Le contre-feu allumé par le gouvernement du Sénégal face à la morosité sociale a entraîné un embrasement généralisé au cours duquel le discours de caniveau se le dispute à la morale et à la déontologie sociales. Le pouvoir en butte au parti de la demande sociale a cru opportun de faire un appel d’air en se lançant dans une terreur morale contre certains opposants. Le retour de boomerang est allé plus loin qu’il ne s’y attendait. Et depuis, ça vole plus bas, avec de gros mots de part et d’autre.
LE VIOL par défloraison de certains biens matériels et immatériels de l’État du Sénégal par ceux-là mêmes qui étaient dépositaires d’une quelconque autorité accélère la déliquescence d’une République telle que observée avec l’arrivée des Libéraux au pouvoir, en l’an 2000. Les « affaires » Abdou Mbaye, ancien Premier ministre, Nafy Ngom Keïta Ndour, Inspectrice général d’État relevée de son poste de l’Office national de lutte contre la corruption, et, dans une moindre mesure, Ousmane Sonko, inspecteur des Impôts et Domaines reversé en politique depuis la mise hors circuit deTahibou Ndiaye , ces dossiers donc ont démontré la descente aux enfers d’une République sans morale collective qui entraîne la dignité de ceux qui sont choisis pour être au service de la collectivité, quelle que soit leur station dans l’architecture administrative de l’État, au sens culturel. Et depuis lors ça déballe sans retenue. Déjà, le politique n’avait plus la cote, comme l’attestent les importants taux d’abstention lors de consultations électorales ; avec les insanités actuelles déversées sur la place publique, la coupe est pleine et les populations sénégalaises, dans un réflexe « indigné » atavique de solidarité avec ceux qui sont perçus comme les persécutés d’un pouvoir surpris par les coups de Jarnac, s’accommodent d’une situation de Zorro des temps de Julien Assange assimilés à des héros.
La forme épistolaire choisie par l’ancienne patronne de l’Office national de Lutte contre la Fraude et la concussion (Ofnac) a faussé dès l’abord les relations entre l’employeur et l’employée quand l’élue a contesté l’impécuniosité dans laquelle était plongée par la faute d’un déséquilibre administratif qui crée une entité nouvelle sans préciser les fonds nécessaires à son fonctionnement, en tout cas sans les mettre à disposition ; la timide réaction de l’autorité a renforcé une dame qui a maintenu cette nouvelle forme de communication administrative avec ce Complexe de la dépêche qui a vicié le travail des journalistes, médiateurs sociaux pêchant dans la pratique de la collecte, du traitement et de la diffusion de l’information : brûlée par la chaleur de sa dépêche (son rapport) maintenue pourtant au frigo pendant près d’un semestre, Nafissa Ngom Keíta a succombé au complexe du journaliste qui ne veut pas se faire doubler : elle a choisi un mdia chaud (la conférence de presse) pour livrer les grandes « Unes » de ses enquêtes. La publication de son rapport 2014-2015, retardée en fin-mai lui a a si valu la critique des principales parties contractantes, appuyées, il est vrai, par des proches du chef de l’État, ce qui donne un caractère politique au dossier, cependant que la partie politique de l’État s’émeut d’une rupture administrative d’une primauté dont elle a été sevrée.
Quant à lui, l’ancien Premier ministre a d’abord été perçu et analysé comme homme lige d’un groupe auprès duquel Macky Sall s’était engagé d’autant plus allègrement entre 2009 et 2010 qu’il se voyait plus candidat qu’élu ; Abdou Mbaye, banquier spécialisé dans l’actif plus que dans le passif (Banque sénégalo-tunisienne et dossier Hissène Habré en particulier), semble aujourd’hui remplacer au pied levé celui qui n’amuse plus la France dans sa course à la présidentielle sénégalaise ratée de 2007 renvoyée aux calendes de 2019. Inconnu du bataillon politique de même que Karim Wade du Parti démocratique sénégalais, il bénéficie malgré lui d’une publicité faite autour de lui, qu’il dilue malheureusement dans une irresponsabilité telle que, sans retenue, il libère sa parole donneur en dvoilant des dossiers auxquels seule sa station antérieure, occupée au nom de la Nation, lui a donné accès et qu’il devait taire, pour prendre de la hauteur.
Enfin, la détermination (Pastef) de Ousmane Sonko est née d’une radicalisation au lendemain de l’affaire Tahibou Ndiaye qu’il a menée tambour battant ; comme avec l’ancien Premier ministre, il a compris que le champ politique lui tendait les bras s’il voulait plus de transparence dans les affaires de la cité. Dans ce cas-ci comme dans les précédents, les acteurs oublient qu’ils ont contrat avec une puissance publique qui leur permet d’accéder à certaines informations ; ces données appartiennent exclusivement à l’employeur et toute autre destination subsidiaire devient un dol.
Pourtant, l’opinion publique sénégalaise a pris fait et cause pour les incriminés, dans un élan de solidarité atavique que la société noue par solidarisme durkheimien avec ceux qu’elle perçoit comme victimes du plus fort. C’est que, conscient de la délicatesse de la situation socio-politique avec les événements ante et post-23 juin, le pouvoir a cru intelligent d’allumer des pare-feu en versant dans la délation aux fins d’affaiblissement d’adversaires potentiels ou réels (Idrissa Seck à titre principal, subsidiairement Khalifa Sall, le maire de Dakar, et l’ancien Premier ministre Abdou Mbaye surpris par la publicité à lui faite). Pour des populations revenues de leurs illusions, l’affaire ne pouvait prospérer ; bien au contraire, elles ont rejeté la démarche moins pour les incriminés que rejet d’un pouvoir erratique.