Macky Sall doit sa légitimité au dialogue avec le peuple, au cours d’un rendez-vous. Un soir de 25 mars, ses compatriotes, à la vitesse 65%, sont convaincus qu’ils peuvent confier leurs enfants à ce quinqua longtemps resté dans l’ombre de Wade sans être son ombre vers une succession apaisée. Le rendez-vous est teinté de confiance et de galanterie. Dès que le soleil décline sur sa ligne du couchant, la clameur irradie le pays. Le fil de la sérénité passe par un coup de fil du Président Wade à son successeur. Le moment reste dans l’histoire. Au présent, la demande sociale reste l’ogre pour les Chefs d’Etat. L’impopularité est la grande hantise du futur proche. Pour Macky Sall, ce temps, c’est dans un peu plus d’une année. 2014 ! Le temps politique va vite, à l’opposé des ères primitives fondées sur l’évolution et les cycles lointains les uns des autres. Le cycle politique est une perpétuelle épreuve de popularité et de (re)conquête de la confiance. Même sans élection, le Chef est toujours regardant sur l’image qu’il renvoie à ses compatriotes. Ses relais sont comme des miroirs qui lui permettent d’atteindre le pays proche et profond, de dialoguer avec ses filles et fils emplis d’un espoir dont le réceptacle et le maître d’œuvre est l’élu. Hélas, c’est le fond qui manque le moins…
Exonérés d’impôts politiques
Le Président Macky Sall est, désespérément, le seul héros local de sa famille politique ! Son crédit électoral est le seul grenier dans lequel ses collaborateurs et proches partenaires politiques puisent leur légitimité. Un fonds que personne ne fructifie et qui risque, sous l’usure du temps et de la politique, de s’amenuiser. Comme exonérés d’impôts politiques et sociaux, ils ne versent pas leur Apport électoral local au patron de l’Alliance pour la République et champion républicain de Bennoo Bokk Yakaar. Il suffit d’être avec lui pour exister sans le faire véritablement exister. C’est le désert affectif autour du combattant en chef sur le front des demandes citoyennes, politiques et sociales. Dans une équipe de 30 membres, seul le président de la République, ancien maire de Fatick sous la bannière libérale, ancien député du PDS et candidat victorieux de la dernière Présidentielle, peut se prévaloir d’un coefficient électoral personnel de 26% (Cf. résultats du premier tour), en dehors des responsables des partis alliés (PS, Rewmi, AFP). Au moment où ces lignes sont écrites, aucune autre personnalité de l’Exécutif ne peut être d’une valeur ajouté électorale et d’un quotidien politique pour les élections locales à mi-mandat.
Commençons par le premier des remorqués sur l’autoroute de la popularité, le Premier ministre, Abdoul Mbaye. Subsidiairement militant (ou très proche) du Parti socialiste (PS), il tarde encore à prendre sa carte à l’Alliance pour la République (APR), même s’il s’en rapproche furieusement. L’annonce, par ses soins, de son engagement personnel sous l’étendard marron-beige, tarde à être suivi d’acte. Confronté aux polémiques sur des questions de bonne gouvernance, la facture sociale non estimée, celle-ci, mais si tyrannique, les caprices d’un attelage de quotataires au sommet de l’Etat, il tarde à installer un promontoire dans le cœur de ses compatriotes. Il vit aussi le dilemme d’un « apatride » affectif. Au moment de descendre dans l’arène politique pour manifester sa reconnaissance à son «bienfaiteur», quelles populations ira-t-il «draguer» ? Celles de Kaolack d’où est originaire son honorable pater, ou celles du Plateau dakarois où il a grandi avec la génération des Awa Marie Coll Seck ? Ah, justement, la ministre de la Santé sur qui le PM pourrait s’appuyer pour rameuter les «driankés ciip-ciip» (grandes dames émancipées) du «Dakar d’en haut»... La carrure, elle en est au plan académique et professionnel. Au plan social, elle est un merveilleux singleton, genre soldat dans le désert, armé de la panoplie de l’explorateur en terrain hostile.
Diplomatie de l’amitié
Une autre voix porte, sur un sujet à suspense et à grand renfort de références morales comme la traque des biens acquis. Le délit paraît si limpide que l’adjectif « supposés » ne trouve pas d’habitacle dans la formulation des griefs contre les ex de la République. Voilà, nous sommes en plein dans le champ de la «dauphine» non encore proclamée du Premier ministre, Aminata "Mimi" Touré. La plus en vue, elle est incapable de faire le plein de voix dans son quartier à Sacré-Cœur, encore moins dans son ex-fief de la Scat-Urbam. Elle pourrait, toutefois, tenter de bousculer son ancien conjoint, Oumar Sarr, dans un département de Dagana entièrement «soumis» à son éternel édile. Mais le tout nouveau ministre des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye, se sent pousser des ailes militantes. Son temps d’acclimatation à une fonction que ses compétences ont affleuré lui donne des appétits de futur leader local. Il n’écarte pas de se préparer à cette opération de charme au cœur de ce Walo conservateur et rebelle. Abdou Latif Coulibaly et lui viennent d’ailleurs de prendre leur carte de membre de l'APR, juste pour dire à Macky : «nous sommes avec toi». La Diplomatie de l’amitié et de la fidélité, c’est aussi une question de Bonne gouvernance au baromètre de l’engagement sans réserve aux côtés du principal porteur de la Cause.
