Un homme du monde par la chanson hier. Un homme d'action pour le développement de l'Afrique par le travail aujourd'hui. Connu pour ses interprétations, l'homme a fait souvent parler de lui pendant cette présidentielle. Comme un citoyen ordinaire qui se joint à une juste cause quand le moment l'exige.
Pour l'histoire, les débuts de Youssou Ndour, dans le monde des artistes ont été durs. Très durs. Pour sa famille comme pour les Sénégalais de l'époque, voir un enfant quitter les bancs pour devenir chanteur, était ressenti comme une trahison. Sa famille a fini par l'accepter. Résignée, mais pas de gaieté de cœur.
L'enfant de la Médina dont on chante les louanges aujourd'hui, n'a pas connu la vie facile. Très timide au début, l'homme qui arrive devant les caméras des débuts de la télévision sénégalaise, s'en voulait un peu de n'avoir pu réaliser ce destin tant voulu par sa famille. Il parlait difficilement ; manquait d'assurance, et ne lisait pas bien le français.
La véritable rupture pour lui commence à la fin des années 1970, moment où il quitte l'Etoile de Dakar pour créer son propre groupe : Le Super Etoile de Dakar. Le nouveau Youssou Ndour était en gestation. Affirmant sa propre identité, quand on sait qu'il cheminé dans ce groupe de l'Etoile, avec de grands chanteurs, comme Eric Mbacké Ndoye, El Hadji Faye, (borom banana), Ouzin et Badou Ndiaye.
L'autre rupture qui a été amorcée avec le même Youssou Ndour date de l'année 1992, quand il sort son album « Womat ». L'homme que les jeunes et les moins jeunes découvrent encore à la télévision dans l'émission du samedi de Moise Ambroise Gomis, a changé de look et de dimension. La casquette qu'il a désormais sur la tête,n'est pas le seul aspect de cette mutation. Mais You, comme on l'appelle maintenant, n'est plus accompagné de son interprète latyr Diouf. C'est lui qui parle. Dans un français « normal », comme on peut dire, il ne baratine pas. Ne bègue pas ; mais parle avec une certaine assurance.
Un symbole de la révolte
Vous avez dit assurance ! Un autre Youssou Ndour arrive, débarrassé de ses soucis de langage à la différence de ses amis Oumar Pène, Baba Maal, Ismaël Lo, Thione Seck qui argumentaient mieux parce qu'étant restés plus longtemps sur les bancs de l'école. Un homme défi. On ne le savait pas encore, mais le voilà devant nous. Et, quand il s'insurge contre l'enrichissement douteux des gens du pouvoir dans un article paru dans un quotidien dakarois, il était dit que l'histoire du mouvement « Fekke maci bole » prenait déjà forme.
La suite coule de source avec l'émergence des jeunes de « Y'en a marre ». Une dynamique que la révolte du 23 juin 2011 conforte dans ses aspects les moins parfaits, pour l'ériger en « Mouvement du 23 juin ». « La cause est entendue », pour paraphraser un homme que vous connaissez bien aujourd'hui sous ses initiales A.W et qui fera les frais de cette mobilisation le 25 mars.
Devant les excès de l'arrogance et de la provocation, le Sénégal gardera le souvenir d'un homme sorti de son mutisme pour s'ériger en protecteur de la démocratie, de l'Etat de droit, de la Nation, de son unité : Youssou Ndour. Sa dernière sortie avec la défaite d'Abdoulaye Wade, ressemble bien à ce que les hommes de raison sont et restent dans la vie, je cite, « Dans ce mouvement, je n'ai joué qu'une des partitions. Chacun ayant joué le sien, il faut surtout remercier tout le peuple… » Une belle leçon d'humilité.