« On est en train de se battre pour arrêter la pratique de l’excision au Sénégal, mais on ne fait pas attention au cri du cœur des femmes déjà excisées et qui, dans l’intimité de leur foyer, souffrent parce qu’elles n’ont pas une sexualité assouvie». Ces mots du Dr Abdoul Aziz Kassé laissent deviner la misère que vivent les nombreuses femmes victimes de mutilations génitales féminines (MGF). L’excision, qui en est la forme la plus répandue, touche 130 millions de femmes dans le monde et, pire, toutes les 15 secondes, il y a une femme qui est excisée quelque part dans le monde. Selon le rapport 2012 de l’enquête démographique et de santé (EDS V), prés de 26% des femmes, soit plus de quinze mille, ont été excisées au Sénégal. Excisées, ces femmes ont toutes perdu une ou des parties de leur organe sexuel dont le clitoris. Cet organe, décrit comme le centre des plaisirs des femmes, est l’objet de plusieurs attaques par différentes ethnies. Depuis 27 siècles, des communautés ont choisi de mutiler le clitoris pour plusieurs raisons. Si, au départ, les adeptes de cette pratique évoquent des causes de chasteté et de virginité pour contrôler la sexualité de la femme, au finish, les dégâts sexuels sont plus dramatiques pour ces femmes excisées. Ces dernières déclarent souffrir sexuellement des effets psychologiques à la suite de cette intervention qui leur fait perdre une part de leur féminité. Selon les sexologues, l’excision agit sur toutes les étapes de la sexualité. Le fait de couper des zones érogènes comme le clitoris diminue forcément le plaisir de la femme. De plus, l’excision met en place dans la mémoire du corps des émotions très négatives dans la zone sexuelle qui peuvent être à l’origine de blocages importants. Les craintes d’avoir des relations sexuelles coincent la femme excisée qui a du mal à éprouver du plaisir pendant les rapports sexuels. L’enfer sexuel dans lequel sont plongées les femmes excisées est donc bien réel. Mais « l’irréparable ne s’est pas produit, il y a une solution », dira Dr Abdoul Aziz Kassé, cancérologue et président de l’association « Prévenir». Les femmes excisées ont juste besoin d’une réfection clitoridienne pour vivre une sexualité normale et épanouie. Cette technique chirurgicale, qui consiste à réparer le clitoris et de le remettre à sa place originelle, a été expérimentée en Afrique, au Burkina Faso, par un médecin chirurgien français, Pierre Foldés. Cette opération chirurgicale atterrit finalement au Sénégal avec la formation prochaine de six chirurgiens sénégalais qui seront capables de réparer le clitoris. Ceci entre dans un programme coordonné par l’association de lutte contre le cancer « Prévenir » et appuyé par ONUFEMMES, pour l’année 2012. Les chirurgiens venus des régions de Tamba, Mbour, Sédhiou, Ziguinchor et Dakar vont bénéficier, au mois d’octobre, d’un transfert de compétences par le chirurgien Pierre Foldés qui va leur apprendre les techniques d’une réfection du clitoris. « Après la formation, ces chirurgiens sénégalais vont repartir avec une boite de chirurgie et ce qu’il faut pour équiper les quatre centres qui seront créés dans les régions », a expliqué le Dr Abdoul Aziz Kassé, cancérologue et président de l’association « Prévenir». La réfection clitoridienne, dont les consultations en sexologie ont commencé depuis la semaine dernière, vise le maximum de femmes excisées au Sénégal qui vont désormais pouvoir se faire opérer gratuitement. Pour un montant de prés de 54 millions, ce programme de réfection clitoridienne, financé par ONUFEMMES, est accompagné d’une campagne de dépistage précoce et de prise en charge du cancer du col de l’utérus qui touche 535 .000 femmes au Sénégal. Selon Dr Abdoul Aziz Kassé, «une femme qui a des organes génitaux rétrécis a plus tendance à avoir des traumatismes lors des rapports sexuels et l’infestation par le Papilloma virus est plus facile. En plus, ce sont généralement des femmes qui ont des infections génitales multiples non ou mal traitées parce qu’elles manquent de moyens et ne peuvent pas faire de dépistage. » Ce programme devra permettre la disponibilité du vaccin contre le cancer du col de l’Utérus dans les localités les plus reculées. Cependant, les initiateurs dudit programme de réfection demandent à l’Etat de s’approprier cette expérience. «Si cette phase test réussit, il faut que l’Etat, aidé par les bailleurs, se l’approprie et qu’on le multiplie», a lancé le Dr Abdoul Aziz Kassé, cancérologue et président de l’association « Prévenir.»
REFECTION DU CLITOIS « un jeu d’enfant »
Si la mutilation d’une partie du clitoris est une pratique d’une rare violence infligée à des femmes, la réparation de cet organe génital qui joue un rôle important dans la sexualité est comparée à un jeu d’enfant quand on est un chirurgien formé à cet effet. Les femmes excisées qui souhaitent une réfection du clitoris peuvent se demander s’il s’agit d’une greffe de tissus pour remettre le clitoris à sa place. En réalité, il n’y a rien à ajouter, il y a suffisamment de tissus pour reconstituer un clitoris normal, explique Dr Abdou Aziz Kassé. « La réparation du clitoris est une technique d’une facilité incroyable. Quand il y a une excision, les gens pensent que le clitoris est définitivement perdu et détruit, alors que non. Les exciseuses ne peuvent pas atteindre tout le clitoris, elles ne coupent que le bout, il reste plus 10 à 15 cm de clitoris à l’intérieur, sous la peau qui s’est refermée. Il suffit, sous anesthésie locale partielle, d’inciser la peau, de retrouver le clitoris qui reste à l’intérieur, de libérer le frein qui le retient, d’étirer le clitoris pour le ressortir et le fixer par une suture. Cette technique est d’une simplicité infantile mais règle beaucoup de choses ». Une fois réparé, l’organe vit et évolue, ses interactions avec les différentes zones du cerveau aussi et la femme peut vivre sa sexualité normale naturellement.
Dans le cadre du programme de réfection clitoridienne conduit par l’association « Prévenir», le chirurgien français Pierre Foldés va déposer ses baluchons à Dakar pour transférer ses compétences à 6 chirurgiens sénégalais. Chirurgien urologue à l’hôpital de Saint-Germain-en-Laye, médecin humanitaire âgé de 63 ans, Pierre Foldès est le premier chirurgien à avoir procédé, en 1984, à une chirurgie réparatrice du clitoris sur une femme victime d’excision, au Burkina Faso. En mission d’évaluation au Burkina, à l’époque, il découvre l’horreur de l’excision. Depuis ce jour, il combat cette pratique ancestrale. Au cours de ses recherches, Pierre Foldès découvre, à sa grande surprise, que pas une étude ne s’intéresse au clitoris alors que plus de 10000 se consacrent à la verge. Tout d’abord, il apprend à réparer ce qui a été détruit, coupé, recousu. En voulant soulager les douleurs de ces femmes, il s’aperçoit que la mutilation n’a rien d’irrémédiable. A ce chirurgien français, on prête l’art de redonner aux femmes une nouvelle virginité. Dans une interview, Il affirme avoir refusé des propositions d’interventions nettement plus rémunératrices, comme celle d’aller offrir une nouvelle jeunesse aux vulves de riches Saoudiennes.
FAWADE WELLE
Le Pays au Quotidien