Vers un tribunal spécial pour juger Hissène Habré

Le Sénégal a donné son accord au projet de l’Union africaine (UA) pour juger Hissène Habré devant un tribunal spécial au sein du système judiciaire sénégalais présidé par des juges africains nommés par l’UA, indique Reed Brody, conseiller juridique à Human Rights Watch, précisant que cette décision a été prise après quatre jours de discussions à Dakar (20 au 24 juillet).


Le même jour, le ministre sénégalais de la Justice a dit, au sujet des 8 milliards de francs nécessaires à la tenue du procès, que ‘’la mobilisation du budget ne posera pas problème’’.

Elle a annoncé la contribution de l’Union européenne (UE) du Luxembourg, du Tcahd et de l’UA.

La Cour internationale de justice (CIJ) de la Haye a décidé vendredi dernier que le Sénégal "doit, sans autre délai, soumettre le cas de Hissène Habré à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale, s’il ne l’extrade pas’’.

Estimant que le refus du Sénégal de poursuivre ou d’extrader l’ex-président tchadien, poursuivi notamment pour crimes contre l’humanité, "viole l’obligation générale de réprimer les crimes de Droit international humanitaire", Bruxelles avait saisi la CIJ le 19 février 2009, lui demandant d’ordonner au Sénégal de le juger ou de l’extrader.

Dans sa requête, la Belgique soutenait que le Sénégal, où M. Habré vit en exil depuis 1990, ‘’n’a pas donné suite à ses demandes répétées de voir l’ancien président tchadien poursuivi en justice au Sénégal, à défaut d’être extradé vers la Belgique, pour des faits qualifiés, notamment, de crimes de torture et de crimes contre l’humanité".

Selon la CIJ, le Sénégal, ''en ne procédant pas immédiatement à une enquête préliminaire en vue d’établir les faits relatifs aux crimes qui auraient été commis par M. Hissène Habré, a manqué à l’obligation que lui impose l’article 6, paragraphe 2, de la convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984".

Après l’arrêt de la CIJ, la ministre de la Justice, Aminata Touré, a réitéré la volonté du gouvernement sénégalais de tenir "un procès juste et équitable", avant fin 2012, pour juger l’ancien président tchadien Hissène Habré, en exil au Sénégal depuis 21 ans.

‘’Le Sénégal est résolument engagé à tenir le procès envisagé contre M. Hissène Habré, au plus tard avant la fin de l’année 2012’’, rapportait un communiqué de son cabinet, reçu à l’APS.

‘’Après tant d’années d’efforts et tant de déceptions, les victimes de Hissène Habré pourraient enfin entrevoir la lumière au bout du tunnel’’, a déclaré Reed Brody, conseiller juridique à Human Rights Watch, qui travaille avec les victimes depuis 13 ans.

Selon lui, ‘’la volonté politique semble être là au Sénégal, et la décision de la Cour internationale de Justice signifie que ce pays ne peut pas faire marche arrière, mais nous avons encore du chemin à parcourir. Le Sénégal devrait initier la procédure rapidement, avant le décès d’autres survivants’’.

Le nouvel accord prévoit la création de ‘’Chambres africaines extraordinaires’’ au sein de la structure judiciaire existante à Dakar, indique le communiqué transmis à l'APS.

‘’Le mandat des chambres sera de poursuivre la ou les personnes les plus responsables pour les crimes internationaux commis au Tchad entre 1982 et 1990’’, explique la même source.

Les chambres auront différentes sections chargées de gérer les enquêtes, les procès, et les recours en appel et seront composées des juges sénégalais et africains, mentionne encore le texte.

Hissène Habré vit en exil à Dakar depuis la chute de son régime en 1990, après huit ans au pouvoir. Il avait été renversé par l’actuel président tchadien, Idriss Deby Itno, qui était un de ses proches collaborateurs avant d’entrer en rébellion.

En 2005, Bruxelles avait émis un mandat d’arrêt contre Hissène Habré à la suite d’une plainte déposée en 2000 par un Belge d’origine tchadienne en vertu d’une loi belge dite de "compétence universelle" pour les crimes de Droit international.

Plusieurs demandes d’extradition avaient été déposées en vain par Bruxelles pour faire extrader vers la Belgique M. Habré, accusé de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture notamment.

Dakar avait accepté en 2006 de juger M. Habré à la demande de l’Union africaine (UA), mais n’a jamais organisé de procès.

Selon une commission d’enquête tchadienne, le régime de Habré a fait plus de 40.000 morts parmi les opposants politiques et parmi certains groupes ethniques.

Abdou Khadre Cissé

Mardi 24 Juillet 2012 22:11

Dans la même rubrique :