Plus de vingt ans après la construction du Stade de France, la Seine-Saint-Denis devrait connaître un nouveau coup d’accélérateur avec Paris 2024. Plusieurs épreuves se déroulent dans le 9-3, autour de deux pôles, l’un à Saint-Denis, l’autre au Bourget.
En mai 2014, Anne Hidalgo, tout juste élue maire de Paris, avait lors d’une conférence de presse expliqué ne pas avoir porté la candidature de Paris 2024 lors de sa campagne municipale car le sujet était « clivant ». Depuis cette déclaration, de l’eau a coulé sous les ponts et Anne Hidalgo s’est lancée dans la bataille avec ferveur, expliquant que la question de l’utilité des JO se posait par rapport « au Grand Paris et à l’accélération de la transformation de la Seine-Saint-Denis, qui pourrait permettre de redonner de l’espoir à toute unejeunesse ».
Un territoire de diversités
Aujourd’hui, le défi de Paris 2024 est de rester « dans les clous » pour redorer le blason du Comité international olympique (CIO). Mais aussi de développer la Seine-Saint-Denis, territoire le plus pauvre et le plus jeune d’Ile-de-France où sera construit entre autres le village des athlètes, celui des médias et le centre aquatique. « Au-delà de la question de l’héritage, on s’est demandé quels types de Jeux on voulait », raconte à RFI Bally Bagayoko, maire adjoint de Saint-Denis.
« Il y avait les pour et les contre. Nous avons considéré que c’était une chance pour nous, mais pas n’importe comment. Il fallait que l’on ait l’assurance que les entreprises de notre département et de notre région soient sollicitées et qu’il y ait aussi du recrutement local », souligne Bally Bagayoko qui ne cache pas sa satisfaction de voir que ce territoire considéré comme « un coupe-gorge » va accueillir le monde.
Sauf énorme coup de théâtre, la cérémonie d’ouverture des Jeux 2024 aura bien lieu le 2 août au Stade de France à Saint-Denis. A travers ce choix, ce sera aussi pour la France l’occasion de montrer la diversité du territoire de l’Ile-de-France et de sa population. En Seine-Saint-Denis, pas moins de 140 nationalités vivent ensemble. Le 93 a, selon Bally Bagayoko, soutenu la candidature de Paris à condition que le budget soit totalement maîtrisé, sous peine d’asphyxier les collectivités concernées. « Nous avons fait la liste des choses qui étaient non négociables pour nous », évoque-t-il.
Le village des athlètes transformé en logements
Par exemple, ne pas faire d’investissements disproportionnés ou de spéculation à outrance avec les nouveaux logements qui seront construits. Ou encore de s’adonner à des expropriations, comme l’ont vécu les habitants de certains quartiers de Rio ou de Pékin. « Tous les investissements ont été réfléchis et nous ne voulons pas qu’ils viennent défigurer notre territoire et dénaturé notre équilibre économique et social », lâche-t-il.
Les 17 000 lits du village olympique seront ensuite réduits à environ 2 000 logements pour que le nouveau quartier reste à taille humaine. La phase de construction collera au cahier des charges des JO, mais selon Bally Bagayoko, au final, il y aura un équilibre entre le logement social, et l’accession à la propriété. Au lendemain des JO, des résidences étudiantes verront aussi le jour.
Sur le papier, le budget prévisionnel des Jeux s’élèverait pour l’instant à 6,6 milliards d’euros, dont près d’un quart d’argent public. « Il va falloir faire avec. Ce n’est pas possible de dépenser plus alors que la période est compliquée pour les finances. S’il faut rogner sur la part des grands investisseurs, on doit le faire. L’argent est de plus en plus rare et l’opinion publique devra être vigilante », avance Bally Bagayoko.
Copier Londres et Barcelone
« Le développement d’un territoire n’est pas forcément ce qui est pris en compte dans le choix d’une ville par le CIO », explique Kevin Bernardi, spécialiste de l’olympisme et fondateur du site Internet Sport et Société.
Depuis longtemps, la population des villes candidates est de plus en plus réticente à donner son assentiment. L’exemple de la Grèce, après Athènes 2004, a refroidi les ardeurs. Les sites ont été très vite laissés à l’abandon et le village des athlètes, trop éloigné du centre-ville, est désormais un territoire oublié. Le taux de chômage avoisine les 30 % et les commerces disparaissent au fur et à mesure.
Parfois, l’aménagement du territoire a servi de tremplin, comme pour les Jeux de Barcelone en 1992 ou de Londres en 2012. Dans la capitale britannique, le village olympique accueille désormais 6 000 résidents. La London Legacy Development Corporation (LLDC), en charge de la gestion de l’héritage des JO de Londres, prévoit la construction de 24 300 nouveaux logements dans les 15 prochaines années. « Ces deux villes ont réussi une régénération urbaine. Barcelone a réaménagé son front de mer qui est devenu un quartier résidentiel et touristique », avance Kevin Bernardi qui pointe qu’au-delà du logement, il y a aussi l’accessibilité au sport.
En Seine-Saint-Denis, un élève sur deux ne sait pas nager en classe de sixième. « L’aménagement du centre aquatique peut permettre l’accès à la natation pour plus d’enfants. C’est une problématique que ce territoire connaît depuis des années », soulève Kevin Bernardi à propos de cette piscine olympique, véritable serpent de mer depuis la candidature de 2012. Deux autres piscines, qui serviront de base d’entraînement aux sportifs, seront construites au Fort d’Aubervilliers et à pont de Bondy.
« Au-delà du rendez-vous des athlètes, c’est pour nous une manière d’accélérer la requalification de notre territoire, de créer des emplois », estime Patrick Braouezec, maire de Saint-Denis. Plus de vingt ans après la construction du Stade de France pour le Mondial 98, la Seine-Saint-Denis sera une nouvelle fois au centre du monde.