RETOUR AU GOUVERNEMENT DE MATA SY DIALLO ET AMINATA MBENGUE NDIAYE La main du leader

La politique sait parfois être déroutante. Nommées ministres, Aminata Mbengue Ndiaye (Elevage) et Mata Sy Diallo (Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat) donnent certains, à tort ou à raison, à épiloguer. La plupart des critiques voyaient ces dames ailleurs. Leurs raisons ? On évoque tantôt l’âge (la soixantaine toutes les deux), cette idée de retour d’hiérarques du Parti socialiste (Ps), leur improbable capacité à s’adapter dans un monde porté vers de nouvelles connaissances, etc. Dans leurs formations politiques respectives, il y a des grincements de dents. Pourtant, quand ces deux femmes, intrépides et fermes dans leur opposition aux libéraux ont fait vaincre Wade à leur base, on leur a tressé des lauriers. Au fond, c’est cela qui leur vaut le coup de main de leur leader. Dans la promotion de la nouvelle ministre de l’Elevage, on voit la main Tanor, dans celle de sa collègue du Commerce, la main de Niass. Mais, leurs ressemblances ne s’arrêtent pas là. « Aminta » et « Mata » sont ce qu’une lionne représente dans une tanière : le noyau dur du clan. Contrairement aux mâles, les lionnes restent toute leur vie dans la même troupe. Ce sont les lionnes, dit-on, qui font vivre la troupe, chassent et s’occupent des petits. Ce n’est donc pas pour rien que Mata Sy Diallo est surnommée la « lionne du Ndoucoumane », Aminata Mbengue Ndiaye, la « lionne du Ndiambour ».

FIDELITE

Dans ce registre de la fidélité, Aminata Mbengue Ndiaye et Mata Sy Diallo sont comme deux gouttes d’eau. Wade, si prompt à dégainer pour débaucher des militants n’a jamais pu prendre à défaut leur attachement à leur parti. Mata Sy Diallo, elle-même, raconte avoir eu de Wade la promesse de monnayer son adhésion au Pds à 1 milliard de FCfa. La chronique raconte que la somme de 500 millions FCfa lui a été proposée d’entrée de jeu. « Ce milliard-là peut bien servir à quelque chose au monde rural », aurait-elle répondu au porteur de valise. Même refus quand Wade a voulu enrôler Aminata Mbengue Ndiaye. « J’ai décliné son offre en lui disant que le combat que je menais, je le faisais avec conviction et que j’étais prête à m’engager pour toute autre action républicaine même devant le refus de mon parti », raconte-t-elle sur les ondes de Walf Fm/Louga.

BASE POLITIQUE

« Depuis que l’Afp, le parti de Moustapha Niasse est implanté à Kaffrine, Mata Sy Diallo rafle les voix à l’occasion de toutes les batailles électorales. C’est une dame proche des populations. Ses adversaires politiques locaux ne lui arrivent pas à la cheville, elle sort du lot », confie à l’Aps, Khadim Mendy, un enseignant en poste à Kaffrine, observateur dans la vie politique locale. Aminata Mbengue Ndiaye, elle, est revenue à la tête du conseil municipal de la commune de Louga en 2009. A la Présidentielle 2012, son candidat Ousmane Tanor Dieng est arrivé en tête dans la commune de Louga. Autant dire que ces dames ne sont pas surnommées l’une « lionne du Ndoucoumane », l’autre, « lionne du Ndiambour » pour rien. Toutes les deux ont sillonné les villages les plus éloignés de leur terroir.

LONGEVITE L’engagement politique de ces deux femmes ministres n’est pas aussi vieux qu’on pourrait le croire. Toutes les deux ont commencé à faire la politique dans les années 90. Mata Sy Diallo est venue au Ps, son premier parti, par la porte du Groupe de rencontres et d’échanges pour un Sénégal nouveau (Gresen), un cadre d’intellectuels alors dirigé par le Pr Iba Der Thiam. Quant à Aminata Mbengue Ndiaye, son limogeage de la direction de la femme est considéré comme le point de départ de sa carrière politique militante. Au total, chacune totalise quelque 25 ans de présence sur la scène politique. Formation

Mata Sy Diallo est professeur de mathématique de formation. C’est ce statut qu’elle a dû faire prévaloir pour signer son entrée au Gresen. Aminata Mbengue Ndiaye, ancienne championne de javelot, est monitrice d’expansion rurale. Une fonction qui lui a permis de tisser un excellent réseau dans l’univers des femmes.

EXPERIENCE GOUVERNEMENTALE

Voilà deux nouvelles ministres qui connaissent bien la salle du conseil des ministres. Mata Sy Diallo revient aux affaires après plus de 20 ans. Mata Sy Diallo était au début des années 1990 ministre déléguée chargée des Sénégalais de l’extérieur et des Emigrés avant d’atterrir au Parlement comme députée et vice-présidente du bureau de l’institution du temps où elle militait au Ps. La « lionne du Ndiambour » est ministre de la Femme, de l’Enfant et de la Famille et ministre (1995) du Développement social et de la Solidarité nationale sous la présidence jusqu’en 2000.

Fonction politique

Elles sont toutes les deux présidentes du Mouvement des femmes de leur parti. L’histoire retiendra que Mata Sy Diallo a d’ailleurs longtemps convoité ce poste quand elle était au Ps. Jamais Mme Diallo n’est parvenue à déboulonner la maire de Louga arrimée aux côtés des animateurs de la refondation. Un duel feutré entre femmes qui se déroule sur fond de conflit entre Tanor et Djibo Kâ, Diégane Sène et Khalifa Ababacar Sall, etc. partie rejoindre Moustapha Niass à l’Afp en 1996, Mata Sy Diallo hérite du poste de présidente du mouvement des femmes progressistes.

Verbe

La socialiste a le verbe plus mordant que la progressiste. Aminata Mbengue Ndiaye est une habituée des plateaux de télévision ou de la bande FM. Difficile de la submerger, même au temps. Mata Sy Diallo n’est pas fréquente sur l’espace public. Est-ce parce qu’elle est réfractaire au débat contradictoire ? En tout cas, un de ses camarades qui a requis l’anonymat la trouve inflexible, très peu portée vers le compromis. « Personne, même Niass, ne peut percer le mystère-Mata », confie la même source. Tout le contraire chez Aminata Mbengue Ndiaye.

Attachement au leader

Beaucoup expliquent leur retour aux affaires par leur attachement à leur leader. Mata Sy Diallo chemine avec Niass depuis au moins son passage au ministère des Sénégalais de l’extérieur et des Emigrés. Sa position de patronne des femmes progressistes n’est pas sans lien avec sa proximité avec Moustapha Niass. Aminata Mbengue Ndiaye, elle, est estampillée proche de Tanor. Les débats sur la candidature à la Présidentielle au Ps l’ont obligé à afficher son positionnement derrière le secrétaire général du Ps. Sa nomination au gouvernement a été interprétée par les proches de Me Aïssata Tall Sall comme un coup fourré de Tanor.

Hamidou SAGNA