«J'ai intégré les Thiantacounes, quand j'étais en classe de Terminale série L2 au lycée Kennedy. J'avais une copine qui était Thiantacoune, elle habitait à Liberté 5 et elle me parlait souvent de Cheikh Béthio Thioune. Un jour, le marabout est venu au sein de notre établissement. J'étais tentée et je me suis dit que j'allais faire acte d'allégeance. C'était en 2007 et ma copine m'a amenée à Ndiouroul, fief du marabout à Mermoz (quartier de Dakar). Un soir, sans demander la permission à mes parents, je suis partie au domicile du Cheikh pour le rencontrer. J'ai trouvé une longue file de fidèles, j'ai rampé jusque devant le Cheikh, je lui ai tendu mes deux mains. Il a prononcé quelques mots. Je lui ai dit que je lui confiais, désormais, ma vie sur terre et dans l'au-delà. J'ai décliné mon identité et un de ses chambellans a inscrit mon nom sur un registre. Après, on m'a fait savoir qu'il fallait que j'adhère impérativement à un «dahira» (cellule de quartier) pour être un vrai disciple. C'est ainsi que j'ai adhéré au «dahira» de Ouagou Niayes. Comme j'étais la première fille du «dahira», j'ai été nommée responsable des filles.
L'adhésion chez les «Thiantacounes» n'a pas perturbé mes cours. Car les «dahiras» se tenaient les mercredis soir. Et les samedis, je passais la nuit à Ndiouroul pour les Thiants (soirée de grâce). Il y avait deux rangées à l'intérieur des bâches, celle des femmes et celle des hommes. Mais aux alentours, c'était le désordre total. Hommes et femmes se mêlaient assis sur des nattes. Surtout ceux qui sortaient de la bâche, ils étaient tout le temps collés les uns aux autres. Il y a des couples qui passaient du bon temps...
Un jour, le responsable de notre «dahira», dont je préfère taire le nom, est venu chez moi pour une visite de courtoisie. Mais à ma grande surprise, il m'a dit que le Cheikh devait célébrer des mariages à Ndiouroul. Le samedi, nous nous sommes rendus au domicile du Cheikh. Ce dernier devait célébrer deux mariages ce jour-là. Mais il a dit aux talibés (disciples) que ce nombre était très réduit et qu'il voulait en célébrer d'autres. C'est ainsi qu'un disciple s'est levé, une fille s'est aussi levée et le Cheikh a béni leur relation. Cela m'a choqué, car je me suis dit que c'était trop facile de se marier avec quelqu'un que l'on ne connaissait pas. Mais à ma grande surprise, un autre disciple très beau s'est levé. Il était drapé d'un «Obasanjo» (boubou traditionnel).demi-saison) bleu et trois filles se sont levées. Le Cheikh qui était très content a dit : «Personne d'entre elles ne va s'asseoir, je bénis ta relation avec toutes les trois. Elles sont toutes tes épouses.» J'ai commencé à me méfier. Mais le spectacle qui s'offrait à mes yeux était loin de se terminer. Un disciple qui était assis devant s'est à son tour levé et a dit «les belles filles sont derrière» et il a traversé la foule et s'est approché de moi, tenant mon bras pour que je me lève. J'avais porté une tunique rouge. Et le responsable de notre « dahira» s'est levé pour lui dire que j'étais la deuxième responsable du «dahira». C'est à ce moment même que j'ai su que si on est responsable dans le «dahira», on bénéficie de certains privilèges. Deux jours après, le responsable de notre «dahira» est venu m'informer de la célébration de 100 mariages, le samedi suivant. Il m'a demandé s'il pouvait m'inscrire sur la liste. Je lui ai demandé le pourquoi. Mais, il faisait dans le clair obscur, ses réponses étaient hésitantes. Il a alors commencé à me parler de Serigne Saliou en me disant qu'on devait suivre tout ce que le Cheikh disait sans broncher. Je lui ai fait savoir que je ne voulais pas me marier. Il a commencé à me harceler, en me disant que je posais trop de questions. Je lui ai répondu que je n'étais amoureuse d'aucun disciple. Il m'a encore dit que je devais me marier avec l'un d'eux, car j'étais responsable d'un «dahira», et qu'il allait m'inscrire et s'inscrire aussi. Je lui ai opposé un refus catégorique. Il est parti sans rien dire.
