Nouveau khalife général des tidianes, Serigne Cheikh Tidiane Sy, 86 ans, est un homme qui s’est affranchi du conservatisme religieux pour s’offrir une identité propre à lui. Celle d’un homme d’ouverture et moderne.
Dans l’imaginaire des Sénégalais, une simple expression expose la personnalité de Serigne Cheikh Tidiane Sy : «S’il s’exprime cette année, il ne reparlera qu’à pareille époque.» Nouveau khalife général des Tidianes, il est l’incarnation de l’élégance, de l’éloquence, un condensé de savoir et de savoir-faire. Ses sorties sont épiées, ses discussions sont gobées par une assistance passionnée par sa personnalité insondable. Père de Serigne Moustapha Sy, fondateur du mouvement Moustarchidine Wal Moustarchidaty, Al Makhtoum est tout simplement bonté fait homme dont les fondements sont insaisissables. Né à Saint-Louis comme son père Khalifa Ababacar Sy en 1925 dont il est le troisième fils, Serigne Cheikh est une personnalité à tiroirs. Une personnalité forgée aussi dans les vicissitudes de la vie. Mais, c’est un personnage éternel qui s’ancre définitivement dans l’histoire multiséculaire de la Tidianiya dont il incarne désormais le leadership. Par atavisme aussi.
Ce serait bien sûr assez ringard de mesurer son éminence au seul avantage de sa généalogie. Certes, l’héritage est prestigieux. Mais, le nouveau khalife a bâti sa réputation et sa science par le déterminisme de sa volonté individuelle. Dès l’enfance, son génie et ses aptitudes intellectuelles étonnent et détonnent dans l’univers familial où l’assiduité aux enseignements constitue la première évaluation des habitués de l’Agora paternel. Lui jouait au foot, vaquait à d’autres occupations. Au moment des interrogations coraniques, il rétablissait pourtant l’ordre sous l’œil embué de son éminent père. Serigne Mansour Sy, défunt khalife général des Tidianes, s’inclinait même devant sa science. Autrefois, il disait : «Serigne Cheikh est un génie. Notre papa nous disait de ne pas le suivre dans ses divertissements parce qu’il était un surdoué.» De sa voix cristalline, l’apprenant surdoué récitait ses leçons sans anicroche et suscitait le respect. A l’âge de14 ans, il a bouclé prématurément les cycles inférieur et moyen des études islamiques. A 16 ans, il publie son premier livre : Les vices des marabouts. Plus tard, il écrivit L’inconnu de la nation sénégalaise : El-Hadji Malick Sy. A la trentaine, il effectue son premier voyage à Paris où il vit, bien plus tard pendant cinq ans, une sorte d’exil.
Il est multidimensionnel. Islamo-moderne, Serigne Cheikh Tidiane Sy est un homme de son temps. Du haut de sa chaire de chef religieux, il s’ouvre aussi à son époque. Dans l’entourage de son père, il inocule le virus de la modernité au khalifat. Il instaure le téléphone au domicile familial, apparaît décoiffé, manie le français. Bref, il est le prototype d’un marabout moderne.
Cette ambivalence lui ouvre de nouvelles perspectives politico-religieuses. En contact avec le monde politique dont les relations sont en dents de scie, il fonde le Parti de la solidarité sénégalaise (Pss, opposition à Senghor), avec divers politiques notamment Ibrahima Seydou Ndao et Me Moustapha Wade, ainsi que le marabout Cheikh Ibrahima Niass. En 1959, la contestation de résultats électoraux jugés «tronqués» par le Pss et le Pai (gauche) vaudra à Cheikh un séjour carcéral.
Homme d’affaires
Malgré cet accroc, les deux hommes surmontent leur désaccord. Senghor le nomme ambassadeur au Caire auprès de la République arabe unie (Egypte et Syrie). La fin n’est pas élogieuse. Sa nomination est escortée de fautes de gestion, des soupçons de rapprochement inquiétant avec les milieux arabo-musulmans précipitent le clash. Sur les faits, le marabout-ambassadeur a réussi à développer une coopération culturelle féconde en faisant parvenir des milliers d’ouvrages à destination des arabisants sénégalais.
