Près de douze mois après la traque des biens supposés mal acquis, l'Etat du Sénégal par la voix la plus officielle, Abdou Latif Coulibaly, propose aux mis en cause, un remboursement à une certaine hauteur contre l'abandon de toute poursuite. La ligne de pensée étant de récupérer, aujourd'hui, 800 millions de francs cfa sur 1 milliard, par exemple, plutôt que de ne rentrer dans les fonds du Trésor public que dans cinq, six, voire sept ans, ou presque jamais. C'est cela la médiation pénale, version sénégalaise, avant même la fin de la phase d'enquête, du début de l'accusation et du procès [200 dossiers inscrits soit 200 jugements à venir] ; le tout pouvant durer cinq ans et plus, avec d'interminables et féroces batailles judiciaires à Dakar et à Paris, sans compter le procès de l'ancien dictateur Hissène Habré. Comme si depuis douze mois, notre plat national (le tiébou diene) était "l'assiette de biens mal acquis", pour reprendre la formule-coup de poing du chroniqueur du senegalais.net, Pierre Hamet Bâ sur Sen tv, ce week-end.
Entendons-nous bien, du président Léopold Sédar Senghor à Macky Sall en passant par Abdou Diouf etAbdoulaye Wade, il y a eu et il y aura - malheureusement - des prévarications, des détournements, de la corruption mais les proportions et dimensions seront toujours exagérées dans ce pays où l'on va trop vite en accusation. Tenez ! depuis le 25 mars 2012, lorsqu'on entend parler d'enrichissement illicite, de vol en réunion de plus de 3.000 milliards de nos pauvres francs, de pillage des ressources et de deniers de l'Etat, l'on a la nette impression d'être dans l'un des pays comme le Nigeria, la Sierra Léone, le Libéria, la Côte d'Ivoire, l'Angola, la Guinée-Conakry, la Rd Congo, etc. Des régions où le sous-sol et le sol sont scandaleusement pourris de richesses et de matières premières. Or nous sommes bel et bien au Sénégal, pays de pêche artisanale, de tourisme mal intégré et de grandes gueules, où le cercle de la raison est tombé si bas qu'il croit découvrir de l'or alors qu'il s'agit de toc.
PLAT NATIONAL
Notre sol est modeste ; notre sous-sol est encore plus pauvre. Nous n'avons pas de l'or, du pétrole, du gaz, de la bauxite, du cuivre, de l'uranium, du manganèse, du charbon, du diamant. Rien de tout cela ! Pas besoin donc de bons capteurs pour savoir qu'il n'y a pas chez nous de Joseph Kony (Ouganda), pas de Mobutu Sese Seko (ex-Zaïre), pas de Jonas Savimbi (Angola), pas de Santigie Borbor (Sierra Leone) et pas de Charles Taylor(Libéria). Ce dernier criminel de guerre offrait des diamants de sang au célèbre mannequin Naomi Campbell. En revanche, le Sénégal tient le nombre le plus élevé de Naomi Campbell au kilomètre carré. Notre seule et vraie richesse, au fond, ce sont les belles créatures, la belle nature, la belle plage et la belle vitrine démocratique. Notre sol est gravement stérile. Notre sous-sol est sauvagement impuissant à libérer la bonne graine pouvant assurer l'auto-suffisance alimentaire. Nous avons de grands intellectuels affamés, des paysans aux petites mains, des pêcheurs qui n'attrapent que des poissons d'avril, des agriculteurs accrochés aux cultures essentiellement pluviales, des citoyens ronchons et bavards. Mais quelle chance que cette terre, en dépit de sa pauvreté, en dépit de son dénuement, en dépit des gamineries politiques, elle est incroyablement stable, joyeuse et légèrement délurée. Malgré cela, on joue à se faire peur. On s'installe des jurys d'honneur et des juridictions d'exception à l'effet de persécuter ou exécuter les habitants d'une demeure dans laquelle, le seul véritable bijou de famille est"la belle vitrine démocratique", reconnue et célébrée. S'il continue à cannibaliser son quinquennat avec cette incertaine traque de biens mal acquis, à la fin, Macky Sall s'apercevra que les attentes sont outrageusement décevantes et la sanction tombera comme un couperet : un mandat unique. Notre bien-aimée Aminata Mimi Touré vient de sortir son rititi : si vous remboursez, on annule tout... Stupéfiante conclusion : les gains attendus semblent étrangement bien maigres. Dans trois semaines, le chef de l'Etat fera le bilan de sa première année sur les cinq. Quoi qu'il dise ou qu'il fasse, il se trouvera des millions d'électeurs qui lui jetteront à la figure : "les biens mal acquis ne se mangent pas". La morale de cette affaire : Remettre rapidement ce pays au travail. Et vite !