«Paradise Papers» : Comment l’équipementier Nike contourne l’impôt en Europe

Depuis plus de dix ans, l’équipementier sportif Nike a utilisé une série de montages financiers aux Pays-Bas pour échapper au paiement de plusieurs milliards d’euros d’impôts au détriment des Etats européens. C’est ce que révèlent l'enquête des « Paradise Papers », grâce au Consortium international des journalistes d’investigation.


« Just do it » ("Ose !") est le slogan phare de l’équipementier sportif Nike. Et pour oser, la marque à la virgule n’a pas son pareil. L’enquête des « Paradise Papers » révèle que Nike paye moins de 2% en impôts sur les bénéfices sur le continent européen, contre 25% pour la moyenne des entreprises du vieux continent. Le Monde et la rédaction de Radio France, deux médias français qui ont travaillé sur les « Paradise Papers », racontent en détail comment la marque américaine a contourné – légalement – la législation des pays européens. 

Nike a créé des sociétés offshore aux Bermudes 

Pour se permettre ce magistral tour de force, l’entreprise américaine utilise le système fiscal néerlandais et son potentiel en termes d’optimisation. Pour commencer, Nike a créé des sociétés offshore aux Bermudes. C'est à ces sociétés que les filiales de Nike devaient verser des centaines de millions d'euros pour utiliser les droits sur la marque. Avec les sommes importantes payées pour les licences, les bénéfices dans le monde du groupe ont été diminués et donc le montant des impôts payés par Nike. 

La marque à la virgule a ensuite effectué la même opération aux Pays-Bas en 2014 et a pu diminuer son taux d'imposition de 35% en 2002 à quelque 13%. 

Quand un consommateur européen achète une paire de chaussures, l’argent atterrit dans deux structures situées aux Pays-Bas : Nike European Netherlands BV (également appelée «NEON») et Nike Retail BV. Deux sociétés chapeautées par une entité baptisée Nike Europe Holding BV (NEH). La filiale française de Nike, Nike France S.A.S., n’est à aucun moment impliquée dans la vente au client final. 

Un milliard d’euros de « royalties » en Europe 

En transférant l’argent de ses ventes européennes aux Pays-Bas, l’équipementier sportif paye donc moins que la moyenne d'impôt sur les bénéfices auquel sont soumises les entreprises européennes. L’entreprise américaine optimise ses revenus en faisant baisser artificiellement ses profits. Nike fait payer un « droit d’exploitation » à ses vendeurs. Du coup, la firme américaine se paie à elle-même le droit d’utiliser sa marque, la virgule qu'on appelle « Swoosh » et le slogan « Just do it  ». Soit un milliard d’euros de « royalties » en Europe. Ensuite, l’argent est envoyé aux Bermudes, où ces « royalties » ne sont pas taxées. 

En 2013, l’ONG Citizens for Tax Justice avait épinglé Nike pour sa présence aux Bermudes. L’année suivante, Nike va utiliser un système encore plus sophistiqué en créant une nouvelle entité hollandaise : Nike Innovate CV. Derrière les deux initiales CV (commanditaire vennootschap -société en commandite-) se cache un outil d’évasion fiscale redoutable. Le CV est une structure à double tête, qui permet à Nike de devenir « invisible » pour le fisc, dans les deux pays où elle est implantée. Pour le fisc néerlandais, cette structure doit être taxée aux Etats-Unis, où la firme possède son siège social. Mais pour le fisc américain, elle doit être imposée aux Pays-Bas. Résultat des courses : Nike Innovate CV ne paye aucun impôt selon Radio France. Le Monde précise que ce schéma permet à Nike de «  réduire sensiblement son taux d’imposition global, passé de 24% à 16% en trois ans ». Le dispositif devrait normalement être supprimé par les autorités néerlandaises en 2020. 

« Nike respecte pleinement la réglementation fiscale » 

La direction de l’entreprise Nike a réagi à cette enquête et fait la réponse suivante : « Nike respecte pleinement la réglementation fiscale. Nous veillons rigoureusement à ce que nos impôts soient pleinement en conformité avec la gestion de notre entreprise et nos investissements. Le siège européen de Nike est basé aux Pays-Bas depuis 1999. Il emploie plus de 2 500 personnes qui supervisent les opérations de Nike, dans plus de 75 pays. » 

En 2016, la firme américaine a payé en France 2,5 millions d'euros au titre de l’impôt sur les sociétés. Nike a dans le même temps reçu plus de 160 000 euros grâce au Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) au titre de l’année 2015.


Mercredi 8 Novembre 2017 08:38

Dans la même rubrique :