MEMBRE DE BENNOO : Nous avons un système présidentiel au Sénégal et on demande au peuple d’élire un président et non un parti ou une coalition. Le président Macky Sall est libéral ou même social-libéral comme moi. Au moment du lancement de mon parti, il m’a fait l’honneur d’être présent et de me demander de joindre nos forces pour la construction du pays, ce que j’ai accepté. Car je n’ai pas d’antagonisme lui et j’ai même été son avocat. Je ne vois pas de différence entre mon programme et celui de Yoonu Yokkute.
Cependant, je ne suis pas membre de Bennoo Bokk Yakaar, car c’est Macky Sall qui est élu et non son parti ou sa coalition. Le chef de l'Etat doit prendre ses responsabilités politiques et se définir clairement sur son idéologie politique, s’il prend du recul et lit attentivement les résultats de l’élection de 2012. Sur 11 candidats, le Sénégal a choisi le plus rassurant. Car pendant que les autres défiaient les forces de l’ordre à la Place de l’Indépendance, Macky Sall parcourait le pays pour proposer son programme au peuple. Celui-ci a opté pour la continuité et la rupture. Ce n’est pas hasard si le peuple a choisi quelqu’un qui a travaillé huit ans avec le président Wade.
WADE SANS WADE – Ce qu’il y a de positif dans ce que Wade a fait doit entrer dans le cadre de la continuité. Quant à la gouvernance, c’est là que le peuple attend la rupture. Mais il manque encore le discours et le programme. De tous ceux qui entourent Macky Sall et qui ont travaillé avec Me Wade, aucun n’a pris l’initiative de le quitter. De mon point de vue, le président Macky Sall doit gouverner avec tous les Sénégalais, même ceux du Pds qui ont les mains propres. Parmi ceux qui sont avec lui, aujourd’hui, il y en a qui n’était pas d’accord avec son programme, avant le second tour.
BIENS MAL ACQUIS ET CHANTIERS DE THIES – «Sur l’affaire des chantiers de Thiès, je dis et je répète que j’ai sauvé la République». D’ailleurs, je prépare un livre dans lequel j’y reviendrai. Je reconnais avoir rencontré plusieurs fois Idrissa Seck en prison avec son mandataire. Mais, et je le précise, avec l’autorisation de son avocat le plus ancien, Me Sidiki Kaba. Dans cette affaire, rien n’a été fait qui soit contraire à ma déontologie et l’éthique de l’avocat. Mais on ne peut pas instrumentaliser l’appareil judicaire pour régler des questions politiques. Le différend entre Abdoulaye Wade et Idrissa Seck était politique et devait se régler sur le terrain politique.
Quant aux biens mal dits acquis, je ne suis pas associé à la procédure de l’enquête, mais je ne suis pas d’accord, non plus, sur les différentes violations, telles que les informations livrées à la presse comme la mise en demeure de Karim Wade annoncée avant l’heure. Il y a le secret de l’enquête, le secret de l'instruction et la présomption d’innocence à respecter.
Je suis un avocat professionnel et je peux m’engager à défendre n’importe quel client pour n’importe quel délit, dans un dossier qui me convainc. Il suffit que l’on me saisisse.
MEDIATION PENALE Il n’y a jamais eu de "protocole de Reubeus" (dans l’affaire des chantiers de Thiès pour laquelle l’ancien Premier ministre, Idrissa Seck, avait été emprisonné : ndlr), c’est la presse qui l’a inventé. La médiation pénale est une disposition de notre Droit positif, laissée à l’appréciation des parties, sous le contrôle du Procureur de la République. Dès que l’action judicaire est enclenchée, il n’y a plus de possibilité de médiation pénale. Mais elle est encore possible en cette période de mise en demeure. Ceux qui disent ne pas accepter la médiation n’en comprennent pas le sens. Que certains cessent de s’arroger le droit de parler au nom du peuple, qui ne les a pas élus. Tout le monde est d’accord sur la nécessité de récupérer les biens de l’Etat mal acquis, mais il faut en déplorer la manière. Ils (les tenants du régime) font de cette traque un programme politique. Ce travail doit être laissé à la Justice, qui doit s’en acquitter faire sans tambours ni trompettes. Une procédure judiciaire ne peut pas être un discours ou un programme politique.
YERIM SECK ET BETHIO – Lors du procès en appel, j’ai été empêché par un décès, ce qui ne m’a pas permis de plaider. Mais les avocats de la partie civile se sont opposés à la requête du Procureur tendant à une réduction de la peine. Si le délit de viol est constitué, la peine ne doit pas aller en deçà de cinq ans.Quant à l’affaire Cheikh Béthio Thioune, je salue la liberté provisoire qui lui est accordée pour une question d’ordre humanitaire. Pour sa défense, nous continuons de plaider le non-lieu. Mais puisque l’affaire n’est pas encore jugée, je ne peux pas me prononcer là-dessus.
AFFAIRE HABRE – Wade a eu le mérite de résister à toutes les pressions qu’il a subies dans cette affaire Habré. Quand j’entends dire aujourd’hui que ce procès peut se faire pour cinq milliards seulement, alors qu’il faudra accueillir, héberger et nourrir près de 200 témoins venant du Tchad... L’argent emmené par M. Habré au Sénégal est de l’argent illicite. Je ne peux pas me prononcer sur la personne du Premier ministre Abdoul Mbaye, mais sachez que les droits de la défense sont naturels : tout témoin cité sera tenu de comparaître. D’ailleurs, je ne crois pas en ces délais que l’on se fixe pour la tenue du procès. Maintenant, comment l’argent emmené par Hissène Habré a-t-il été fructifié, y a-t-il eu des complicités ? C’est au tribunal de le dire, mais Abdoul Mbaye peut être appelé à comparaître.
AVERTISSEMENT – A la veille de la Présidentielle 2012, le Sénégal était au bord du chaos. Mais le peuple sénégalais a su élire le candidat le plus discipliné, le plus respectueux de la République et non une coalition. C’est pourquoi je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent que Macky Sall est un président par défaut. Me Wade avait reçu un avertissement en 2009 avec les Locales que son parti avait perdues. Macky Sall, s’il ne lit pas bien les résultats des dernières élections, s’il ne massifie pas son parti, il pourrait suivre la même voie que son prédécesseur qui avait perdu la base sans s’en rendre compte. Il y aura des coalitions locales et vous aurez des surprises. Des coalitions vont naître sans le contrôle des partis. Mon parti, le FR/Jaamu Askan wi, sera en tout cas présent dans la course. Et je n’écarte aucune possibilité. Je serai d’abord candidat au Conseil municipal de Grand-Yoff et, et plus tard, de celui de Dakar.
REDUCTION DU MANDAT – Il faut réparer l’entorse faite par Abdoulaye Wade, c’est-à-dire tenter de faire passer la loi à l’Assemblée nationale. La réduction du mandat doit être soumise à un référendum plutôt qu’à l’Assemblée nationale où ses partisans - qui ont goûté au pouvoir - pourraient rejeter la loi, comme cela avait le cas le 23 juin 2011. Un référendum pourrait être organisé d’ici le mois de juillet, mais pas de couplage avec les Locales.