SENEGAL : UNE COMMUNCATION GOUVERNEMENTALE EN DENTS DE SCIE


Depuis son accession à la souveraineté internationale, le Sénégal a connu quatre dirigeants, chacun avec ses méthodes, sa stratégie de communication, ses forces et faiblesses. Sans aller dans des études comparatives, disons que chacun a communiqué à sa manière, son époque et son « moi »
Si le Président Léopold Sédar SENGHOR, grammairien hors pair, maitrisant la langue de Molière ou « Senghorienne » a pu se défendre sur certaines causes, disons qu’il a aussi bénéficié d’absence d’un pluralisme médiatique et même ses quelques rares sorties comme lors de sa démission, il l’a fait dans des médias étrangers, à travers journal « Le Monde ».
Pour sa part, le Président Abdou Diouf, son héritier, un home discret et peu communicatif, n’a pu se sauver de son silence parlant en un moment. Il a été emporté par son manque de communication. Et la liberté d’opinion, devenu une culture bien de chez nous, sera renforcée par l’avènement du pluralisme médiatique. En effet, Ce sont ces nouvelles bandes Fm, l’effervescence des journaux  qui, un 19 mars 2000, précipitèrent la chute du président Diouf facilitée par son mutisme mortel.
Autre Président, autre, « Poids » : Maitre Wade !!!
Il a le verbe dans sa peau et dans son sang, même en dormant il communique. Toujours, ici et maintenant, partout, Me Abdoualaye WADE, communique. Il parle à la place de ses ministres, de l’administration, dérange et détourne les règles préétablies. Il jongle avec les politiques et brouille les cartes. Une bête politique qui bien affinée et équilibrée serait un As de la communication, si toute fois ses idées bouillantes, parfois merveilleuses étaient bien millimétrées, bien dosées et orientées. Mais hélas, lui-même sera victime du « trop parlé ». Le président Wade en faisait trop, il parlait, parlait trop et parlait seul, toujours sans trêve. Son éloquence et son aura vont se butter à l’ennuie qu’ils créent. L’opinion publique ne l’écoutait plus. Pire, elle s’ennuyait à trop l’entendre ou le voir dans les médias. Il n‘écoutait pas sa cellule de communication et ses autres chargés de communication surfaient plus sur la propagande que sur la communication et l’information. Ils étaient ainsi dans des positions attentistes et par conséquent dans des situations permanentes de ripostes.
Qu’en est-il de l’actuel Chef de l’Etat?
Le président Macky SALL, pas encore facile de calquer sa façon de communiquer.
En fait la communication gouvernementale, ne se limite pas seulement au simple Chef d’Etat, elle va au-delà, mais toujours en harmonie avec les exigences et les urgences.
Macky SALL, nous l’avons vu qui communiquait très bien, communiquer plus depuis un certain temps. Même sa présence sur la Télévision RTS est devenue plus fréquente qu’au début de son magistère. La sobriété qu’il a tant prôner s’est un peu effritée. Veut-il corriger des manquements pour marquer sa présence, son existence, ou tente t-il de recadrer les débordements de son entourage notés ça est là ? Veut-il ramener aux prairies les brebis égarées?
Sur ce, devant chaque cible et à chaque moment, il doit avoir quelqu’un d’approprié et plus adéquat à parler. «Aussi, pour  éviter certaines dérives du passé et espérer atteindre les objectifs du Yoonu Yokkute (la voie de la prospérité) qui a porté le Président Macky SALL à la tête de notre pays, urge t-il de promouvoir une bonne stratégie de communication gouvernementale, cette fois ci développementaliste, intégratrice, désagrégée (respect des niveaux macro, méso, micro), engagée et empreinte de franchise… ».
La même musique partout et en même temps…
Chez Macky, l’on a repris sans s’en rendre compte, les schémas de Me Wade comme : porte-parole du Président, Porte-parole du gouvernement (ici différend du ministre de la communication et autre charge),  porte parole du Pds, il a toujours communiquait.
Un mélange de genre, une communication horizontale et verticale déroulée en même temps par les mêmes acteurs. Cela crée cafouillage et désordre. Tellement dévastateur à la longue cette communication va noyer les « poissons frais» de Yoonu Yokkute.
