Le pouvoir attire les politiques comme la fleur aimante les abeilles. L’alternance politique de 2000 a donné une parfaite illustration à cette réalité. Le changement de régime avait dévoilé une porosité entre les partis et montré que les référents idéologiques n’étaient pas des cloisons idéologiques étanches. Aux premières heures de la défaite des socialistes, une bonne partie de ses militants de souche avait rejoint le camp des vainqueurs. Le second changement intervenu au mois de mars dernier a fait déferler une nouvelle vague de transhumance. Adama Sall, le récent ministre de l’Urbanisme sous l’alternance ouvre le bal des déserteurs. Flairant la défaite imminente de son candidat, Adama Sall tourne casaque entre les deux tours de la présidentielle. Il rejoint Macky Sall candidat du camp adverse. D’autres barons libéraux suivent les pas de l’ancien ministre. Baïla Wane, militant authentique du Parti démocratique sénégalais (Pds) lui aussi renonce à ses convictions politiques primaires. Peut-être pour sauver ses arrières. Car le directeur de la Lonase est éclaboussé par des scandales énormes. Le leader de Baïla Mobilise pour Wade (Bmw) dépose ses baluchons chez ses rivaux. Ces deux départs précoces marquent le début d’une hémorragie dans le camp libéral. Me Mbaye Jacques Diop, un dinosaure socialiste passé entre temps à l’Alliance des forces de progrès avant de bifurquer au Pds, se rebiffe énergiquement après la défaite. Il fait renaître de ses cendres son parti dissout dans le Pds, le Ppc. Et reprend son autonomie.
A la conférence de presse annonçant le divorce avec les libéraux, « papy » cherche un autre parrain du côté du pouvoir. Il fait un appel du pied à l’endroit de l’Alliance pour la République (Apr). « Je suis disposé à travailler avec l’actuelle majorité présidentielle, mais en gardant l’autonomie de mon parti », dit-il. Après plus de cinquante ans de vie politique, le vieux briscard louche encore les dorures du pouvoir. En dépit de sa carrière politique crépusculaire. Comme une girouette, Abdou Rahim Agne prend la direction du vent marron. Le fossile socialiste abdique et signe l’armistice avec les vainqueurs. Cet éléphant de la classe politique qui a mangé à tous les râteliers exprime publiquement son adhésion à l’Apr. Khoureïchy Thiam un autre pachyderme déserte l’opposition. Non pour prendre une retraite. Mais, il aspire goûter au banquet d’un autre « prince ». Au fil des mois les défections se multiplient. Les candidats à la transhumance piaffent d’impatience et se pressent au portillon de l’Apr. Chaque conseil des ministres décentralisé est un prétexte pour des élus locaux de rejoindre le parti du président Macky Sall. A Saint-Louis, Kaolack et Ziguinchor, des conseillers ruraux en horde compacte font acte d’allégeance au niveau président.
A côté de cet « exil » direct, d’autres empruntent des voies détournées par la création de partis qui rejoignent en suite la coalition de la majorité. Abdoulaye Baldé qui vient de créer l’Union centriste du Sénégal (Ucs) s’inscrit-il dans cette perspective ? Des rumeurs persistantes confortent cette idée. Interrogé sur son rapprochement avec le pouvoir, Abdoulaye Baldé répond : « ma préoccupation fondamentale, c’est de bâtir mon parti. Je vais m’y atteler et après, on verra. » Sitor Ndour, ancien directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) et ancien chargé de mission de l’actuel président de la République s’élance dans l’Energie libérale pour une avancée nationale (Elan). Celui qui, après sa défection des rangs de l’Apr avait jeté toute sorte de salissures sur son ennemi intime, a maintenant changé de ton. Il est devenu plus conciliant et moins brutal dans l’adversité.
Une chose est sûre,lLa migration de masse prouve que cette diabolique perversion des mœurs politiques a encore de beaux jours devant elle.
Baye Makébé SARR
Maguette Sène : «Je n’ai pas démissionné de l’Apr»
