L’Afrique subsaharienne, à l’instar du monde, n’est pas épargnée par la pandémie du coronavirus qui, partie de la Chine en décembre 2019, a fini par affecter tous les pays de la planète. Les premières mesures prises par les autorités des différents pays du continent pour endiguer sa propagation furent de confiner les populations et, par conséquent d’arrêter les activités productives.
Afin d’éviter un effondrement des économies, déjà vulnérables, la plupart des pays ont opté 4 mois plus tard pour une reprise progressive des activités économiques. A l’évidence, il s’agit de trouver un équilibre entre d’une part, un desserrement des mesures sanitaires d’urgence, accompagné du respect des gestes barrières et d’autre part, une relance graduelle de l’économie. En effet, d’après les évaluations de la CEA (Commission Economique pour l’Afrique), la COVID-19 va entraîner une baisse des recettes d’exportation en Afrique d’environ 200 milliards de dollars, avec une baisse de la croissance économique de 3,2% à environ moins de 2%. En plus, la baisse des prix des matières premières entraînera des pressions budgétaires pour la plupart des économies africaines.
Dans ce contexte, l’élaboration de politiques efficaces pour endiguer la COVID-19 et annihiler ses effets économiques, tout en préservant la stabilité macroéconomique, nécessite une intervention des partenaires au développement pour fournir non seulement des liquidités mais aussi un allégement des obligations à l’égard de la dette des économies africaines. En 2018 par exemple, l’Afrique subsaharienne a payé au total 35,8 milliards USD au titre du service de la dette extérieure, dont 9,4 milliards USD aux créanciers bilatéraux publics (soit environ 0,6% du PIB régional).
Ainsi, les énormes besoins en ressources que ces mesures nécessitent, concomitamment à une baisse des recettes fiscales et une augmentation inévitable des dépenses publiques et de la dette publique, a conduit à un appel pour une annulation de la dette publique africaine. Cet appel, lancé depuis le 25 mars 2020 par le Président Macky Sall, est soutenu par ses pairs africains à l'issue d'une réunion restreinte de l'Union africaine qui s'est tenue le 3 avril, et porté plus tard par des personnalités diverses issues de la société civile africaine et de la diaspora. Bien entendu, d’autres voix plaident plutôt pour un moratoire et non une annulation de la dette africaine.
Dès lors, il est légitime de s’interroger sur la nécessité et l’opportunité d’une annulation intégrale de la dette publique africaine dans le contexte actuel. Avant de dégager des perspectives à ces préoccupations présentons brièvement les faits.
La situation actuelle de dette publique africaine La situation des pays du continent tant en termes d’évolution du profil d’endettement que de la viabilité de cette dette montre une certaine hétérogénéité des cas.
I.1. Le profil de la dette
Le profil de la dette publique en Afrique subsaharienne est devenu plus risqué en raison de la baisse des emprunts concessionnels et de l’augmentation des obligations auprès de gouvernements non membres du Club de Paris et de créanciers privés. Depuis 2013, la dette publique dans les pays de la région augmente à un rythme plus rapide ; cette croissance s’est accompagnée de changements dans la composition des passifs de l’État, lesquels ont donné lieu à un profil d’endettement plus risqué. Par exemple, la Mauritanie et le Mozambique affichent un fardeau de la dette extérieure comparable (75% du PIB). Et pourtant, la composition de leur dette est très différente. Le service de la dette extérieure en Mauritanie est deux fois plus élevé que celui du Mozambique (17,6 et 8,8% des exportations, respectivement), tandis que plus de 25% du service de la dette du Mozambique sont versés à des créanciers privés. Ainsi, la différence entre ces deux pays est due au fait que le Mozambique paie davantage d’intérêts aux créanciers privés.
I.2. La viabilité de la dette en Afrique subsaharienne, une cause de préoccupation croissante
La viabilité de la dette publique est un sujet préoccupant, principalement pour deux raisons : d’une part, l’augmentation rapide de la dette publique depuis 2013, et d’autre part, la modification de la composition de la dette publique, car une plus grande part de la dette extérieure publique et garantie par l’État est détenue par des créanciers privés et des gouvernements hors Club de Paris.
