Comme dans beaucoup de capitales africaines, la décennie 2000 aura modifié en profondeur le visage de Dakar. La recomposition sociologique et urbaine a laissé apparaître une nette tendance à la gentrification. Les années Wade sont passées par là, avec leur frénésie immobilière et leurs grands travaux, sur fond d’enrichissement rapide des élites. « Beaucoup d’argent s’est déversé à l’époque du libéralisme… » remarque un proche du maire socialiste de Dakar. Dans le même temps, l’afflux d’une communauté expatriée achevait de bouleverser le profil de la ville : « Il y a eu un déplacement de la richesse. Les frontières ont bougé, mais le cloisonnement entre les populations est resté. »
Sous l’effet conjugué d’une croissance démographique accélérée et d’une élévation du niveau de vie, Dakar est devenu une ville champignon à la prolifération anarchique. Et parce que Dakar est construit sur une presqu’île, celle du cap Vert (dont 97 % sont urbanisés), la rareté du foncier et l’inflation des prix de l’immobilier ont repoussé les ménages les plus modestes vers la lointaine banlieue, laissant les classes moyennes et supérieures redessiner le centre de la capitale.
Les classes moyennes et supérieures redessinent le centre de la capitale.
Cosmopolite
Dans ce chantier à ciel ouvert continuent de fleurir villas imposantes, cités pour classes moyennes et magasins à l’occidentale. Nés au cours des dix dernières années, les nouveaux quartiers accueillent une population sénégalaise plus aisée, à laquelle se mêlent des Occidentaux. Leur confortable qualité de vie n’a pas été sans conséquence sur la flambée des prix. Quant aux anciens, certains ont été envahis par une bourgeoisie cosmopolite, composée de responsables politiques, de hauts fonctionnaires, d’artistes, de créateurs, d’hommes d’affaires et d’expatriés venus de différentes régions… Aux Mamelles, aux Almadies, à Cité-Assemblée (Ouakam) ou à Mermoz, le Dakar des 4x4 et des berlines a pris ses distances avec celui des « cars rapides ».Autrefois situé au cœur du Plateau, le centre de gravité de la capitale s’est progressivement déplacé vers le Nord. Depuis le centre-ville, la deux-voies de la corniche ouest remonte à grande vitesse vers le poumon de la nuit dakaroise : la route de Ngor-Almadies, où se trouve le casino du Cap-Vert et où se succèdent boîtes à la mode, restaurants branchés et bars lounge. Dès qu’on a dépassé le village de pêcheurs de Soumbédioune, place aux nouveaux lieux de prédilection de la Dakar upper class : l’hôtel Terrou Bi, idéal pour un afterwork face à l’océan, le Sea Plazza, qui se présente comme « le premier centre commercial haut de gamme d’Afrique de l’Ouest » et le Radisson Blu, cinq-étoiles à la clientèle VIP. En allant vers le monument de la Renaissance africaine, on rejoint la commune de Ouakam. C’est là, et jusqu’aux Mamelles voisines, qu’une forte concentration d’expatriés et de représentants des milieux arty a élu domicile. Carrefour pour les hommes d’affaires et les organisations internationales, la ville a également conforté son statut de capitale culturelle en multipliant les espaces d’exposition et les événements d’envergure régionale ou mondiale.
Plus au nord, sur la route des Almadies, cette caste cosmopolite s’affiche à la tombée de la nuit. Mannequins, fonctionnaires de l’ONU et jeunesse dorée, rivalisant d’élégance et de grosses cylindrées. Du Five au Charly’s Bar, en passant par le Barramundi, le standing affiché pourrait presque faire oublier le Dakar ensablé des Parcelles-Assainies et les ruelles crasseuses de Niary