Dans ses discours des 2 et 3 avril, le président de la République a abordé, entre autres sujets, l'indiscipline et l'incivisme qui gangrènent notre pays jusqu'à impacter notre productivité économique, notre santé et notre devenir commun. A t-il enfin (re)pris conscience que les Sénégalais ne mangent pas cette croissance tant vantée auprès des bailleurs et qu'en réalité ils vivent mal ? Il n'est jamais trop tard…
Pour mener à bien ce projet, je me permets de lui faire part de mes analyses et propositions.
M. le Président, vous n'êtes pas sans savoir que nous avions une police chargée de mettre de l'ordre sur la voie publique et veiller à la quiétude des populations. Nous avions un service d'hygiène qui arpentait les quartiers pour nous assurer des habitats et des quartiers saints surtout pendant l'hivernage. Nous avions des fonctionnaires, certes plus bureaucrates qu’hommes de terrain, mais pas milliardaires et surtout qui rendaient des comptes sur leurs missions professionnels et non sur leur représentativité politique. Nous avions un semblant de sentiment d’unité nationale à consolider. Nous avions des espaces et poumons verts, des forêts classées et une Casamance boisée à perte de vue. Nous avions un littoral dégagé et des plages accessibles à tous. Nous avions une année scolaire de 10 mois allant d'octobre à juillet. Nous avions aussi un début de tissu industriel avec des sociétés nationales.
Je veux à travers ces exemples démontrer que nous avions un bon début d’une société post coloniale et qu’il fallait s’atteler à créer un cadre et une gouvernance qui en ferait une nation indépendante et prospère.
Mais vos propos traduisent le sentiment d'échec que nous partageons tous en examinant le Sénégal d'aujourd’hui. Vous me direz que le Sénégal a «évolué» et que d’autres l’ont gouverné avant vous, et c'est vrai ; mais la mise à l'échelle des fondamentaux techniques et politiques n'ont pas suivi durant ces soixante ans d'indépendance. On a plutôt déconstruit les quelques socles de valeurs vertueuses dont on pouvait se vanter.
Vous concernant, en 2012, c’est certainement conscient de la détérioration de notre environnement que vous aviez créé le ministère du Renouveau urbain, celui de la Promotion de la Bonne gouvernance ainsi que la Délégation de la Réforme de l'Administration; vous aviez organisé en 2016, au cours d’un grand meeting à Diamniadio, un forum national de l'administration. Qu’ont fait ces institutions depuis leur création ?
En passant sous silence ces informations et en montant au créneau, vous admettez, M. le Président, qu'on est proche d’un échec cuisant. Ce qui est gênant dans votre approche c'est que vous semblez apostropher le Sénégalais de la rue qui n'aurait pas le bon comportement en laissant de côté votre part de responsabilité dans ce désordre indescriptible et à tous les niveaux que chaque citoyen subit au quotidien, vous qui êtes aux manettes depuis très longtemps.
Pour ma part, je suis persuadée que c'est beaucoup plus facile d'obtenir des changements d’habitudes des gens dans la rue que de ceux qui sont chargés de faire respecter les bonnes règles. Il en est de même pour ceux qui sont protégés par leur appartenance à un cercle, ceux en boubou ou col blanc et ceux qui présentent un intérêt politique. Je pense aussi que quand un ministre renvoie les magistrats de la cour des comptes c'est de l'indiscipline. Il en est de même quand on refuse de déclarer son patrimoine alors que la loi vous y assujettit. Protéger les prédateurs de la République c'est aussi de l'incivisme. Faire l'apologie de la transhumance, ne pas respecter sa parole c'est brouiller les valeurs à transmettre à la jeunesse et c’est assurément de l’incivisme.
Le "chef" doit incarner le modèle qu'il aspire promouvoir pour avoir la crédibilité et la légitimité de tracer la voie qu’il demande aux autres de suivre ; donc vous devriez commencer par la mise en pratique de cette nouvelle ligne dans votre entourage proche.
«Lou waye di wouyo daf koy niro». Votre premier objectif sera de faire régner le civisme et la discipline dans vos équipes administratives et politiques ; il vous faudra aussi faire appel à vos tailleurs de constitution et de fichier électoral, qui ont amplement rempli leur mission quand il fallait tracer la voie de votre deuxième mandat, pour qu’enfin ils se mettent au service du peuple afin de "réduire l'indiscipline et l'incivisme à sa plus simple expression".
Alors seulement, à ce moment-là, vous pourrez espérer créer les conditions de naissance de citoyens avec un esprit sain dans un corps sain et un pays doté d’un environnement sain… tel qu’inscrit dans notre constitution.
Mme DIOP Blondin Ndèye Fatou NDIAYE
Coordinatrice adjointe Plateforme Avenir Sénégal Bii Ñu Bëgg