Le samedi, nous sommes partis à Mermoz. Le Cheikh avait demandé à chaque disciple une contribution financière pour les besoins du Magal de Touba. Mais le Cheikh avait clairement dit que la plus petite somme qui devait être donnée était de dix mille FCFA. Ce jour-là, on rassemblait l'argent. Il y avait une liste avec le montant donné par chaque disciple. Un de ses proches a commencé à lire la liste des noms de ceux qui ont contribué. Il était minuit. Il a commencé par les Etats-Unis où les disciples donnaient des millions. C'est lorsqu'il a commencé à dire les contributions des disciples du Sénégal que les montants ont commencé à baisser. Cela s'est poursuivi jusqu'au petit matin, pour vous dire comment le montant était important. Vers 7H du matin, ce proche du Cheikh a dit qu'un disciple a donné 1 000 FCFA. Le Cheikh était tellement en colère qu'il a arraché le micro et a crié : «Comment ça ? Qui ose donner mille FCFA ?» Le préposé au micro s'est alors repris pour dire qu'il s'était trompé. J'étais étonnée du comportement du Cheikh, car je me disais qu'un guide religieux ne devait rien exiger de ses disciples, jusqu'à demander des sommes aussi élevées. C'est ce jour-là, que j'ai décidé que je n'allais plus assister au Thiant (action de grâce) du Cheikh. C'est à cet instant précis que j'ai été déçu par Béthio. Quand j'ai décidé de quitter les Thiantacounes, il y avait le «Jawrigne» (chef) de Ouagou Niayes qui me reprochait mon attitude. Mais j'ai persisté en coupant les ponts pour de bon, en fin 2009.
«Je n'ai jamais assisté à une séance de prière chez les Thiantacounes»
Je n'ai jamais assisté à une séance de prière là-bas. Le Cheikh ne parlait que de Serigne Saliou. Il se référait à lui en toute chose. Les gens privilégiaient plus les choses matérielles qu'autre chose. On chantait et on dansait jusqu'au petit matin. C'est vrai que mes parents n'étaient pas d'accord que je sois Thiantacoune, mais j'ai bravé l'interdit familial. Je ne savais pas ce qui me poussait à défier mes parents au profit de Cheikh Béthio. Les déchirements étaient plus prégnants, quand je passais la nuit du samedi aux Thiant. Quand je revenais le dimanche matin, c'était souvent le clash avec mes parents. Quand on passait la nuit à Diouroul, je prenais mes précautions en restant avec des copines à l'intérieur de la bâche. D'autant qu'à l'extérieur, il se passait du n'importe quoi. On voyait facilement des couples qui s'enlaçaient. Heureusement, je ne me suis pas engagée pour ça. La seule chose qui m'intéressait, c'était de découvrir le mystère qui était derrière le Cheikh. Mais finalement, j'ai été déçue. Aujourd'hui, avec le meurtre de deux de ses disciples, l'histoire m'a donné raison. Pour moi, Béthio était un gros point d'interrogations. Le Cheikh a fait beaucoup de mal, je connais une fille qui habitait les Hlm (Dakar), son père l'avait chassée de sa maison, car elle ne cessait de suivre Béthio, elle a dû arrêter les études pour une grossesse qu'elle a contractée. Le Cheikh a gâché les relations d'avec ses parents.»
SOURCE : L’OBS CODOU BADIANE & MOR TALLA GAYE
L'adhésion chez les «Thiantacounes» n'a pas perturbé mes cours. Car les «dahiras» se tenaient les mercredis soir. Et les samedis, je passais la nuit à Ndiouroul pour les Thiants (soirée de grâce). Il y avait deux rangées à l'intérieur des bâches, celle des femmes et celle des hommes. Mais aux alentours, c'était le désordre total. Hommes et femmes se mêlaient assis sur des nattes. Surtout ceux qui sortaient de la bâche, ils étaient tout le temps collés les uns aux autres. Il y a des couples qui passaient du bon temps...