En effet, l’accroissement de la dette publique dans les pays d’Afrique subsaharienne au cours de la période 2013-2019 s’est accompagné d’une hausse du nombre d’années nécessaires pour rembourser la totalité de la dette, le nombre moyen d’années de remboursement pour la plupart a augmenté de 18 mois. La Gambie, la Guinée équatoriale et le Nigéria auraient besoin en moyenne de plus de sept années fiscales pour rembourser leur dette publique brute. Pour ces pays, non seulement le montant de la dette a augmenté, mais les recettes fiscales n’ont pas résorbé le déficit ainsi créé par la baisse des revenus liés aux produits de base.
En fait, les pays les plus exposés à des problèmes de viabilité de la dette sont ceux dont le service de la dette est le plus élevé et présentant les profils de dette les plus risqués (et moins transparents), même si l’encours de leur dette extérieure est relativement maitrisable. Par exemple, 62,4% de l’encours de la dette du Kenya (30,6% du PIB) sont détenus par les créanciers bilatéraux et privés, 37,5% par les créanciers bilatéraux et 24,8% par les créanciers privés. Le service de la dette du Kenya représente 20,1% des exportations, le deuxième taux le plus élevé parmi les pays d’Afrique subsaharienne, et les intérêts sont versés principalement aux créanciers privés (qui touchent 45,3% du service de la dette), suivis des créanciers bilatéraux (29%). Alors, les profils d’endettement plus risqués pourraient mettre en péril la viabilité de la dette, par des défauts de paiement du service de la dette.
Pour l’Éthiopie, la dette extérieure publique semble être modérée (environ 32% du PIB en 2018) ; cependant, sa composition est considérée comme risquée, car elle est détenue à près de 60% par des créanciers bilatéraux publics et privés. Le service de la dette extérieure publique et garantie par l’Etat de l’Éthiopie représente en outre 25,3% des exportations, ce qui est le plus grand ratio du service de la dette sur exportations de la région.
La composition en devises de la dette publique est un facteur majeur qui influence la viabilité de la dette. Par exemple, le Soudan avait le montant de la dette publique le plus élevé de la région en 2019 (la dette publique représentait 207% du PIB) et la grande partie de cette dette est libellée en devises étrangères. Il en va de même pour l’Angola dont la dette publique représentant 95% du PIB et plus des deux tiers libellés en devises. De ce fait, ces pays sont confrontés à des risques de change, car leur dette publique est importante et principalement libellée en devises.
En définitive, une solidarité internationale s’avère nécessaire, eu égard à l’ampleur des besoins de financements tant pour pallier les contraintes de court terme relatives aux mesures d’urgence que pour financer les plans de relance (Post COVID-19) de moyen terme.
Perspectives : une annulation de la dette publique africaine est nécessaire Toute crise offre l’opportunité d’ouvrir un débat prospectif sur ce qui est et ce qu’il faut faire. A cet égard, l’appel de Dakar, lancé le 25 mars dernier par le Président Macky Sall, a le mérite d’ouvrir le débat sur l’annulation de la dette publique africaine. A ce stade, deux raisons justifient l’annulation de la dette : d’une part, les pressions budgétaires et la vulnérabilité accrue de la dette publique des pays africains et, d’autre part, la réaction des marchés financiers.
II.1 Rétrécissement de l’espace budgétaire malgré le moratoire
Le financement des plans de relance dans la plupart des pays africains, dans le contexte d’une récession mondiale, justifie l’appel à la solidarité internationale. Relancer l’économie va de pair avec une augmentation des dépenses publiques, ce qui se traduirait par une accentuation du déficit et une augmentation de la dette, et ceci dans un contexte de baisse de recettes fiscales. La faible marge de manœuvre budgétaire des pays limitera les capacités à conduire des politiques économiques efficaces tout en préservant la stabilité macroéconomique.
Étant donné que le paiement des intérêts absorbe une part croissante des recettes, certains pays pourraient avoir des difficultés à financer la riposte budgétaire à la crise de la COVID-19. C’est pourquoi il est important de mobiliser des financements concessionnels pour garantir que les mesures budgétaires nécessaires puissent être prises, y compris pour les pays surendettés qui ne peuvent pas se financer sur les marchés. Il faudra pour cela un soutien coordonné des institutions financières internationales, du G20 et des autres partenaires au développement.
