Paradoxe sénégalais, les marabouts qui tirent leur autorité d’un mode de dévolution successorale, familiale, tiennent la laisse courte au président de la République et à ses représentants qui tirent leur légitimité de la volonté populaire.Abdoulaye Wade a joué à outrance cette carte pour se faire adouber par la communauté mouride et son successeur,Macky Sall, est un acteur ambulant qui se produit dans les toutes les capitales confrériques, mêlant génuflexions et promesses mirobolantes.
Devant des combattants couchés, devant un tel bal des complaisants, il n’est guère étonnant que la hardiesse maraboutique déborde les limites de la bienséance républicaine. Rien d’étonnant ! La pratique maraboutique est devenue une profession libérale en essor constant. Ces marabouts qui sont censés être des représentants du spirituel ont des préoccupations bien terrestres. Pourquoi donc renvoyer le paradis dans l’au-delà… Les préoccupations de cestrafiquants de privilèges célestes sont tristement matérielles : de l’argent, des terres, des passeports diplomatiques, des vivres et j’en passe. Ce que les représentants de l’Etat s’empressent de satisfaire bruyamment pour rallier à leur cause les talibés de cette classe maraboutique.
Il est temps de casser cette alliance des classes (politique et maraboutique) pour remettre la République à l’endroit. Quand Macky Sall a qualifié les marabouts de citoyens ordinaires, certains tartuffes enturbannés ont poussé des cris d’orfraie pour tuer le bon sens du nouveau venu dans l’œuf. Normal, la République sénégalaise a l’habitude de planter des auréoles dorées dans le jardin des marabouts. Mais dans sa quête d’un rééquilibrage moral, dans sa foulée pour un réajustement des valeurs, Macky ouvrirait très vite la porte du soupçon s’il ne s’obligeait à la hauteur et à l’exemplarité. Les Sénégalais sont fatigués des diversions rhétoriques et l’ont fait savoir à son prédécesseur de belle manière. S’il espère commander le respect, il lui faudra certainement rhabiller la République de ses atours retrouvés en mars dernier, date de sa victoire historique. Son discours électoral célébrait le bon sens politique, bannissait l’esprit de cour et promettait une rupture raisonnée dans les cérémonies et les actes du pouvoir. La première des ruptures serait, justement, de renvoyer nos marabouts à leur vrai rôle.