Un jour, le responsable de notre «dahira», dont je préfère taire le nom, est venu chez moi pour une visite de courtoisie. Mais à ma grande surprise, il m'a dit que le Cheikh devait célébrer des mariages à Ndiouroul. Le samedi, nous nous sommes rendus au domicile du Cheikh. Ce dernier devait célébrer deux mariages ce jour-là. Mais il a dit aux talibés (disciples) que ce nombre était très réduit et qu'il voulait en célébrer d'autres. C'est ainsi qu'un disciple s'est levé, une fille s'est aussi levée et le Cheikh a béni leur relation. Cela m'a choqué, car je me suis dit que c'était trop facile de se marier avec quelqu'un que l'on ne connaissait pas. Mais à ma grande surprise, un autre disciple très beau s'est levé. Il était drapé d'un «Obasanjo» (boubou traditionnel).demi-saison) bleu et trois filles se sont levées. Le Cheikh qui était très content a dit : «Personne d'entre elles ne va s'asseoir, je bénis ta relation avec toutes les trois. Elles sont toutes tes épouses.» J'ai commencé à me méfier. Mais le spectacle qui s'offrait à mes yeux était loin de se terminer. Un disciple qui était assis devant s'est à son tour levé et a dit «les belles filles sont derrière» et il a traversé la foule et s'est approché de moi, tenant mon bras pour que je me lève. J'avais porté une tunique rouge. Et le responsable de notre « dahira» s'est levé pour lui dire que j'étais la deuxième responsable du «dahira». C'est à ce moment même que j'ai su que si on est responsable dans le «dahira», on bénéficie de certains privilèges. Deux jours après, le responsable de notre «dahira» est venu m'informer de la célébration de 100 mariages, le samedi suivant. Il m'a demandé s'il pouvait m'inscrire sur la liste. Je lui ai demandé le pourquoi. Mais, il faisait dans le clair obscur, ses réponses étaient hésitantes. Il a alors commencé à me parler de Serigne Saliou en me disant qu'on devait suivre tout ce que le Cheikh disait sans broncher. Je lui ai fait savoir que je ne voulais pas me marier. Il a commencé à me harceler, en me disant que je posais trop de questions. Je lui ai répondu que je n'étais amoureuse d'aucun disciple. Il m'a encore dit que je devais me marier avec l'un d'eux, car j'étais responsable d'un «dahira», et qu'il allait m'inscrire et s'inscrire aussi. Je lui ai opposé un refus catégorique. Il est parti sans rien dire.
Le samedi, nous sommes partis à Mermoz. Le Cheikh avait demandé à chaque disciple une contribution financière pour les besoins du Magal de Touba. Mais le Cheikh avait clairement dit que la plus petite somme qui devait être donnée était de dix mille FCFA. Ce jour-là, on rassemblait l'argent. Il y avait une liste avec le montant donné par chaque disciple. Un de ses proches a commencé à lire la liste des noms de ceux qui ont contribué. Il était minuit. Il a commencé par les Etats-Unis où les disciples donnaient des millions. C'est lorsqu'il a commencé à dire les contributions des disciples du Sénégal que les montants ont commencé à baisser. Cela s'est poursuivi jusqu'au petit matin, pour vous dire comment le montant était important. Vers 7H du matin, ce proche du Cheikh a dit qu'un disciple a donné 1 000 FCFA. Le Cheikh était tellement en colère qu'il a arraché le micro et a crié : «Comment ça ? Qui ose donner mille FCFA ?» Le préposé au micro s'est alors repris pour dire qu'il s'était trompé. J'étais étonnée du comportement du Cheikh, car je me disais qu'un guide religieux ne devait rien exiger de ses disciples, jusqu'à demander des sommes aussi élevées. C'est ce jour-là, que j'ai décidé que je n'allais plus assister au Thiant (action de grâce) du Cheikh. C'est à cet instant précis que j'ai été déçu par Béthio. Quand j'ai décidé de quitter les Thiantacounes, il y avait le «Jawrigne» (chef) de Ouagou Niayes qui me reprochait mon attitude. Mais j'ai persisté en coupant les ponts pour de bon, en fin 2009.
«Je n'ai jamais assisté à une séance de prière chez les Thiantacounes»
Je n'ai jamais assisté à une séance de prière là-bas. Le Cheikh ne parlait que de Serigne Saliou. Il se référait à lui en toute chose. Les gens privilégiaient plus les choses matérielles qu'autre chose. On chantait et on dansait jusqu'au petit matin. C'est vrai que mes parents n'étaient pas d'accord que je sois Thiantacoune, mais j'ai bravé l'interdit familial. Je ne savais pas ce qui me poussait à défier mes parents au profit de Cheikh Béthio. Les déchirements étaient plus prégnants, quand je passais la nuit du samedi aux Thiant. Quand je revenais le dimanche matin, c'était souvent le clash avec mes parents. Quand on passait la nuit à Diouroul, je prenais mes précautions en restant avec des copines à l'intérieur de la bâche. D'autant qu'à l'extérieur, il se passait du n'importe quoi. On voyait facilement des couples qui s'enlaçaient. Heureusement, je ne me suis pas engagée pour ça. La seule chose qui m'intéressait, c'était de découvrir le mystère qui était derrière le Cheikh. Mais finalement, j'ai été déçue. Aujourd'hui, avec le meurtre de deux de ses disciples, l'histoire m'a donné raison. Pour moi, Béthio était un gros point d'interrogations. Le Cheikh a fait beaucoup de mal, je connais une fille qui habitait les Hlm (Dakar), son père l'avait chassée de sa maison, car elle ne cessait de suivre Béthio, elle a dû arrêter les études pour une grossesse qu'elle a contractée. Le Cheikh a gâché les relations d'avec ses parents.»
SOURCE : L’OBS CODOU BADIANE & MOR TALLA GAYE