Je peux dire, d’emblée, que le dessein du président Sall est de construire méthodiquement et sereinement un Sénégal où chaque citoyen bénéficie d’un Minimum social obligatoire (Miso) pour vivre décemment et dignement. Le parti-pris pour le bien-être des Sénégalais est manifeste dans cette vision du Sénégal à l’horizon des dix prochaines années. Plus, le bien-être de chaque Sénégalais est au cœur du projet « Yoonu Yokkute » qui postule sans ambages la finalité humaine du développement.
La source de cette vision, ce ne sont pas les modes conceptuelles en vogue. La source, c’est le vécu quotidien des Sénégalais des villes et des campagnes, jeunes, femmes, personnes du troisième âge, ouvriers, paysans, intellectuels, cadres des secteurs privé et public, opérateurs économiques, investisseurs étrangers et partenaires au développement, sans emploi, émigrés, entre autres. En effet, le président Sall a cumulé, entre 2009 et 2011, plus de soixante mille kilomètres au plus profond du pays et noué un contact permanent avec la diaspora. Il a rencontré environ trois millions de personnes directement à travers assemblées villageoises et de quartier, petites réunions, meetings, visites de proximité, audiences personnalisées. Il a recueilli les attentes des Sénégalais dans des centaines de fiches et capitalisé son expérience de gestion des affaires publiques. C’est sur la base de cette activité soutenue qu’il a établi fermement une telle perspective pour le Sénégal.
Sur ce chemin difficile, mais à l’horizon prometteur, le chef de l’Etat s’appuie sur trois leviers qui sont de nouveaux paradigmes : un nouvel ordre de priorités (1), la primauté de la patrie sur le parti (2) et une nouvelle gouvernance sobre, vertueuse et efficace (3). La réponse à la question « Où va Macky Sall » s’éclaire ainsi d’une réponse à trois temps corrélatifs et solidaires que je propose de déplier en partant de l’expérience que nous vivons depuis quatre mois que Sall est au pouvoir.
Premier levier : du Nouvel ordre de priorités (Nop)
Le Nouvel ordre de priorités a été formulé par le président Sall au contact de toutes les couches de la population comme souligné ci-dessus. La santé, l’eau potable, les infrastructures routières à l’intérieur du pays, l’éducation, l’emploi et l’alimentation saine constituent, entre autres, des préoccupations fixes des Sénégalais. C’est à la lumière de ce levier de pensée et d’action qu’il faut lire les mesures volontaristes dès les premiers jours de la nouvelle alternance politique : accès à la santé pour tous (couverture maladie universelle dont les bases seront créées dès 2013), baisse des prix des denrées de première nécessité (option permanente), annonce de la baisse de la fiscalité sur les salaires (janvier 2013), hausse des pensions de retraite, appui au monde rural (semences, engrais, vivres de soudure, aliments de bétail), soutien aux familles démunies (bourse familiale à 250 000 ménages environ), reprise en main du processus de paix en Casamance avec une nouvelle approche, désengorgement des universités, pôles régionaux de formation professionnelle, etc.
La finalité humaine constitue le cœur de la stratégie de développement véritable proposée par Sall.
Il sied, pour réaliser ces objectifs, que l’économie sénégalaise soit à la fois ouverte (pour accueillir bénéfiquement les mutations et s’ajuster en permanence à la modernité), dynamique (pour prétendre à la compétitivité) et durable (pour veiller sur les intérêts des générations d’aujourd’hui et de demain). Sa croissance doit être soutenue grâce à la maîtrise de plusieurs facteurs en matière de développement (formation, énergie, eau, population, terroirs, etc.), à la mutation agricole (mécanisation, appui aux producteurs, recherche agricole finalisée…) et au développement des services et de l’industrie.
Aussi, le ministère de l’Economie et des Finances doit retrouver ses « deux jambes » qui doivent supporter la marche de notre pays vers la prospérité : les finances et l’économie. En d’autres termes, autant il est essentiel de veiller aux équilibres financiers, autant il est impératif d’assumer la dimension économique de la manière la plus soutenue, notamment en tenant fermement le cap des investissements dans les secteurs prioritaires et de la stimulation de la croissance.
L’enjeu du Nop proposé par le président Sall est de réhabiliter le citoyen dans la définition et le choix raisonné des priorités. Pendant longtemps, les Organisations non gouvernementales, et la société civile, en général, ont insisté sur la nécessaire participation citoyenne dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques. C’est un moyen pour réduire l’écart entre la vision stratégique de l’Etat et les urgences de la demande citoyenne. Il s’agit, en somme, de donner de nouveaux contours à l’action publique qui épouse les attentes, les aspirations et les inspirations de celles et ceux qui, en dernière analyse, constituent le centre de gravité de toute stratégie de développement véritable : les citoyens dans la diversité de leurs intérêts et de leurs rêves les plus intimes.
Voilà pourquoi le président Sall prône la territorialisation des politiques publiques, approche qui renvoie à l’exigence de partir des besoins réellement exprimés par les terroirs à la base pour formuler des offres pertinentes de services publics. L’approche réconcilie l’Etat central (forcément général et impersonnel) et les collectivités locales (forcément plurielles et spécifiques). Elle défait la centralité de la capitale qui, depuis l’indépendance, a été le quasi unique réceptacle de tous les progrès économiques et sociaux du pays. La territorialisation des politiques publiques est une nouvelle stratégie de redistribution des ressources, des rôles et responsabilités des différents acteurs. Elle intègre donc et illustre à souhait le Nouvel ordre de priorités qui rompt avec les pratiques népotiques, le parti-pris arbitraire et les intérêts claniques. D’où, en parfaite cohérence, le second principe de la primauté de la patrie sur le (s) parti (s).
