Vacances gouvernementales sur un air de préavis


Franchement, qui pouvait attendre du porte-parole du gouvernement, Serigne Mbaye Thiam, la confirmation d’un malaise entre le président de la République Macky Sall et son Premier ministre Abdoul Mbaye ? Serigne Mbaye Thiam, interrogé par la presse, ne pouvait que dire qu’il n’y a aucun malaise entre le président de la République et son Premier ministre. C’est ce que les voix officielles disaient d’ailleurs du genre : «entre Abdoulaye Wade et Idrissa Seck  c’est comme deux manches d’une paire de ciseaux» ou qu’entre les deux «il n’y a pas de place pour une feuille de tabac».Tellement les relations passaient pour être étroites ! Jusqu’au jour où…
En fait Le Quotidien avait publié, dans son édition du 23 juillet 2012, des informations sur les relations devenues difficiles entre le président de la République et son Premier ministre. Nous avions listé des faits jusqu’ici irréfutés. Les faits ont la tête dure. En dépit d’une séance d’explications entre les deux hommes, la situation ne s’est guère améliorée. Bien au contraire. On peut même affirmer que la confiance est de moins en moins de mise.

Abdoul Mbaye a cherché en vain à arranger les relations entre son frère puiné, Cheikh Tidiane Mbaye, et le chef de l’Etat. Mais Macky Sall a estimé qu’une telle audience n’était pas utile. En effet, il rumine encore l’esclandre créée par la démission de Cheikh Tidiane Mbaye du poste de Président du Conseil d’administration de la Senelec en protestation de la décision de Macky Sall de nommer l’ingénieur Pape Dieng à la tête de la société nationale d’électricité.

La dernière décision unilatérale du chef de l’Etat de surseoir aux réunions hebdomadaires du Conseil des ministres, jusqu’au mois de septembre, renforce le climat de malaise au sommet de l’Etat. Macky Sall, qui avait pourtant, quelques semaines plus tôt, pressé son Premier ministre de finaliser sa déclaration de politique générale, ne semble plus s’impatienter. Mieux, il demande à son chef de gouvernement de faire un rapport pour dresser le bilan de l’action du gouvernement après quatre mois d’exercice. Et ce qui renseigne surtout sur le fait que la confiance est en train de foutre le camp, c’est que le chef de l’Etat a instruit, lors de la dernière réunion du Conseil des ministres, ses ministres de ne plus signer un quelconque engagement au nom de l’Etat du Sénégal sans en référer préalablement à lui, Macky Sall en personne. Le chef de l’Etat d’en rajouter une couche en précisant avec fermeté au ministre des l’Economie et des Finances, Amadou Kane, tout le prix qu’il attachait à cette directive. Un ange passa. Au sortir de la réunion, des membres du gouvernement se demandaient ce qui était advenu au Premier ministre.

La question de ces pseudo-vacances gouvernementales occupe les discussions. En réalité, seules les réunions du Conseil des ministres sont mises en veilleuse, les ministres travaillant normalement. Le chef de l’Etat, qui a été Premier ministre et président de l’Assemblée nationale, ne saurait ignorer que le règlement intérieur de l’Assemblée nationale exige du Premier ministre une Déclaration de politique générale dans les trois mois suivant la formation du gouvernement. Abdoul Mbaye sortira des délais en faisant sa déclaration de politique générale au plus tôt au mois de septembre prochain. Une tentative d’explication de ce retard voudrait que la Déclaration de politique générale ne puisse se faire avant l’installation des commissions techniques de l’Assemblée nationale. On se demande quel est le lien entre ces deux choses car la Déclaration de politique générale se fait devant la session plénière et aucune réunion de commission préparatoire n’est requise. De toute façon les commissions techniques de l’Assemblée nationale seront installées cette semaine.

On ne le dira jamais assez, le Président Macky Sall avait annoncé que lui-même et son Premier ministre ainsi que l’ensemble de son gouvernement rendraient publiques leurs déclarations de patrimoine. Ce serait en conformité avec la charte de bonne gouvernance produite par les travaux des Assises nationales, que le candidat Macky Sall avait endossée. Macky Sall a déjà publié sa déclaration de patrimoine. Abdoul Mbaye, lui, a dit, le 6 mai 2012, qu’il avait peur de rendre public son patrimoine. Pourtant, une déclaration de patrimoine du Premier ministre aurait le mérite de faire taire de nombreuses conjectures. Il se dit que Abdoul Mbaye, qui a investi dans la prospection de l’or, a été victime, quelques jours après sa nomination comme Premier ministre, d’un vulgaire chantage au déballage de deux de ses partenaires dans la société, Sored-Mines SA. Cette société, a mis à jour, en 2007, un gisement dont le potentiel est estimé à 18 tonnes d’or «avec de réelles possibilités d’extension». C’est du côté de Kédougou (dans l’Est du Sénégal), sur le périmètre de recherche de Niamia, que la découverte a été opérée après près de trois ans de recherches. Le 2 novembre 2007, une concession pour or et substances connexes a été accordée par le gouvernement. Aussi, en faisant savoir au public la constitution de son patrimoine, Abdoul Mbaye lèverait la suspicion qui entoure de nombreuses décisions qu’il prendrait dans le cadre des activités gouvernementales. En demandant par exemple à Nma Sanders de Ameth Amar de fournir en urgence des aliments pour le bétail, ou à Touba Gaz de Cheikh Mbacké Sèye de livrer des cargaisons d’hydrocarbures, d’aucuns soupçonneraient le Premier ministre, dépositaire de l’autorité publique, de prise illégale d’intérêts  ou d’octroi d’avantages injustifiés. Que ne dirait-on pas aussi si l’homme d’affaires Mamadou Ndoye recevait une commande publique ?

Tout cela fait que de nombreux observateurs se demandent si véritablement le Premier ministre Abdoul Mbaye fera une Déclaration de politique générale. Le délai d’un mois de suspension des réunions du Conseil des ministres pourrait être perçu comme un préavis de licenciement servi aux membres du gouvernement. Si c’était dans le cadre d’une relation organisée par le Code du travail, la journée de la réunion hebdomadaire du conseil des ministres, désormais «off» pendant un mois, représenterait la journée de congé légal que l’employé ayant reçu un préavis mettrait à profit pour la recherche d’un nouvel emploi. Un observateur averti ose le commentaire assassin : «Abdoul Mbaye fera du golf les jeudis, comme du temps où les forces vives de la Nation se battaient pour faire partir Abdoulaye Wade.»

Par Madiambal Diagne

Source: Le Quotidien

Abdou Khadre Cissé

Lundi 6 Aout 2012 11:48

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