Voter Non au référendum n’est pas une sanction contre le « Waakh Wakheet » (reniement) de Macky Sall


Bon nombre de citoyens, trompés de bonne foi par les partisans du Non, pensent qu’en votant non, ils sanctionnent le non-respect d’une vertu sénégalaise qui est le respect de la parole donnée. Il ne s’agit pas d’une spécificité sénégalaise d’ailleurs car nous n’avons pas le monopole de la droiture et de la morale.
 
Le Mouvement y’en a marre par exemple ne se prononce pratiquement pas sur le fond du sujet et sur l’utilité ou non des réformes proposées. Leur seul argument pour voter et appeler à voter pour le Non consiste à dire que puisque Macky a renié son engagement de réduire son mandat actuel de 7 à 5 ans, il faut le sanctionner en votant non à « son » référendum « parce que la parole publique doit être sacrée ». C’est un argument un peu réducteur et simpliste pour nos amis Fadel Barro et compagnie en vérité.
 
En vérité, le référendum n’a pratiquement rien à voir avec la question du reniement de Macky Sall. A considérer même que Macky s’est renié, quel est le lien entre les propositions de réformes constitutionnelles et le fait pour Macky de ne pas réduire son mandat en cours ?
 
Le référendum n’est pas l’outil par lequel sanctionner Macky Sall même s’il y a malheureusement confusion entre le référendum et sa personne. Si certains pensent devoir le sanctionner, ils devraient attendre les législatives ou la présidentielle pour ce faire. Voter contre le référendum ce n’est pas sanctionner Macky Sall mais c’est se sanctionner soi-même et sanctionner le peuple, principal bénéficiaire des réformes préconisées
 
On parle dans le référendum de points d’avancement et de renforcement de la démocratie sénégalaise. Dans le référendum, ce n’est pas le mandat de Macky qui est en cause mais l’avenir de notre démocratie. Référendum ou pas, Macky restera jusqu’en 2019.
 
Alors quel est le rapport entre le mandat actuel qui durera jusqu’en 2019 et les propositions de réformes qui devront durer des décennies d’une meilleure gouvernance et d’une démocratie renforcée au bénéfice des populations ? On voit bien que l’on ne parle pas de la même chose.
 
Qu’est-ce que cela change au fond que Macky fasse 1 ou 3 ans de plus face aux propositions de fond portées par le référendum ?
 
Ainsi donc, on voudrait empêcher la réforme de la constitution souhaitée depuis les Assises nationales parce que simplement Macky n’a pas réduit son mandat ou n’aurait pas respecté sa parole ?
 
Mais qu’on nous cite un politicien qui respecte toutes les promesses faites avant, pendant ou après une campagne électorale ! L’homme propose et Dieu dispose. On peut être animé de bonne volonté et ne pas parvenir par la force des choses et par le jeu de la real politic à ne pas atteindre des objectifs louables. Pour modifier le mandat, il fallait un référendum. Et pour faire un référendum il fallait un avis préalable du Conseil constitutionnel. Ce dernier a déconseillé à Macky de réduire son mandat et pour critiquable que soit cette décision/avis, les principes juridiques invoqués par le Conseil constitutionnel tenant à la stabilité des institutions et au serment prêté par Macky sont défendables.
 
Et d’ailleurs on voudrait assimiler le prétendu Waakh Wakheet de Macky avec celui d’Abdoulaye Wade alors que là aussi cela n’a rien à voir.
 
Dans le 1er cas, Macky n'a pas respecté une promesse qui n'engageait que lui. Il n'a pas pour autant violé la constitution car une promesse électorale demeure une promesse unilatérale. Elle n'a aucune force obligatoire ou légale et ce n'est point un parjure de ne pas respecter une promesse électorale. Quand bien même il a renouvelé cet engagement électoral en cours de mandat, le non-respect de cet engagement ne peut lui valoir la défiance subie par Wade à l’époque. Sinon aucun président ne resterait longtemps en place car ils prennent tous des engagements pré ou post électoraux que les circonstances les poussent à renier de gré ou de force.
 
Dans le cas de Wade par contre, qui est totalement différent, ce dernier a violé une disposition pré existante de la Constitution qui lui interdisait de postuler pour un 3ème mandat. Ce qu'il avait lui-même reconnu publiquement et c'est sur cette évidente reconnaissance qu'il était revenu en violation manifeste de la constitution qu'il avait lui-même fait voté. C'est la violation de la constitution qui lui interdisait ce 3ème mandat et la tentative de se faire succéder par son fils avec le projet du ticket qui lui a valu le soulèvement populaire que l'on a connu.
 
La seule question qui vaille d’être posée dans le cas présent du référendum du 20 mars  est de savoir si ce référendum renforce nos institutions, notre démocratie et les droits des citoyens ?
 
Pour notre part, nous pensons humblement que, malgré ses imperfections, la réforme de la Constitution, si elle est adoptée, constituera une avancée, si minime soit-elle, pour la démocratie sénégalaise malgré ce qu’en disent les opposants.
 
Par contre si c’est le Non qui gagne, ce sera le règne du statu quo. Macky Sall restera malgré tout en place jusqu’en 2019 car le référendum ne remet pas en cause sa légitimité constitutionnelle même si les opposants essaieront de semer le trouble. Les prochains Présidents feront 7 ans renouvelables et ce ne sont pas les partisans du non actuels qui y changeront quelque chose puisque pour changer la durée du mandat il faut un référendum et pour qu’il y ait référendum, il faut une volonté présidentielle. Et rien ne dit que le ou les futurs présidents voudront réduire le mandat puisqu’ils diront qu’ils n’ont pas pris d’engagement en ce sens. Un référendum ne s’organise pas tous les matins.
 
Alors quand on a en Afrique un Président qui est sur le point de faire réduire la durée des mandats présidentiels même si la réduction ne s’applique pas au mandat en cours, il faudrait saisir cette chance.
 
En vérité, le non des opposants au pouvoir n’a rien à voir avec les histoires de parole donnée. Certaines personnes croyaient pouvoir gagner la présidentielle si elle se tenait en 2017 parce que en 5 ans Macky n'aurait pas eu le temps de dresser un bilan convaincant. C’est la seule raison pour laquelle ils veulent la victoire du non qui leur permettrait de remettre en cause la légitimité de Macky croient-elles. Mais il y a les législatives qui se profilent en 2017. Qu’elles les gagnent d’abord pour montrer que Macky a perdu du terrain et après on verra.
 
Une chose est sûre : si le non gagne au référendum du 20 mars 2016, le Sénégal aura raté le train des réformes pour des années ou des décennies encore.
 
Moralité : réfléchissez bien avant de vous décider à voter Non
 
Ibrahima Ndiaye
Mouvement pour le Socialisme et la République
http://www.socialisme-republiquesn.org/


Jeudi 17 Mars 2016 16:07

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