Cette tranche de vie lui confère une aura chez le monde intellectuel qui voit en lui la rencontre entre l’intellect et le marabout. Il est l’incarnation du renouveau de l’Islam au Sénégal. Parsemé de rapprochement et de rupture, son parcours est aussi marqué par la fondation de l’Association éducative islamique et du journal L’islam éternel. En multipliant les conférences islamiques, Serigne Cheikh intègre la science, la culture, la politique, la société et les relations internationales dans ses actions religieuses. Mais, «l’Islam et la négritude» passionnent toujours son vieil auditoire. Mystique, intellectuel et politique, Cheikh Tidiane est aussi un homme d’affaires prospère. Producteur d’arachide, industriel, il était l’actionnaire majoritaire de la Sococim. Avant de connaître des ennuis avec Abdou Diouf, Président de l’époque.
Cette brillance est un gage. Chez son exigeant et vénéré père, il joue les premiers rôles dans l’entourage du khalife. Sur sa désignation, il animait le Gamou, était l’interlocuteur des dahiras et des délégations officielles. Après le rappel à Dieu du défunt khalife, Serigne Cheikh se sert de cette influence auprès de son père et de son aura propre auprès des muqqadams (dignitaires) et des fidèles pour revendiquer la légitimité dans la succession. Et depuis, il nourrit toujours ce rêve. Pendant des années, cette ambition a fragilisé la géopolitique familiale. Pendant plusieurs années, Tivaoune, la Sainte et berceau de la Tidianiya, célébrait deux Maouloud à cause de cette contradiction concurremment, à côté de celui de ses frères et celui de ses cousins. Pourtant, la première scission date du début des années 50, suite à un conflit entre Khalifa Ababacar et ses demi-frères. Au Champ des courses, le rendez-vous est réputé, les discussions enfiévrées sont étayées par des faits sociétaux. Alliant maîtrise de la parole, humour et dérision, le rendez-vous est couru par les fidèles qui raffolent de ses paraboles. Même si les divergences sont toujours actuelles, le rapprochement des dernières années a ramené la quiétude dans l’espace familial. A 86 ans, il est le nouveau khalife général des Tidianes. C’est lui le nouveau directeur des consciences.
Dans l’imaginaire des Sénégalais, une simple expression expose la personnalité de Serigne Cheikh Tidiane Sy : «S’il s’exprime cette année, il ne reparlera qu’à pareille époque.» Nouveau khalife général des Tidianes, il est l’incarnation de l’élégance, de l’éloquence, un condensé de savoir et de savoir-faire. Ses sorties sont épiées, ses discussions sont gobées par une assistance passionnée par sa personnalité insondable. Père de Serigne Moustapha Sy, fondateur du mouvement Moustarchidine Wal Moustarchidaty, Al Makhtoum est tout simplement bonté fait homme dont les fondements sont insaisissables. Né à Saint-Louis comme son père Khalifa Ababacar Sy en 1925 dont il est le troisième fils, Serigne Cheikh est une personnalité à tiroirs. Une personnalité forgée aussi dans les vicissitudes de la vie. Mais, c’est un personnage éternel qui s’ancre définitivement dans l’histoire multiséculaire de la Tidianiya dont il incarne désormais le leadership. Par atavisme aussi.
Ce serait bien sûr assez ringard de mesurer son éminence au seul avantage de sa généalogie. Certes, l’héritage est prestigieux. Mais, le nouveau khalife a bâti sa réputation et sa science par le déterminisme de sa volonté individuelle. Dès l’enfance, son génie et ses aptitudes intellectuelles étonnent et détonnent dans l’univers familial où l’assiduité aux enseignements constitue la première évaluation des habitués de l’Agora paternel. Lui jouait au foot, vaquait à d’autres occupations. Au moment des interrogations coraniques, il rétablissait pourtant l’ordre sous l’œil embué de son éminent père. Serigne Mansour Sy, défunt khalife général des Tidianes, s’inclinait même devant sa science. Autrefois, il disait : «Serigne Cheikh est un génie. Notre papa nous disait de ne pas le suivre dans ses divertissements parce qu’il était un surdoué.» De sa voix cristalline, l’apprenant surdoué récitait ses leçons sans anicroche et suscitait le respect. A l’âge de14 ans, il a bouclé prématurément les cycles inférieur et moyen des études islamiques. A 16 ans, il publie son premier livre : Les vices des marabouts. Plus tard, il écrivit L’inconnu de la nation sénégalaise : El-Hadji Malick Sy. A la trentaine, il effectue son premier voyage à Paris où il vit, bien plus tard pendant cinq ans, une sorte d’exil.