Si on se rappelle que le président SALL est aussi politique que son prédécesseur, on peut bel et bien déduire qu’il a intérêt à se doter d’une bonne communication, une cellule bien structurée pour s’entendre avec son peuple qui, hélas, est devenu exigent et impatient, à force d’être toujours berné par une grande partie de l’élite politique, et ce depuis l’indépendance
En effet, dans la vie tout est communication. Vendre, c'est communiquer (peut-on encore en douter), mais acheter aussi. Travailler, c'est communiquer, s'habiller aussi etc. Il est toutefois difficile de penser que la proposition «gouverner, c'est communiquer», devenue si courante, soit totalement vidée de sens. Pour mieux en comprendre la signification, il est bon de noter qu'elle est souvent associée à d'autres expressions relevant de la nécessité pour les gouvernants de «bien expliquer», de «faire preuve de pédagogie.»  Dès lors, il apparaît que cet effort de communication participe d'une volonté d'informer le peuple et d'expliquer les enjeux politiques du moment.
Il faut relever que la nouveauté aujourd'hui est que cet effort d'information gouvernementale délaisse les arcanes traditionnels des institutions leur préférant les tribunes des grands médias (publics ou privés). L'objectif nous dit-on est de toucher un maximum de gens, d'atteindre plus de cible et d'élargir le socle démocratique qui sous-tend nos sociétés.
En fait, le droit du public sur les activités du gouvernement vous parait-il légalement être tenu en compte? C’est un habillage convenable. L’intérêt du public, c’est la meilleure et la pire des choses…Quand le gouvernement fait une campagne de communication, ce n’est pas avec la préoccupation essentielle du droit d’info du public. Sa préoccupation essentielle c’est, comment pourrai-je montrer que j’agis dans le bon sens pour hausser ma côte de popularité ?
Il y a ensuite un discours de légitimation de la pratique politique. On ne va pas dire «je mets des millions, par exemple des bourses familiales pour faire monter ma côte» ; mais on va dire «je mets des millions, des bourses par ce que le public a le droit de savoir ce que nous faisons et que c’est une telle politique, qui est bonne pour l’intérêt national». C’est l’exemple des audits trop surmédiatisés par le pouvoir en place. L’on rejoint là, la question de la propagande quand la communication dite d’intérêt général n’en a plus que les atours, via des procédés rhétoriques similaires- et notamment l’usage du «je» et du «nous.» Une politique d’image qui souvent fausse l’image, simplement que ce qui est projetée ne sera pas forcement l’image reçue.
Normalement, les «voleurs» doivent rendre compte et rembourser au centime… Seulement, il y a quelque part une volonté de manipuler l’opinion par la propagande: un profond mépris à la longue. Là également le malaise s’est opéré avec la sur-médiation pénale de la question des biens al acquis.
Ne nous a-t-on pas appris qu’en communication, il faut éviter que la propagande communicationnelle se déguise en information.
Oui, c’est vrai communiquer est égale à faire la propagande dans une certaine mesure, Or la propagande est un art, avec ses règles, qui doivent être respectées. Une différence qui tient à la seule finalité des actes.
Les médias donnent de l’information mais cherchent à vendre leur produit et le conseiller en communication à brouiller et manipuler. Néanmoins, tous sont du peuple et doivent veiller à son intérêt, leurs intérêts. «Il ne faut jamais céder sur les mots» a dit Freud. Oui, la communication gouvernementale et institutionnelle représente une réalité tangible et massive…tout un chacun est amené sinon à en éprouver les conseils et les injonctions, du moins à en percevoir les messages et les slogans.
Aussi, communiquer n’est pas que parler. C’est aussi un ensemble de comportements. Mais, ce gouvernement disserte souvent sur certains sujets, comme c’est le cas des audits, en négligeant la demande sociale.
Et même en se piégeant faute de ne pas parler de son quotidien, des bonnes actions entreprises, comme les tonnes d’engrais octroyées aux paysans, le prix de l’arachide jamais égalé, tant d’autres éléments qui mériteraient d’être connus des sénégalais.
Egalement trop de réactivités sur les événements, les audits, les inondations, les grève des enseignants, etc. Chacun s’arroche, s’arc-boute du bout des lèvres pour dire les même choses, des biens mal acquis,…des informations mal distillées.
Pas de cadrage, pas de systèmes d’alterne aucun rythme et contenu défini. Qui fait quoi, quand, comment, où…, les ABC de la communication.
Nous rejoignons ici, Bernanrd Candiard, spécialiste en la matière, qui dit : «la communication est à l’action ce que l’aviation à l’infanterie ; l’aviation doit passer pour que l’infanterie puisse sortir ; c’est lorsqu’on a gagné la bataille de la communication qu’on peut commencer à agir.»