Qui alors, dans l’équipe d’Abdoul Mbaye, pour jouer le rôle de porteur d’eau ? En tout cas pas le Général Pathé Seck, apolitique et même pas sûr d’influer sur le vote des gendarmes, encore moins sur celui des autres corps militaires et paramilitaires. Ce sera peut-être le ministre des Finances, Amadou Kane, qui aurait plus d’amis et de connaissances dans la banque que dans le monde politique et même social. En temps d’austérité marqué par des coups de ciseau sur le train de vie de l’Etat, il ne brillera sur le périmètre politique qu’à la condition de se dépenser sans compter ses efforts pour faire honneur à la confiance du Président. Pour Abdoul Aziz Mbaye, le ministre de la Culture, son soutien ne semble pas encore acquis, dès lors qu’on ne sait pas si son «parrain», Youssou Ndour, présentera une liste aux locales de 2014, ou s’il fera fondre "Fekkee ma ci Boole» dans celle de Macky Sall pour les mêmes besoins que lors de la Présidentielle 2012. Double équation donc pour le président Macky Sall, qui ne sait pas s’il pourra compter sur la Fondation Youssou Ndour, et le mouvement (futur parti) "Fekkee ma ci boole", que président deux de ses ministres. Sur quel pied danser et, pis, sur quelle musique, si le Grand You reste aphone sur ses amours politiques ?
Bérézina en 2014 ?
Pour mobiliser les foules afin de rééditer son coup du 25 mars (Présidentielle) et du 1er juillet 2012 (Législatives), le chef de l’Etat Macky Sall ne devra pas trop compter sur les voix que draineront les ministres Oumar Guèye et Pape Diouf ("Rewmi" d’Idrissa Seck), car l’ancien Premier ministre, qui a raté son projet "Idy 4 President" en 2012, sera toujours là pour assumer ce qu’il appelait, en 2000 déjà, un «destin présidentiel». Et la meilleure sonde, pour lui, c’est l’échéance locale de 2014. L’ancien « Numéro 1 du Numéro 1 » de Wade ne se contentera pas d’être, pour de longues années encore, le « Numéro 3 ou 4 de l’ancien Numéro 2 » de Wade. Tout comme Macky Sall devrait s’attendre à une autre liste issue de sa coalition, car le Parti Socialiste d’Ousmane Tanor Dieng, Serigne Mbaye Thiam et Aminata Mbengue Ndiaye présentera, à n’en pas douter, un candidat pour la Présidentielle de 2017, en la personne de Khalifa Ababacar Sall, l’actuel maire de Dakar. Alors, pourquoi ne pas marquer l’indépendance dès 2014 ?
Avec au moins quatre listes issues de la coalition "Bennoo Bokk Yakaar" - le chef n’était-il pas le chantre de la candidature plurielle, lors de la dernière présidentielle ? - on ne paierait pas cher de la peau de l’Apr, qui ne revendique qu’à peine 500.000 membres. Pas assez lourd dans la balance électorale, diront certains, pour gagner la plus petite commune d’arrondissement de la capitale. Encore qu’au moment où il devait se massifier, le parti du président Macky Sall se tourne les pouces, s’il ne se perd pas dans ses luttes internes, comme à Mbacké où le vice-président de l'Assemblée nationale, Moustapha Cissé Lô et le Directeur de cabinet présidentiel, Mor Ngom, se crêpent les chignons, pendant que ses responsables sont, tour à tour, éjectés des fonctions ministérielles qu’ils occupaient. Mbaye Ndiaye, Me Alioune Badara Cissé, Aly Koto Ndiaye et Abou Lô ont tous été sacrifiés sur l’autel de la coalition à consonance socialiste.
Au regard de toutes ces incertitudes, le chef de l’Etat pourrait entraîner l'APR vers une bérézina aux locales de 2014, élections à mi-mandat, élections casse-gueule par essence. Les candidats "Apéristes" ou affiliés ont juste 12 mois pour se créer des fiefs électoraux... Pour l’honneur de leur « Boss ». Feu Babacar Niang, ex-lieutenant du Pr Cheikh Anta Diop et fondateur du Parti pour la Liberté et le Peuple (PLP), voulait devenir un « Président qui bosse, avec des ministres qui bossent ». Il parlait de la gestion des affaires publiques. Il est aisé de reformuler pour faire de Macky un « président qui bosse et des responsables « apéristes » qui bossent pour vendre sa vision et ses actes sur le terrain idéologique »…
SERIGNE MOUR DIOP