Deuxième levier : de la primauté de la patrie sur le(s) parti (s)
Assumer un Nouvel ordre de priorités, c’est assumer le souci du pays dont les intérêts priment sur les logiques partisanes. C’est articuler l’action politique autour de l’essentiel, et l’essentiel, c’est le devenir de la communauté dans son ensemble et non un destin individuel. Le 25 mars est, entre autres, une critique radicale de la politique centrée sur les intérêts de clan. C’est ainsi que s’éclaire l’option du président Sall pour une vaste coalition des forces vives de la nation dont Benno Bokk Yaakaar est, aujourd’hui, une expression admirable. Ce rassemblement politique n’est pas un choix de circonstance. Il résulte d’une conviction forte que la politique implique une très bonne part de partage ou, alors, elle est vouée aux jeux et enjeux entre acteurs uniquement mus par leurs intérêts particuliers.
Le Sénégal est, en effet, un pays en construction, confronté à des défis primaires : minimum social pour chaque citoyen, infrastructures de base, soins de santé, eau potable, déficit alimentaire, faible niveau d’industrialisation, gap scolaire, très lente évolution de l’agriculture vers la modernité… Sur une période plus ou moins longue, le pays devra faire face à ces gaps qui ont une forte dose d’historicité car étant historiquement datés. Jamais on n’entendra des candidats, dans une élection aux Etats-Unis, en Allemagne, au Japon, en France ou en Belgique, aborder ce genre de questions sinon sous l’angle de la qualité. Dans tous ces pays, ces questions ont historiquement trouvé des solutions.
Ainsi, il est impératif de réaliser des consensus forts sur la base de convergences minimales assumées autour desquelles l'ensemble des Sénégalais se retrouvent. Cette approche va au-delà des forces politiques. Elle interpelle également les forces sociales et la société civile. Dans cette perspective, la politique ne peut plus être considérée uniquement comme la confrontation permanente ente majorité et minorité. Elle requiert, dans certaines circonstances, une concentration maximale sur des objectifs communs, des objectifs qui transcendent les clivages et surplombent les différences.
Il est donc impératif de tenir ferme sur la logique Benno Bokk Yaakaar, de ne pas céder à la tentation sectaire, de consolider l’alliance stratégique, de s’ouvrir à tous les souffles féconds, y compris aux bastions démocratiques de l’ancien parti au pouvoir qui ont participé à l’événement crucial du 25 mars 2012. Le président Sall construit ainsi les bases d’une action collective cohérente et riche de la diversité de ses acteurs qui doivent apprendre à travailler ensemble, à identifier ensemble les convergences minimales et à bâtir ensemble les consensus nécessaires à la paix et la stabilité du pays engagé dans la voie du développement véritable. Une telle option n’altère en rien l’autorité du président de la République. Elu confortablement par 65.8 % des Sénégalais, il a une légitimité incontestable et une base populaire solide pour exercer toutes ses prérogatives constitutionnelles, décider et impulser les réformes indispensables. Il reste ainsi le centre ultime de décision dont l’éthique est soutenue par un projet de gouvernance sobre, vertueuse et efficace.
Troisième levier : de la gouvernance sobre, vertueuse et efficace
La rationalisation des structures de l’Etat par la suppression d’une soixantaine d’agences et de directions sous fond de mise en cohérence, la synergie des corps de contrôle de l’Etat, la réactivation de la Cour de répression de l’enrichissement illicite et plusieurs mécanismes prévus dans la prévention et la lutte contre la corruption inscrivent l’Etat dans une nouvelle trajectoire faite de sobriété, de vertu et d’efficacité. La nouvelle gouvernance vise aussi, opportunément, à faire émerger un appareil administratif performant et efficace, soucieux de la qualité des services offerts aux usagers et apte à se hisser à la hauteur des appareils productifs pour le développement. Une telle manière de considérer la gouvernance est inséparable de l’impératif de porter la démocratie au plus haut des normes standard qui consacrent pleinement les libertés collectives et individuelles, l’ancrage d’institutions fortes, la participation active des citoyens à la vie de leur pays. Il est évident que la qualité de la gouvernance, dont la règle d’or est la transparence, induit des performances certaines dans la mise en œuvre des stratégies de développement. Elle rassure, en effet, les investisseurs nationaux comme étrangers, les partenaires au développement et les milieux financiers.
Dans cette perspective, l’Etat devient à la fois un régulateur, un stimulateur, un garant de l’équité et de l’égalité de tous devant la loi, un gardien vigilant du bien commun, un agent distributeur de justice, soucieux de la gestion rigoureuse des ressources publiques et sobre dans son fonctionnement. C’est le contraire même de l’Etat dispendieux, interventionniste à souhait, dominé par les logiques partisanes et incapable de prendre de la hauteur pour incarner l’intérêt général, l’unité de la nation et la cohésion de la société.
Pour conclure
Un Nouvel ordre de priorités, la primauté de la patrie sur le parti et le projet de nouvelle gouvernance : tel est le tracé de pensée et d’action du président Sall. Adossé à ces trois leviers, le Sénégal peut renforcer la reconnaissance internationale dont il bénéficie et, par conséquent, la légitimité de sa voix partout où se décide le devenir du monde. En somme, le Sénégal affirme davantage sa posture d’allié stratégique et de partenaire crédible dans la construction d’un espace sous-régional et international de paix et de sécurité.
* Conseiller spécial du président de la République
Par El Hadj Hamidou KASSE