Il est multidimensionnel. Islamo-moderne, Serigne Cheikh Tidiane Sy est un homme de son temps. Du haut de sa chaire de chef religieux, il s’ouvre aussi à son époque. Dans l’entourage de son père, il inocule le virus de la modernité au khalifat. Il instaure le téléphone au domicile familial, apparaît décoiffé, manie le français. Bref, il est le prototype d’un marabout moderne.
Cette ambivalence lui ouvre de nouvelles perspectives politico-religieuses. En contact avec le monde politique dont les relations sont en dents de scie, il fonde le Parti de la solidarité sénégalaise (Pss, opposition à Senghor), avec divers politiques notamment Ibrahima Seydou Ndao et Me Moustapha Wade, ainsi que le marabout Cheikh Ibrahima Niass. En 1959, la contestation de résultats électoraux jugés «tronqués» par le Pss et le Pai (gauche) vaudra à Cheikh un séjour carcéral.
Homme d’affaires
Malgré cet accroc, les deux hommes surmontent leur désaccord. Senghor le nomme ambassadeur au Caire auprès de la République arabe unie (Egypte et Syrie). La fin n’est pas élogieuse. Sa nomination est escortée de fautes de gestion, des soupçons de rapprochement inquiétant avec les milieux arabo-musulmans précipitent le clash. Sur les faits, le marabout-ambassadeur a réussi à développer une coopération culturelle féconde en faisant parvenir des milliers d’ouvrages à destination des arabisants sénégalais.
Cette tranche de vie lui confère une aura chez le monde intellectuel qui voit en lui la rencontre entre l’intellect et le marabout. Il est l’incarnation du renouveau de l’Islam au Sénégal. Parsemé de rapprochement et de rupture, son parcours est aussi marqué par la fondation de l’Association éducative islamique et du journal L’islam éternel. En multipliant les conférences islamiques, Serigne Cheikh intègre la science, la culture, la politique, la société et les relations internationales dans ses actions religieuses. Mais, «l’Islam et la négritude» passionnent toujours son vieil auditoire. Mystique, intellectuel et politique, Cheikh Tidiane est aussi un homme d’affaires prospère. Producteur d’arachide, industriel, il était l’actionnaire majoritaire de la Sococim. Avant de connaître des ennuis avec Abdou Diouf, Président de l’époque.
Cette brillance est un gage. Chez son exigeant et vénéré père, il joue les premiers rôles dans l’entourage du khalife. Sur sa désignation, il animait le Gamou, était l’interlocuteur des dahiras et des délégations officielles. Après le rappel à Dieu du défunt khalife, Serigne Cheikh se sert de cette influence auprès de son père et de son aura propre auprès des muqqadams (dignitaires) et des fidèles pour revendiquer la légitimité dans la succession. Et depuis, il nourrit toujours ce rêve. Pendant des années, cette ambition a fragilisé la géopolitique familiale. Pendant plusieurs années, Tivaoune, la Sainte et berceau de la Tidianiya, célébrait deux Maouloud à cause de cette contradiction concurremment, à côté de celui de ses frères et celui de ses cousins. Pourtant, la première scission date du début des années 50, suite à un conflit entre Khalifa Ababacar et ses demi-frères. Au Champ des courses, le rendez-vous est réputé, les discussions enfiévrées sont étayées par des faits sociétaux. Alliant maîtrise de la parole, humour et dérision, le rendez-vous est couru par les fidèles qui raffolent de ses paraboles. Même si les divergences sont toujours actuelles, le rapprochement des dernières années a ramené la quiétude dans l’espace familial. A 86 ans, il est le nouveau khalife général des Tidianes. C’est lui le nouveau directeur des consciences.