opérations pétrolières, qui  dans une localité de pêche comme Rufisque doit être réalisée de manière à assurer la conservation des ressources nationales et à protéger l’environnement. L’Etat pourrait également considérer l’opportunité de mettre en place un fond spécial de compensation des risques inhérents au secteur d’activité des populations, en ce qui concerne les pêcheurs de Rufisque il leur faudra faire face au risque de migration  des espèces halieutiques, l’accroissement du coefficient de pénibilité de leur activité   et dans une moindre mesure leur lieu de travail pourrait disparaitre un jour  des suites d’une  marée noire dévastatrice.  

                                                                                                        Abdou Lahad DIAKHATE 

                                                                                                        Auditeur  en Management des Energies et Ressources Pétrolières.


Mardi 30 Avril 2019 07:45

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