Intitulé "La longue nuit", ce roman de 177 pages, publié aux éditions L’Harmattan, n’est pourtant "pas totalement autobiographique mais c’est vrai que mon histoire est un prétexte pour parler de la nuit", qui a toujours fait peur et intrigué les hommes, explique M. Mbaye dans un entretien avec l’APS.
"Le non voyant se conforme avec la nuit et il est la nuit", souligne l’écrivain, convoquant naturellement le mythe d’Œdipe, du nom de ce héros de la tragédie grecque qui a préféré se crever les yeux responsables de toutes ses misères.
Parlant de son roman qui sera présenté samedi à Dakar, l’auteur affirme que pour la première fois, un non voyant raconte la nuit, une perspective qui conduit Sidy Bouya Mbaye à une réflexion originale dont la trame tient aussi de ce moment délicat de la vie qui fait basculer "dans un monde où le temps n’existe pas, l’espace n’existe pas".
"C’est vrai que nous tous, toute la création, est prise dans l’espace, mais le non-voyant est prisonnier de l’espace et en même temps prisonnier de l’existence. Le temps n’existe pas pour lui mais il est la totalité de l’espace (….). Il porte son espace à lui", explique-t-il.
Le nouveau roman de Sidy Bouya Mbaye - il a sorti en 2014 un premier intitulé ’’Le Rescapé’’ - se nourrit par ailleurs d’une réflexion générale sur la situation des handicapés, lesquels "ne sont bons que pour la charité" aux yeux de la société.
De cette manière, l’auteur décrit d’autant mieux le processus par lequel passe le personnage principal, un non-voyant qui "essaie de se reconstruire après une déconstruction" fondamentale.
Moutoufa, qui fait étrangement penser à Sidy Bouya Mbaye lui-même, va travailler, voyager, histoire de ne jamais baisser les bras, "parce que Dieu donne toujours quelque chose qui permet de se réaliser, même si c’est extrêmement difficile" au Sénégal en particulier.
"Il va essayer de tout faire" et s’engage même en politique, sachant que les rapports au quotidien confinent plutôt les handicapés dans la mendicité.
L’âme "a faim" et est dans un besoin de foi et de "nourriture" en Occident comme en Afrique, puisque "la pensée a des limites, même la science a des limites, donc l’homme doit se reconstituer", c’est-à-dire replonger au plus profond de son essence pour se retrouver et vivre en paix.
Pour ce faire, Moutoufa "préfère le silence des yeux" pour accéder à une spiritualité bienvenue parce que pas toujours accessible, bien que l’auteur souligne que "la nuit est en nous (comme) Dieu est en nous".
Ainsi, suivant un "renversement de l’ordre" de la vie et des choses, les non-voyants ont "le pouvoir de se détacher" des choses terrestres et des vices de toutes sortes pour une introspection visant à "éclairer vous autres les voyants", dit-il.
Sidy Bouya Mbaye fait en outre observer qu’"au-delà de la nuit de Moutoufa, il y a les nuits du monde" et de la conscience humaine, les nombreux défis auxquels les hommes sont appelés à apporter des solutions, la violence, la pauvreté, les guerres, le déséquilibre dans les relations internationales, la détérioration des termes de l’échange, entre autres problématiques.
Sidy Bouya Mouahamadal Fadel Mbaye, natif de Dakar, où il a fait son cursus scolaire et universitaire qu’il n’a pu achever à cause d’une méningite qui a eu pour séquelle une cécité définitive depuis 1990.
Cet enseignant de lettres et de philosophie est aussi un activiste de la société civile, membre par exemple du CONGAD, le Conseil des organisations non gouvernementales d’appui au développement.
M. Mbaye, actuellement chargé de l’information, du protocole et de l’accueil au bureau de l’autoroute à péage de l’APIX, l’agence chargé de l’investissement et des grands travaux, dirige par ailleurs depuis 2005 un parti politique, Alliance pour la conscience citoyenne (ACC Nitté).