Le chef de l’Etat, précautionneux en diable, a finalement trouvé solution aux deux banales équations. Profitant de la migration de la Secrétaire général de la Présidence de la République Aminata Tall vers le Conseil économique, social et environnemental, il fait appel à de hauts fonctionnaires aux compétences avérées pour faire des résultats. D’autres collaborateurs, politiquement moins importants, sont casés ailleurs ou simplement virés. Quant à Idrissa Seck, l’Apr est monté en première ligne pour lui pourrir la vie. Ces chamboulements et agitations politiciennes qui font désordre ne doivent cependant pas étonner…
Elles tiennent toutes, d’une certaine façon, au mode d’accession au pouvoir du président Sall. Certes le candidat de Macky 2012 a parcouru des milliers de kilomètres, pendant deux ans, pour prendre le pouls de son peuple et le convaincre de la pertinence du programme «Yoonu Yokkute», mais il a fallu la Sainte Alliance Benno Bokk Yaakar pour accéder au saint des saints. Personne, sauf quelques thuriféraires, n’a oublié : au premier tour de la Présidentielle 2012, l’Apr plafonnait à 26%. Petit score pour petit parti. Ainsi, une fois élu, le président Sall a fait avec ce qu’il avait. Il fallait bien servir les compagnons de la première heure, les nombreux et envahissants alliés, les vieux potes, les journalistes amis, la famille, petite et grande et tutti quanti. Les mélanges, on le sait, sont souvent détonants. Hélas, à l’épreuve, redoutable, du pouvoir, les limites de quelques uns de ces messieurs et dames ont été vite décelées. Aux uns il manquait l’expérience des choses de l’Etat, ce qui en l’espèce ne pardonne pas. Aux autres, il était reproché des manquements dont on ignore encore les contours exacts. Tout ou presque a été dit sur les derniers chamboulements dans l’espace présidentiel. Mais le limogeage qui fait jaser demeure celui de l’assistante du chef de l’Etat. On la pensait irréprochable et par conséquent inamovible. Limogeage auquel le nom de Madame Sall est associé … Vrai ou faux, peu importe, mais ce départ qualifié de «douloureux» remet sur le tapis la supposée trop grande influence de la Première Dame qui, il est utile de le rappeler, n’exerce aucune fonction officielle.
Les vagues explications avancées par-ci par-là sur la nature de ces diverses séparations n’ayant convaincu personne, il faut peut-être en chercher les raisons ailleurs. On peut penser que le président, auteur principal de ce mauvais casting, n’a pas sérieusement pensé à la composition de son équipe avant son élection. Et qu’il est mauvais juge en matière d’homme, ce qui aussi ne pardonne pas à cette «station», très différente de celles, nombreuses, qu’il a eues à occuper sous le règne du président Wade. Mais enfin, ceux qui adorent le président Sall pourront toujours invoquer le vieil adage latin, «errare humanum est, sed perseverare diabolicum». En tout cas, d’autres séparations sont annoncées ici et là. Laissons donc le président laver à grande eau, une prérogative constitutionnelle entre autres…
Pour ce qui est des relations, jusque là correctes, entre le président Sall et «l’allié encombrant» Idrissa Seck, elles sont devenues des plus mauvaises. Quelques observateurs de la scène politique annoncent même la rupture imminente, qui semble d’ailleurs voulue autant par l’Apr que par Rewmi. Quand le premier dit «taisez-vous», les seconds rétorquent «Nous ne nous tairons pas sur les dérives». C’est une façon comme une autre de déclarer la guerre. Idrissa Seck et les siens iront sûrement préparer les Locales de 2014 et la Présidentielle de 2017. Il faut savoir, dit-on, partir à temps. Les actuelles bisbilles qui enchantent certainement les deux camps, ennemis hier et alliés de circonstance, s’inscrivent gaillardement dans l’ordre des choses. Ceux qui aiment le président Sall resteront avec lui, ceux qui le détestent partiront. Les premiers gouverneront, les seconds s’opposeront. Pour dire le vrai, il n’y a pas à s’émouvoir car ainsi marche la démocratie.