Wade, les dessous d’une chute

Malgré ses réalisations, l’image du régime Wade était trop ternie auprès des Sénégalais. Des révélations sont faites par ses opposants.


En sortant de l’aéroport Léopold Sedar Senghor de Dakar, le nouveau venu est séduit par une capitale riche en infrastructures. Autoroutes, échangeurs et tunnels facilitent la circulation urbaine. Tous ces ouvrages ont été réalisés sous le régime Wade. Selon Babacar Guèye, porte-parole de son parti, le Parti démocratique sénégalais (Pds), ce sont au moins 16 grands chantiers routiers et aéroportuaires qui ont été réussis par l’ex-président.

A cela, s’ajoute la fameuse statue de la Renaissance africaine dont l’importance culturelle est même reconnue chez certains opposants comme le président de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho). « Nous avons toujours décrit et défini le président Wade comme un bâtisseur. De mon point de vue, même le monument qu’on lui reproche et qui a coûté très cher va faire partie demain de l’identité de cette ville », affirme Alioune Tine. Alors, pourquoi ce président a-t-il subi une défaite si cuisante le 25 mars ?

Cette réponse du leader de l’Alliance des forces de progrès (Afp) résume ce que les Sénégalais nous ont dit pendant notre séjour dakarois. « Le bilan de Wade, c’est l’arriération économique, mentale, morale. L’arriération par rapport au rêve de progrès des Sénégalais, et surtout le coup de boutoir porté au rêve de grandeur des Sénégalais et des Africains », assène Moustapha Niasse. Pour lui, les réalisations de Sopi (changement en Wolof) ont été faites à coût de corruption, de dessous de table avec un refus obstiné d’audits ou de contrôle sur les audits qui ont été effectués jusqu’à causer la défenestration du président de l’Assemblée nationale d’alors en 2008, M. Macky Sall », rappelle l’ancien Premier ministre. Très prolixe et très acerbe contre l’ex-régime, il ajoute : «  je n’ai pas besoin de chercher de preuves. Ce sont eux-mêmes les hauts responsables de l’Etat qui ont dit à la télévision que le coût de la corniche-ouest (de Dakar) est de 6 milliards de Fcfa le kilomètre. Quand les ingénieurs ont regardé tout cela, ils ont constaté que ce kilomètre sur la corniche long de 18 km est le kilomètre le plus cher au monde. Parce qu’en Californie, en Arabie Saoudite, en Island ou en Finlande, jamais on ne fait du goudron qui coûte aussi cher. Douze millions de dollars le kilomètre, ç’a n’existe pas au monde. Voilà une preuve et ce sont eux-mêmes qui l’ont donnée… »

Avant et pendant la campagne électorale, ses révélations ont été relayées par les médias sans que le camp Wade ne puisse apporter le moindre démenti. Les demandes sociales des Sénégalais étaient devenues énormes : accès difficile aux soins de santé, cherté des denrées de première nécessité, cherté de la vie tout court. En réponse, Wade et surtout son entourage, très décriés pour leur corruption, ne leur servaient qu’une mégalomanie dédaigneuse. Les exem­ples se trouvent dans divers domaines. Mais les meilleures illustrations restent dans le domaine des hydrocarbures. «Le gouvernement d’Abdoulaye Wade était le seul sur le continent africain qui facturait à 7 milliards un bateau de pétrole de type A1. Ce qui serait vrai si le carburant était de type A1. Il facture à 7 milliards un bateau de type A3 qui est payé effectivement à 2 milliards. Il suffit de déclarer que le carburant est de type A1 ayant la capacité de production calorifique au sommet pour 7 milliards. Alors que c’est des produits frelatés qui coûtent 2 milliards. On paye 7 milliards pour un bateau qui en coûte deux. Et quand on le fait tous les 17 jours, cela donne sur 51 jours 21 milliards au lieu de 7 ou 8 milliards et on s’enrichit. Wade s’est enrichi avec cela. Sa famille, ses collaborateurs aussi. Des ministres de l’Energie se sont enrichis en millions d’euros de cette façon. Ils sont là et marchent dans la rue librement », ajoute Niasse. Les prix sont plus élevés que dans un pays comme la Côte d’Ivoire qui sort de crise : super 828 FCFA, gasoil : 789 F.

Wade a aussi été aussi desservi par son âge avancé et ses velléités monarchistes. « A 86 ans, voire 90 ans, on doit aller se reposer. Il est fatigué. Il doit se reposer et laisser à une nouvelle génération le soin de mener le destin du pays. Wade savait qu’il n’avait pas le droit de se représenter à un nouveau mandat et il l’a dit le 7 mars 2007. C’est lui qui a verrouillé la constitution et son entêtement a coûté cher à ce pays. Il voulait placer son fils », déclare Alioune Tine pour expliquer la révolte électorale du 25 mars.


Cissé Sindou, envoyé spécial à Dakar

Source: Abidjan.net


Bamba Toure

Mardi 10 Avril 2012 12:41

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