Le moratoire sur le paiement du service de la dette, décidé le 15 avril 2020 par le G20 pour 44 pays africains, est une initiative salutaire pour aider les pays à financer leur besoin urgent en matière de lutte contre la pandémie. En effet, les moratoires ou différés sur la dette sont utiles à court terme. Cependant, compte tenu des impacts de la COVID-19 sur les soldes budgétaires déjà limités des pays africains, une remise totale de la dette serait l’idéale.
II.2. La réaction des marchés financiers
D’ores et déjà, les agences de notation ont unanimement baissé la note de tous les pays africains, depuis l’annonce des moratoires sur la dette publique du continent, rendant ainsi le financement sur les marchés financiers très onéreux. L’agence de notation Moody’s a dégradé la cote de risque de la dette souveraine de l’Afrique du Sud à la catégorie de sous-investissement (de Baa3 à Ba1), aggravant ainsi les perspectives de viabilité de sa dette.
De façon générale, la dépendance à l’égard de l’emprunt à des conditions commerciales avait accru le coût du service de la dette, augmenté l’exposition à des conditions financières mondiales plus défavorables et réduit l’espace disponible pour les dépenses dans le domaine sanitaire et social.
L’Afrique subsaharienne est confrontée à une crise sanitaire et économique sans précédent, qui menace de faire reculer la région et de saper les progrès constatés ces dernières années en matière de développement et d’atteinte des ODD.
La détérioration des situations budgétaires et la vulnérabilité accrue de la dette publique réduisent les marges de manœuvre des pays d’Afrique subsaharienne dans l’élaboration des politiques budgétaires pour lutter contre la crise de la COVID-19.
La riposte budgétaire requise dépend étroitement de l’apport, par la communauté financière internationale, de financements extérieurs sous forme de dons ou de prêts concessionnels. L’absence de financement extérieur adapté risquerait de transformer des problèmes de liquidités temporaires en problèmes de solvabilité. Ce qui justifie une annulation de la dette publique africaine qui serait une réponse mondiale pour atténuer les effets de la COVID-19 sur les populations pauvres d’Afrique, tout en renforçant les capacités de résilience des économies du continent.
Abdoulaye Balde
Economiste, DG de la POSTE
Afin d’éviter un effondrement des économies, déjà vulnérables, la plupart des pays ont opté 4 mois plus tard pour une reprise progressive des activités économiques. A l’évidence, il s’agit de trouver un équilibre entre d’une part, un desserrement des mesures sanitaires d’urgence, accompagné du respect des gestes barrières et d’autre part, une relance graduelle de l’économie. En effet, d’après les évaluations de la CEA (Commission Economique pour l’Afrique), la COVID-19 va entraîner une baisse des recettes d’exportation en Afrique d’environ 200 milliards de dollars, avec une baisse de la croissance économique de 3,2% à environ moins de 2%. En plus, la baisse des prix des matières premières entraînera des pressions budgétaires pour la plupart des économies africaines.
Dans ce contexte, l’élaboration de politiques efficaces pour endiguer la COVID-19 et annihiler ses effets économiques, tout en préservant la stabilité macroéconomique, nécessite une intervention des partenaires au développement pour fournir non seulement des liquidités mais aussi un allégement des obligations à l’égard de la dette des économies africaines. En 2018 par exemple, l’Afrique subsaharienne a payé au total 35,8 milliards USD au titre du service de la dette extérieure, dont 9,4 milliards USD aux créanciers bilatéraux publics (soit environ 0,6% du PIB régional).
Ainsi, les énormes besoins en ressources que ces mesures nécessitent, concomitamment à une baisse des recettes fiscales et une augmentation inévitable des dépenses publiques et de la dette publique, a conduit à un appel pour une annulation de la dette publique africaine. Cet appel, lancé depuis le 25 mars 2020 par le Président Macky Sall, est soutenu par ses pairs africains à l'issue d'une réunion restreinte de l'Union africaine qui s'est tenue le 3 avril, et porté plus tard par des personnalités diverses issues de la société civile africaine et de la diaspora. Bien entendu, d’autres voix plaident plutôt pour un moratoire et non une annulation de la dette africaine.
