Un homme politique camerounais comparé à Macky Sall


La tyrannie est au Cameroun ce qu’est la démocratie au Sénégal. C’est une tradition politique. L’analyse la plus intéressante que j’aie lu du procès de Marafa ces jours est venue des marafistes. Car comme écrit Mutations à propos du 24 juillet, ‘le peuple scande : « Libérez Marafa, Libérez Marafa ». D’un autre côté, certains reprennent : « Marafa, président, Marafa président ». D’autres crient : « Notre Macky Sall ».’ ‘Marafa, notre Macky Sall’ ? Lâché dans l’amalgame, voilà une comparaison bien intéressante, parce que le Sénégal est le pays où Paul Biya ne peut plus aller. Et pour cause ! Le cadavre de celui qui lui a donné le pouvoir le 6 novembre 1982 après démission au bout d’une élection gagnée à 99,99% deux ans auparavant, Ahmadou Ahido, y est encore enterré. L’épouse d’Ahidjo y vit en exil, y compris les enfants et petits-enfants de celui qu’il appelle encore aujourd’hui ‘mon prédécesseur.’ Parce que Macky Sall vient d’un pays qui nous est devenu étrange depuis le 6 avril 1984, la référence en plein Yaoundé à son nom, ne peut qu’être intéressante. Pourtant à y voir de près, s’il devenait président du Cameroun, Marafa aurait fait sien le modèle Macky Sall, en le trempant cependant dans les réalités tyranniques camerounaises. Car l’envolée politique de Macky Sall ne commence pas avec son élection comme président de la république sénégalaise en 2012, mais avec sa disgrâce en 2009, au cœur d’une affaire sombre de blanchiment d’argent qui l’aurait lié au Gabon. Voilà bien le moment de ‘chute’ de celui qui avant était, pas seulement aux sommets du pouvoir comme président de l’Assemblée nationale sénégalaise, mais aussi membre du comité directeur du PDS de Wade dont il fut en plus directeur de la campagne présidentielle en 2007 ! Comme en octobre 2011 chez Biya, c’est la volonté de Wade de briguer un autre mandat et de préserver la succession à son fils Karim, qui l’aura poussé à vouloir ‘couler’ celui qu’il avait bien positionné pour le remplacer sinon – en le jetant comme un poisson dans l’eau.

L’histoire, on la sait : Macky Sall, qui idéologiquement est libéral comme Wade, sera exonéré par la justice sénégalaise, et aujourd’hui est président du Sénégal. Il aura ainsi permis à Wade bien que vaincu, de voir une aile dissidente de son parti maintenir le pouvoir aux mains des libéraux. Oui, il aura permis à Wade malgré sa défaite aux présidentielles, de maintenir l’opposition socialiste, le PS donc, hors de la présidence. Et sans doute, cela faisant partie aussi des conséquences politiques de la victoire d’un fils idéologique sur son père, Wade se sera épargné les bien mauvaises surprises d’un procès, car qui poursuivrait son papa en justice ?

La conséquence également du phénomène Macky Sall aura été le regroupement de l’opposition sénégalaise dans une coalition hétéroclite. Cette recomposition de la scène politique sénégalaise célébrée au nom de ‘l’union de l’opposition’ anti-Wade aura bien été au fond sa triangulation par les libéraux. Et c’est cette triangulation de l’opposition par le RDPC qui se dessine au Cameroun, même si chez nous, tyrannie oblige, elle se sert plutôt de la justice comme instrument et d’un procès politique comme arène. Car n’oublions pas que Marafa est bien du RDPC, dont il est membre du comité central. Il pourrait même créer son propre parti qu’il en représenterait toujours l’Etat tribal, lui qui Nordiste, est l’incarnation vivante de l’axe Nord/Sud dont le RDPC est le légataire testamentaire. Or porté le 24 juillet par la clameur populaire de 10000 marafistes déchainés mais tolérés par la police en plein Yaoundé, comme dit Mutations il ‘dessine désormais un rejet pavlovien de l’ordre gouvernant au Cameroun.’ Paradoxe, s’il y en a ! Et c’est autour de cette aile paradoxale du RDPC que le SDF-Fru Ndi, le PAP-Paul Ayah, tous anciens RDPCistes, et d’autres partis, pas à pas composent une coalition anti-Biya. Marafa serait-il le Macky Sall du Cameroun que Biya sans plus avoir besoin d’aller à Dakar, pourrait comme Wade dormir ou mourir en paix ! A moins que dans un ultime sursaut de clairvoyance politique, l’opposition ne se réunisse derrière une personnalité qui arracherait à ce membre de poids du RDPC la présidence du Cameroun que lui ouvrirait en octobre son innocence certifiée par un juge crédibilisé en public depuis sa décision d’élargir Atangana Mebara. Cette personnalité de l’opposition, c’est bien Jean-Michel Nintcheu.

© Correspondance : Patrice Nganang

Source: Camer.be

Abdou Khadre Cissé

Mercredi 1 Aout 2012 09:08

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