Nécessité d’un recadrage !
Actuellement, le gouvernement semble choisir comme les pompiers  la technique du "contre-feu" pour contenir et détourner les incendies les plus ravageurs, la médiatisation intensive sur certains dossiers aura eu pour effet de taire les revendications profondes du corps enseignant par exemple et aussi peut être de se piéger à nous en informant au grand public de la tenue «d’un séminaire sur la communication gouvernementale.» La république ne peut se résumer au monde des artifices des médias, elle a un espace naturel en dehors duquel elle se dénature pour n’être plus qu’une coquille vide objet d’une théâtralisation outrancière. La république est sacrée, son espace l’est tout autant: il ne faut donc pas laisser l’espace médiatique noyer la république dans son flot infini et sinueux d’évènements sensationnels. Il ne faut pas non plus laisser le temps de la république être contrôlé et finalement taylorisé par des officines dont le rapport à l’intérêt national est tributaire des aléas des intérêts privés.
La communication présidentielle n’est pas qu’une simple communication: chaque discours d’un homme d’État est un acte. Sa communication cesse dès lors d’être sa propriété exclusive, elle est un acte républicain qui doit, par conséquent, être inscrit dans la charpente de la république. Au Sénégal, l’informel qui caractérise la communication du Président de la République et de celle de son gouvernement a atteint des proportions inquiétantes. On a même l’impression que la République est dans la rue, tellement l’institutionnel est dissous dans la tempête du sensationnel servi sans tempérance dans l’espace médiatique ». Celui est donc inondé d’actes et de paroles représentantes et des symboles de la République là où celle-ci est vide d’affaires proprement républicaines. Ne dit-on pas que la communication n’est plus au cœur des enjeux, mais le cœur même des enjeux ?
 Bref, c’est l’espace médiatique qui est devenu le seul espace public cadre des affaires les plus sérieuses de la République.
Or cette situation dangereuse pour la République et ce, pour plusieurs raisons, dont deux principalement. La première est qu’elle débouche sur une désacralisation sans limite du Président de la République par le biais d’une déviation et d’une dénaturation de sa communication. La communication du Président de la République est dés lors dénuée de toute verticalité et, par ricochet, de toute forme de prépondérance. Si de façon récurrente on parle de dualité au sommet de l’État ou d’une dissonance manifeste entre sa parole et celle d’un de ses plus proches collaborateurs, c’est en partie due à la banalisation de la communication du chef de l’État. La deuxième raison est qu’une telle situation donne lieu à tous abus : les experts en communication et tous les charlatans dans ce domaine vendent les recettes les plus fantastiques à l’institution présidentielle et à ses appendices.
Aussi de faire coïncider le discours et la réalité, car la communication n’est pas l’action, certes elle bonifie l’action quand celle-ci comporte une vraie valeur. C’est pour quoi, le gouvernement doit recadrer sa communication, redéployer ses ressources humaines en la matière, bien mesurer, ordonner ses sorites; surtout hiérarchiser les intervenants. Il semble aussi primordiale pour Macky et son parti de pouvoir faire des distinctions entre les domaines de compétence et d’intervention des membres de son parti et du domaine exclusivement réservé à l’Etat; d’autant plus qu’ils sont dans un gouvernent élargi. Que ce soit un Abdou Mbow, Moustapha Cissé Lo, Me Alioune Badara Cissé, Mbaye Ndiaye, Saidou Gueye, Youssou Touré, Abdou Latif Coulibay, Mme Aminata Touré,  Jean Paul Dias, qui parlent le plus souvent mais ne parlent pas hélas le même langage. Par ce que tous les efforts soutenus et structurant posés par l’actuel régime ne sont pas souvent appréhendés à leur juste valeur. D’où forcement un effort de coordination, de segmentation des actions d’autant que la vocation de la communication gouvernementale sera d’assurer l’intégration et la participation de tous les acteurs du développement pour donner des forces et « libérer les énergies. »
Et enfin avoir le courage de rechercher la vérité, la dire, savoir se taire quand il le faut en observant des temps de pause, accorder la primauté à l’action, et attendre les résultats pour communiquer sur le réel et non sur le virtuel.
Ousmane (Macka) LY
Journaliste Spécialisé en Communication
torododoa@yahoo.fr  

Bamba Toure

Dimanche 14 Avril 2013 16:30

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