Dès lors, il est légitime de s’interroger sur la nécessité et l’opportunité d’une annulation intégrale de la dette publique africaine dans le contexte actuel. Avant de dégager des perspectives à ces préoccupations présentons brièvement les faits.
La situation actuelle de dette publique africaine La situation des pays du continent tant en termes d’évolution du profil d’endettement que de la viabilité de cette dette montre une certaine hétérogénéité des cas.
I.1. Le profil de la dette
Le profil de la dette publique en Afrique subsaharienne est devenu plus risqué en raison de la baisse des emprunts concessionnels et de l’augmentation des obligations auprès de gouvernements non membres du Club de Paris et de créanciers privés. Depuis 2013, la dette publique dans les pays de la région augmente à un rythme plus rapide ; cette croissance s’est accompagnée de changements dans la composition des passifs de l’État, lesquels ont donné lieu à un profil d’endettement plus risqué. Par exemple, la Mauritanie et le Mozambique affichent un fardeau de la dette extérieure comparable (75% du PIB). Et pourtant, la composition de leur dette est très différente. Le service de la dette extérieure en Mauritanie est deux fois plus élevé que celui du Mozambique (17,6 et 8,8% des exportations, respectivement), tandis que plus de 25% du service de la dette du Mozambique sont versés à des créanciers privés. Ainsi, la différence entre ces deux pays est due au fait que le Mozambique paie davantage d’intérêts aux créanciers privés.
I.2. La viabilité de la dette en Afrique subsaharienne, une cause de préoccupation croissante
La viabilité de la dette publique est un sujet préoccupant, principalement pour deux raisons : d’une part, l’augmentation rapide de la dette publique depuis 2013, et d’autre part, la modification de la composition de la dette publique, car une plus grande part de la dette extérieure publique et garantie par l’État est détenue par des créanciers privés et des gouvernements hors Club de Paris.
En effet, l’accroissement de la dette publique dans les pays d’Afrique subsaharienne au cours de la période 2013-2019 s’est accompagné d’une hausse du nombre d’années nécessaires pour rembourser la totalité de la dette, le nombre moyen d’années de remboursement pour la plupart a augmenté de 18 mois. La Gambie, la Guinée équatoriale et le Nigéria auraient besoin en moyenne de plus de sept années fiscales pour rembourser leur dette publique brute. Pour ces pays, non seulement le montant de la dette a augmenté, mais les recettes fiscales n’ont pas résorbé le déficit ainsi créé par la baisse des revenus liés aux produits de base.
En fait, les pays les plus exposés à des problèmes de viabilité de la dette sont ceux dont le service de la dette est le plus élevé et présentant les profils de dette les plus risqués (et moins transparents), même si l’encours de leur dette extérieure est relativement maitrisable. Par exemple, 62,4% de l’encours de la dette du Kenya (30,6% du PIB) sont détenus par les créanciers bilatéraux et privés, 37,5% par les créanciers bilatéraux et 24,8% par les créanciers privés. Le service de la dette du Kenya représente 20,1% des exportations, le deuxième taux le plus élevé parmi les pays d’Afrique subsaharienne, et les intérêts sont versés principalement aux créanciers privés (qui touchent 45,3% du service de la dette), suivis des créanciers bilatéraux (29%). Alors, les profils d’endettement plus risqués pourraient mettre en péril la viabilité de la dette, par des défauts de paiement du service de la dette.
Pour l’Éthiopie, la dette extérieure publique semble être modérée (environ 32% du PIB en 2018) ; cependant, sa composition est considérée comme risquée, car elle est détenue à près de 60% par des créanciers bilatéraux publics et privés. Le service de la dette extérieure publique et garantie par l’Etat de l’Éthiopie représente en outre 25,3% des exportations, ce qui est le plus grand ratio du service de la dette sur exportations de la région.
La composition en devises de la dette publique est un facteur majeur qui influence la viabilité de la dette. Par exemple, le Soudan avait le montant de la dette publique le plus élevé de la région en 2019 (la dette publique représentait 207% du PIB) et la grande partie de cette dette est libellée en devises étrangères. Il en va de même pour l’Angola dont la dette publique représentant 95% du PIB et plus des deux tiers libellés en devises. De ce fait, ces pays sont confrontés à des risques de change, car leur dette publique est importante et principalement libellée en devises.
En définitive, une solidarité internationale s’avère nécessaire, eu égard à l’ampleur des besoins de financements tant pour pallier les contraintes de court terme relatives aux mesures d’urgence que pour financer les plans de relance (Post COVID-19) de moyen terme.
Perspectives : une annulation de la dette publique africaine est nécessaire Toute crise offre l’opportunité d’ouvrir un débat prospectif sur ce qui est et ce qu’il faut faire. A cet égard, l’appel de Dakar, lancé le 25 mars dernier par le Président Macky Sall, a le mérite d’ouvrir le débat sur l’annulation de la dette publique africaine. A ce stade, deux raisons justifient l’annulation de la dette : d’une part, les pressions budgétaires et la vulnérabilité accrue de la dette publique des pays africains et, d’autre part, la réaction des marchés financiers.
II.1 Rétrécissement de l’espace budgétaire malgré le moratoire
Le financement des plans de relance dans la plupart des pays africains, dans le contexte d’une récession mondiale, justifie l’appel à la solidarité internationale. Relancer l’économie va de pair avec une augmentation des dépenses publiques, ce qui se traduirait par une accentuation du déficit et une augmentation de la dette, et ceci dans un contexte de baisse de recettes fiscales. La faible marge de manœuvre budgétaire des pays limitera les capacités à conduire des politiques économiques efficaces tout en préservant la stabilité macroéconomique.
Étant donné que le paiement des intérêts absorbe une part croissante des recettes, certains pays pourraient avoir des difficultés à financer la riposte budgétaire à la crise de la COVID-19. C’est pourquoi il est important de mobiliser des financements concessionnels pour garantir que les mesures budgétaires nécessaires puissent être prises, y compris pour les pays surendettés qui ne peuvent pas se financer sur les marchés. Il faudra pour cela un soutien coordonné des institutions financières internationales, du G20 et des autres partenaires au développement.
Le moratoire sur le paiement du service de la dette, décidé le 15 avril 2020 par le G20 pour 44 pays africains, est une initiative salutaire pour aider les pays à financer leur besoin urgent en matière de lutte contre la pandémie. En effet, les moratoires ou différés sur la dette sont utiles à court terme. Cependant, compte tenu des impacts de la COVID-19 sur les soldes budgétaires déjà limités des pays africains, une remise totale de la dette serait l’idéale.
II.2. La réaction des marchés financiers
D’ores et déjà, les agences de notation ont unanimement baissé la note de tous les pays africains, depuis l’annonce des moratoires sur la dette publique du continent, rendant ainsi le financement sur les marchés financiers très onéreux. L’agence de notation Moody’s a dégradé la cote de risque de la dette souveraine de l’Afrique du Sud à la catégorie de sous-investissement (de Baa3 à Ba1), aggravant ainsi les perspectives de viabilité de sa dette.
De façon générale, la dépendance à l’égard de l’emprunt à des conditions commerciales avait accru le coût du service de la dette, augmenté l’exposition à des conditions financières mondiales plus défavorables et réduit l’espace disponible pour les dépenses dans le domaine sanitaire et social.
L’Afrique subsaharienne est confrontée à une crise sanitaire et économique sans précédent, qui menace de faire reculer la région et de saper les progrès constatés ces dernières années en matière de développement et d’atteinte des ODD.
La détérioration des situations budgétaires et la vulnérabilité accrue de la dette publique réduisent les marges de manœuvre des pays d’Afrique subsaharienne dans l’élaboration des politiques budgétaires pour lutter contre la crise de la COVID-19.
La riposte budgétaire requise dépend étroitement de l’apport, par la communauté financière internationale, de financements extérieurs sous forme de dons ou de prêts concessionnels. L’absence de financement extérieur adapté risquerait de transformer des problèmes de liquidités temporaires en problèmes de solvabilité. Ce qui justifie une annulation de la dette publique africaine qui serait une réponse mondiale pour atténuer les effets de la COVID-19 sur les populations pauvres d’Afrique, tout en renforçant les capacités de résilience des économies du continent.
Abdoulaye Balde
Economiste, DG de la POSTE